Kro : Alan Turing (1912 – 1954)

Alan_Turing_photo-2015-02-6-23-44.jpgAlan Turing (1912 – 1954)

Suite à mon article sur Turing dans le Blog du Monde, on m’a demandé ce que je pense de la vraie vie de Turing.

Mes références viennent surtout de :

Andrew Hodges, Alan Turing: The Enigma

Jean Lassègue : Turing

Alan Turing est né le 23 juin 1912. Il a un frère aîné de quelques années, John. Son père travaille à l’administration des Indes Britanniques et habite avec sa femme dans la région de Madras. Le couple estime que le climat des Indes ne convient pas aux deux enfants et les laissent en pension chez les Ward, près d’Hastings. Si bien que pendant des années, les enfants ne verront leur parents que pendant les vacances et n’iront jamais aux Indes.

Mr Ward ne s’intéresse pas beaucoup aux enfants. timberland Quant à sa femme, elle décide de leur donner une éducation qui en fera de vrais hommes, principe éducatif qui ne fonctionnera avec aucun des deux Turing. Alan Turing est un enfant vif et drôle mais il s’ennuie terriblement chez les Ward. Quand sa mère revient le voir alors qu’il a cinq ans, elle remarque un grand changement par rapport à l’année d’avant. Alan est devenu rêveur et peu sociable.

Tout petit déjà, Alan aime certaines règles. Il sait à peine écrire qu’il recopie des recettes de cuisine. Comme tous les enfants, il déteste quand sa mère saute un passage en lui lisant une histoire mais il fait telle affaire qu’il s’écrie : “Tu as tout gâché” et court s’enfermer dans sa chambre en pleurant.

Pour ses parents, rien ne valait l’éducation des public schools. Leurs enfants s’y rendront. John s’y plait et devient même populaire. Par contre, Alan va détester. Il est à la fois mis à l’écart et chahuté par les autres enfants mais est aussi mal aimé des enseignants car il est peu soigneux et inattentif. Ses devoirs ressemblent à des brouillons et son écriture est désastreuse. Enfin, il déteste les sports qui lui sont imposés. En outre, il bégaye légèrement ou du moins, son élocution se bloque en cours de phrase avant de repartir. Il a aussi des problèmes avec John qui trouve son petit frère asocial bien trop encombrant pour sa notoriété.

Alan place plusieurs années noires dans cette école jusqu’à ce qu’il rencontre Christopher. Il a déjà bien compris que ses préférences allait du côté des garçons. Christopher représente pour lui l’idéal à atteindre. Grâce à Christopher, son écriture s’arrange, ses devoirs sont plus soignées et il commence à se faire remarquer en sciences et en mathématiques. Malheureusement, le jeune garçon meurt des suites de tuberculose bovine. Alan en éprouvera une très grande tristesse et restera des années durant en contact avec la famille de Christopher.

Par la suite, sans l’exposer ouvertement (il n’en parle pas à ses parents) Alan ne cachera pas particulièrement homosexualité, mais il ne tombera plus amoureux de la sorte. Certains de ses amis ont pu se montrer intéressés, d’autres non, mais Alan Turing ne fut jamais rejeté pour ses préférences sexuelles dans son entourage.

Enigma00-2015-02-6-23-44.jpgEn 1940, il rejoint la Governement code & cypher school dans le manoir victorien de Bletchley. Le but est de décrypter les messages codés allemands de la machine Enigma. Bien que ce soit la guerre, Turing compare Bletchley à une sorte de camp de vacances pour mathématicien. En effet, il considère que la recherche mathématique est bien plus complexe et angoissante que les mathématiques appliqués au codage, tel qu’il les pratique ici. moncler Doudounes En outre, il jouit d’une grande notoriété depuis qu’il a écrit les spécification d’une nouvelle bombe cryptologique et qu’il a perfectionné les techniques de cryptoanalyse pour la programmer.

Les bombes sont des instruments électromécanique inventée en Pologne pour décrypter les codes allemands d’Enigma, réputée incassable. moncler paris Elles sont appelées ainsi à cause du tic tac générée par les cylindres. Turing n’a donc pas inventé réellement inventé cette machine. On le rappelle : il était logicien. La « machine de Turing » date de 1936, c’est une machine théorique, un modèle mathématique sur papier (qui permet de résoudre des problèmes algorithmique et s’apparente au fonctionnement d’ordinateurs). Turing trouve un moyen de perfectionner la Bombe polonaise et, évidemment, contrairement à ce que raconte le film, elle ne s’appelle pas « Christopher », comme son amour perdu. Quant à la Bombe, il ne la construit pas non plus avec ses petites mains, y’a des Oompas Loompas de la technique pour ça.

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Vous noterez que c’est une femme qui manipule la bombe. Très couramment, à l’époque, les opératrices des machines étaient des femmes. Ne vous y trompez pas, ce n’était pas des sortes de standardistes, mais des mathématiciennes ou des techniciennes.

Son statut particulier à Bletchley lui permet de vivre comme il l’entend. soldes puma Il est totalement oublieux de son apparence physique, il vient au travail pas rasé, en retard, avec une veste de sport au dessus de son pyjama. Pour qu’on ne lui emprunte pas, il attache son mug de thé à un cadenas au radiateur.

Turing est à la fois connu pour son amour des règles et son indiscipline chronique vis à vis de la hiérarchie et du règlement militaire. Logicien avant tout, il refuse de signer sa carte d’identité parce qu’il y figure : “ne rien écrire sur ce document”.

Craignant une invasion de l’Angleterre par les Allemands, les mathématiciens de Bletchley sont encouragés à s’entraîner à l’une ou l’autre des disciplines militaires. basket timberland Turing s’inscrit dans un stage de tireur d’élite. Dans le formulaire qu’on lui fait remplir au préalable figure la clause : “En suivant ce stage, vous acceptez de vous pliez aux règles militaires qui en découlent”. Il coche la case “Non”, mais comme ce sont des papiers que personne ne lit, il suit tout de même le stage. Il devient assez bon et décide d’arrêter le stage quand il estime ne plus progresser. Son instructeur lui ordonne de poursuivre, en vertu des papier qu’il a signé. Il rappelle alors qu’il ne s’est engagé à rien et quitte le stage pour de bon.

Contrairement à ce que prétend le film, aucun militaire borné, fut-il joué par Tywin Lannister, n’a jamais tenté de le virer. Il avait beau être excentrique, ce n’était pas le seul, d’une part, et il était précieux, d’autre part. En lisant les commentaires sur l’histoire de Bletchley, je me demande quel groupe a donné le plus de mal l’autre… les mathématiciens ou les militaires… Par ailleurs, Turing n’est aussi enfermé dans les mathématiques et détaché des choses de la guerre que le film le prétend. Il prendra position en faveur de l’asile des juifs au Royaume-Uni, ce qui révèle une certaine prise de conscience de ce que signifie le régime nazi.

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Interprétation libre d’une machine de Turing

Turing se fiance avec Joan Clarke une mathématicienne avec laquelle il s’entend bien, partageant le même humour, la même passion pour les échecs et la botanique. Misogyne comme beaucoup de ses contemporains, il trouve les conversations des femmes sans intérêt… Il faut reconnaître que les femmes mathématiciennes de haut niveau ne courent pas les rues… Cambridge refusant de diplômer les femmes jusqu’en 1948. Turing dira qu’il parle avec Joan comme avec un homme, ce qui de sa part, est un grand compliment et même une preuve d’attachement.

Turing est franc avec Joan quant à ses préférences pour les hommes et Joan n’éprouve d’ailleurs pas de surprise. Il la demande en mariage et affirme vouloir des enfants. Il faut se souvenir qu’à l’époque, le mariage n’était pas supposé apporter la satisfaction sexuelle, mais un statut social. Leur accord est tout à fait raisonnable et basé sur bien plus de points communs que la plupart des couples de l’époque. Mais finalement, Alan Turing rompra l’engagement.

Après la guerre, Alan retourne au Kings College. bottes timberland Il a de bons revenus, il est reconnu en tant que mathématicien (la parenthèse Bletchley reste secrète) et vit assez ouvertement son homosexualité : ses collègues et amis ne semblent pas s’en offusquer.

Un jour, il rencontre Arnold, un gamin des rues, pauvre, qui vit de petits boulots. Il se montre très impressionné par Alan. Ils deviennent amants jusqu’à ce qu’Alan réalise qu’Arnold passe son temps à lui soutirer de l’argent. Alors, il met fin à leur relation.

Quelques jours plus tard, Alan est cambriolé. En toute bonne foi, il porte plainte. La police ne tarde pas à reconstituer l’affaire. Arnold traîne sur le port et rencontre un ami, Harry, auprès duquel il se vente de sa relation avec un homme riche : Alan Turing. Harry propose d’en profiter pour cambrioler chez Turing. Arnold refuse, Harry fait le coup tout seul. Mais pour retrouver le fil de cet acte crapuleux, la police interroge également Turing sur ses rapports avec le jeune Arnold. Turing ne leur cache rien et leur relate des faits qui peuvent lui valoir deux ans de prison. Il est persuadé que l’homosexualité sera bientôt légalisée (il faudra pourtant attendre 1985).

Alan Turing est inculpé. Avant le procès, pour que sa famille ne l’apprenne pas par voie de presse, il écrit à sa mère et à son frère pour leur expliquer l’affaire. Ceux-ci, bien que désapprouvant sa conduite, le soutiennent.

Nous sommes en pleine guerre froide. Le contre-espionnage s’en mêle : il estime qu’il est avéré que les homosexuels sont des proies plus facile pour les maîtres-chanteurs (puisqu’ils dissimulent leurs préférences) et il est inadmissible de laisser un homosexuel travailler sur des secrets touchant à la Défense nationale… Certes, il y eu des précédents dramatiques d’intellectuels homosexuels anglais retournés par Moscou, mais l’argument particulièrement spécieux dans le cas d’Alan Turing, puisqu’il ne cache pas son homosexualité.

A ce moment-là, l’approche de l’homosexualité est en train de changer. Jusqu’à présent, il s’agissait d’une perversion parmi d’autres, toutes répréhensibles. Maintenant, on se demande si cette conduite déviante ne relèverait peut-être pas de la médecine. Des tests ont déjà été fait en injectant une hormone mâle chez des homosexuels, dans l’espoir de les viriliser. Mais les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes. Non seulement l’attirance pour les garçons ne diminuent pas mais chez certains, l’excitation sexuelle en est même augmentée. En plein tâtonnement, on songe alors aux hormones femelles.

On propose à Alan Turing de choisir entre la prison ou une organothérapie à base d’hormones femelles assujetti à une surveillance judiciaire d’un an. C’est cette option qu’il choisira.

Bien sûr, le traitement et ses effets secondaires sont loin d’être anodin. Au pied de la lettre, le but est atteint puisqu’il devient impuissant. Mais sa poitrine pousse et il souffre de troubles de la concentration.

L’année se passe. puma pas cher Ses anciens collègues l’accueillent de nouveau au Kings College. Ses anciens amis et professeurs de l’université ne se détournent pas de lui. Toutefois tout ne peut pas tout à fait continuer comme avant. Depuis que l’inscription : « Turpitude morale » figure sur son casier, il ne peut plus répondre se rendre aux Etats-Unis, pou répondre à l’invitation de collègues qu’il avait rencontrés lors de son premier voyage à Princeton lors de son doctorat. De même, il ne peut plus travailler au Chiffre. Toutefois, ces travaux ne sont pas au centre de ses préoccupations mathématiques du moment : la morphogénèse et les recherches en biomathématique.

blanche-neige-episode-3-2015-02-6-23-44.pngLe 11 février 1954, il refait son testament, pour y inclure en particulier la femme qui fait le ménage chez lui, afin de lui laisser une rente. Il semble qu’il pense au suicide mais y renonce finalement.

Le 7 juin, il croque dans une pomme trempée dans du cyanure. Sa mère refuse de croire au suicide, puisqu’il n’a pas laissé de lettre et son biographe pense que Turing a fait en sorte qu’elle puisse croire en un accident.

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