Défi 2014 : scénario n° 29 : L’aigle à trois têtes

Scénario pour Lace & Steel.

Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin…

Les personnages sont, soit des agents du Secret de la Reine (ou « cabinet secret »), service de renseignement du royaume de Nantierre, dirigé par le comte Jean d’Yauville (un humain), soit des compagnons très proches (valet, ordonnance) d’autres PJ agents dudit service. L’un d’entre-eux au moins (et si possible tous) doit parler couramment le tantique moderne.

Bertische

Nous sommes à Bertische, la capitale de Nantierre.
Depuis quelques semaines, des prédicateurs prononcent des sermons publics enflammés sur les places de la ville, fustigeant l’immoralité des mœurs, l’étalage de splendeur et de luxe et la recherche du profit. Leurs principales cibles sont les œuvres d’art jugées indécentes (à commencer par les nus, en peinture et en sculpture) et les femmes parées de bijoux ou portant des robes somptueuses ou provocantes. Et avec les mœurs de leurs contemporains et la réputation justifiée des Nantierriens, peuple porté sur l’amour, la passion et la beauté, ils ont amplement de quoi montrer du doigt pour dénoncer.
Dans l’ensemble, ces prêcheurs ne rencontrent dans la population qu’un intérêt amusé. Peu semblent disposés à suivre leurs préceptes, à l’exception de certaines gens du bas peuple qui, n’ayant pas de beaux atours ni de riches œuvres d’art à exhiber, peuvent sans grande difficulté se conformer aux préceptes ainsi prônés. Quelques nobles ont l’illumination et décident de renoncer à leur étalage de faste, mais comme sans faste, on n’est plus rien à la cour de la reine Aelis, donc dans la ville de Bertische, donc en Nantierre, ils restent peu nombreux… et souvent peu constants dans leur décision.
Ces derniers temps, les prêches se sont durcis, les prédicateurs incitant la foule, non seulement à se convertir au mode de vie qu’ils prônent, mais à y amener de force les « pécheurs », en détruisant œuvres licencieuses et sources de vanité : quelques autodafés de peintures et de livres considérés comme immoraux ont eu lieu, des statues ont été mutilées, et de rares nobles ou bourgeois faisant un étalage un peu trop ostensible de richesse ou de peau féminine dénudée ont été pris à partie houleusement, des robes luxueuses ou des coiffures alambiquées se voyant souillées par diverses projections.
Les personnages ont probablement eu l’occasion d’assister à au moins l’un de ces sermons avant le début du scénario.

Une soirée chez le surintendant

Le surintendant des finances, le marquis Ozon de Roussel, l’un des principaux officiers de la Couronne (l’équivalent de nos ministres) et l’un des personnages les plus puissants du royaume, donne une grande réception en son luxueux hôtel particulier bertischois. Beaucoup de gens importants y sont conviés, parmi lesquels Von Walbourg, l’ambassadeur tantique.
De Roussel est un demi-cheval d’âge mûr, de haute prestance mais avec de l’embonpoint. Habitué à être obéi, il a tendance à traiter les gens qu’il considère comme sans importance de la façon dont il traite ses laquais, c’est-à-dire en leur donnant des ordres (avec fermeté mais sans méchanceté ni volonté d’humilier), en s’attendant à être obéi sur le champ, et en ne leur prêtant que peu d’attention : on dit qu’il ne connait le nom d’aucun de ses serviteurs.
Il prête d’ailleurs aussi peu d’attention à son épouse, Irène, et la marquise compense ce manque par une succession de nombreux amants, l’actuel étant le vicomte Charles de Beausire, fringant demi-étalon qui est le capitaine de l’une des compagnies de mousquetaires de la reine (le couple profitera d’ailleurs de ce que le surintendant s’est enfermé en compagnie de Von Walbourg dans un salon privé pour aller s’isoler un moment sur une terrasse, profitant de la nuit complice).
Les personnages ne sont probablement pas suffisamment importants pour avoir été invités à la réception. Certains d’entre-eux peuvent cependant s’y trouver pour diverses raisons, soit qu’ils accompagnent l’une des personnalités présentes, soit qu’ils fassent partie des soldats assurant la sécurité des lieux, soit qu’ils appartiennent à la valetaille ou soient venus livrer quelque chose, soit qu’ils aient été chargés d’espionner l’ambassadeur Von Walbourg et sa suite.
Soudain (alors que le plus grand nombre possible de personnages peut être témoin de la scène), un prêtre vêtu d’une simple soutane noire prend la parole d’une voix forte et prononce un sermon virulent dans la même veine que ceux évoqués en introduction. Nombre d’invités rivalisant de faste dans leur tenue et leurs bijoux, et l’assistance comportant un certain nombre de couples illégitimes qui profitent de cette occasion mondaine pour se retrouver plus ou moins discrètement, le prêche fait particulièrement mouche et choque ceux et celles (ils sont nombreux) qui se sentent visés. Après avoir subi le sermon sans pouvoir réagir, tant elle était estomaquée, la marquise de Roussel, outrée et visiblement hors d’elle, ordonne à ses laquais de jeter l’impudent dehors, ce qui se fait sous les huées de la foule, et le prédicateur disparait dans la nuit sans demander son reste.

La fête reprend, mais pour Irène de Roussel, elle a été gâchée. Elle est persuadée que c’est elle que le prêcheur est tout spécialement venue humilier, chez elle, devant ses invités. D’une humeur massacrante, elle se retire dans ses appartements sans prendre congé, donnant ainsi implicitement le signal de la fin de la soirée, qui s’étiole au fil des départs des différents convives.

À la pêche aux prêcheurs

La marquise ne compte pas en rester là, et dès le lendemain, elle persuade son mari d’user de son pouvoir politique pour faire cesser ces sermons publics et châtier ceux qui les déclament, et tout particulièrement celui qui a osé venir l’humilier chez elle. Ozon de Roussel fait le nécessaire auprès du lieutenant-général de police, et les prédicateurs publics sont arrêtés les uns après les autres. Cette phase des évènements n’implique pas les personnages, mais certains de ceux-ci pourraient contribuer à une arrestation, par d’éventuelles relations dans la police que leur procurent leurs activités au sein du Secret de la Reine, ou au contraire aider un prêcheur à échapper aux agents, s’ils ont de la sympathie pour ses idées et se trouvent sur les lieux d’une tentative d’arrestation. La police ne fera pas preuve de subtilité, et à une occasion au moins, elle sera prise à partie par la foule alors qu’elle tente d’appréhender un prédicateur en pleine diatribe, et devra utiliser la force pour se dégager. Il est manifeste que cette série d’arrestations provoque chez le bas peuple de la capitale la montée d’un sentiment d’injustice, qui reste certes pour l’instant bien loin d’aboutir à une insurrection, mais peut se traduire occasionnellement par des manifestations plus ou moins violentes. Les prédicateurs encore en liberté dénoncent le pouvoir qui veut les faire taire par la force, et incitent de plus en plus leur public à se révolter pour empêcher les arrestations, obtenir la libération de leurs confrères, et amener les puissants à se conformer aux principes mis en avant dans leurs sermons. Quant aux prêcheurs arrêtés, on se contente de les laisser croupir en prison.

Le Secret de la Reine ne participe pas aux arrestations, mais comme il possède des contacts un peu partout, il est bien entendu au courant de ce qui se passe. En outre, il avait déjà un œil lointain sur ces agitateurs publics. Devant l’agitation grandissante d’une partie de la population bertischoise, d’Yauville décide de profiter de l’emprisonnement des prédicateurs pour les interroger, mission qui revient aux personnages.
Libre à eux de mener comme ils l’entendent leurs interrogatoires. Le MJ adaptera les informations recueillies en conséquence. Parmi les éléments importants qui peuvent être obtenus par les personnages, il y a le fait que, à part quelques hurluberlus s’étant joints au mouvement sur le tard et de façon spontanée après avoir eu l’illumination en assistant au sermon d’un autre, les prêcheurs sont tous des moines du couvent des Aquilins, un ordre religieux dont les membres font vœu de pauvreté et d’humilité : le contenu de leurs prêches est en quelque sorte une version extrême de leur doctrine. L’Ordre des Aquilins est une confrérie religieuse mineure originaire de l’Empire Tantique, mais répandue dans presque tout le Mittelmarch, où il est organisé en provinces sous l’autorité spirituelle d’un précepteur (Nantierre, où l’ordre n’est que peu implanté, correspond à une seule province, dont le précepteur, Frère Gérard, se trouve parmi les prisonniers).
Les Aquilins bertischois se sont lancés dans leur vague de prêches publics après avoir reçu la visite de Frère Hieronymus, le commandeur (l’un des plus hauts responsables) de leur ordre, venu de l’Empire Tantique, qui leur a expliqué qu’ils devaient se lancer activement dans la conversion du peuple à leur doctrine. Ce sont pour la plupart des croyants convaincus de ce qu’ils prêchent, et qui n’ont aucune intention de créer des remous dans la population : ils sont réellement convaincus que ceux qui se conforment à leurs vues auront fait un grand pas vers le Paradis.

Il est à noter que le prêcheur qui avait perturbé la réception des de Roussel ne figure pas parmi les prisonniers. Les prédicateurs interrogés à ce sujet par les personnages ne peuvent pas les renseigner, car il faut dire que l’homme est assez difficile à décrire, n’ayant guère de signes distinctifs. Si les aventuriers se renseignent auprès des invités de la réception du surintendant, ils finiront par apprendre qu’il s’agit de Frère Hieronymus, un prêtre aquilin faisant partie de la suite de l’ambassadeur tantique (et à ce titre, protégé par l’immunité diplomatique).
Une brève enquête (menée par les personnages ou par d’autres agents du Secret de la Reine) indiquera que le prêtre a séjourné à Bertische pendant quelques semaines, mais qu’il est reparti pour l’Empire au lendemain de la réception.
Si les personnages retournent interroger les Aquilins emprisonnés, ces derniers leur confirmeront que Frère Hieronymus logeait à l’ambassade tantique, mais ils ignorent tout de ses faits et gestes (en particulier, de son intervention pendant la réception chez de Roussel, et de son départ de Bertische le lendemain).

L’ombre de l’aigle tantique

Bref, tout semble indiquer que la main de l’Empire Tantique soit derrière tout cela. Et lorsque la police (ou les personnages) découvrira chez plusieurs libraires des pamphlets reprenant les thèses des prédicateurs, pamphlets imprimés dans l’Empire (plus précisément chez Johann Schöffer, un imprimeur installé dans la petite ville de Brigga), alors il faudra se rendre à l’évidence : il s’agit probablement d’une nouvelle manigance tantique, qui vise à inciter le peuple à s’en prendre aux nobles et à provoquer à terme une révolution dans la capitale, comme en a connu récemment le Welfland. Ceci est d’ailleurs confirmé par des informations recueillies en particulier dans l’Empire Tantique par des agents et des correspondants du Secret de la Reine. Pour Jean d’Yauville, il s’agit d’une menace à prendre très au sérieux : il va donc confier aux personnages la mission de se rendre dans l’Empire pour y supprimer la menace que fait peser sur le royaume l’Ordre des Aquilins. « Et ne revenez que quand vous l’aurez décapité ! » précise t-il bien à ses agents. Ces derniers connaissent suffisamment bien leur chef pour comprendre qu’il ne plaisante pas et qu’ils n’ont pas intérêt à se présenter devant lui sans avoir accompli leur mission…

Si les personnages se renseignent avant de partir, ils apprennent (des Aquilins emprisonnés ou de leurs collègues spécialistes de l’Empire Tantique ou des questions religieuses) que les instances dirigeantes de l’Ordre des Aquilins se composent d’un chapitre de trois personnes : le grand maître de l’Ordre (Frère Hugo), le sénéchal (frère Sandro), et le commandeur (Frère Hieronymus), par ordre décroissant d’importance (tous ont gardé leur titre de frère par humilité). Ce chapitre réside dans l’abbaye d’Aeller, à proximité de la ville de Brigga, dans l’Aellerthal, une vallée de la chaîne des Chuittes (le plus grand massif montagneux du Mittelmarch, à cheval sur Nantierre, l’Empire Tantique et Forija) située dans le grand-duché de Faudren, un État tantique frontalier de Nantierre, situé au nord-est d’Ornogne (la frontière passe au milieu des Chuittes).

Un voyage à travers Nantierre

C’est un long voyage de 1.200 km depuis Bertische, d’abord vers l’est pour rejoindre la vallée du Donaire, le grand fleuve aux confins orientaux du royaume, puis en remontant le long de sa rive droite dans les Chuittes, en passant la frontière (a priori au col de la Croix Gibet, qui culmine à un peu plus de deux mille mètres, mais les personnages chercheront peut-être à éviter le poste de douane) et en redescendant vers l’entrée de l’Aellerthal. Selon la saison et le moyen de transport utilisé, le voyage pourrait devenir épique, par exemple si les aventuriers se mettent en tête de traverser les Chuittes en carrosse dans la neige… Mais partons du principe que le voyage se fait à la belle saison.
Bien entendu, les personnages pourraient choisir un autre itinéraire, par exemple en passant par Ornogne et en franchissant la frontière plus tôt.
Comme l’expliquent les règles de Lace & Steel (première édition Book 3 pp 54/55, deuxième édition pp 144/145), les longs voyages sont pénibles et fatigants. Il faudra aux personnages plusieurs semaines pour atteindre leur but. Le trajet pourra être pimenté par des bandits de grand chemin, des aubergistes malhonnêtes, la boiterie d’une monture, le bris d’un essieu, etc…

Le passage de la frontière, s’il est réalisé à un poste de douane, donnera lieu à un interrogatoire un peu tatillon par les gardes-frontière tantiques, visant à connaître la raison pour laquelle les personnages se rendent dans l’Empire. Leurs bagages seront fouillés à deux reprises (une fois par les douaniers nantierriens, une autre par les douaniers tantiques).

Dans l’Empire Tantique

Même si les montagnards sont habitués à une vie rude d’un côté de la frontière comme de l’autre, il y a une différence visible entre les Nantierriens et les Tantiques : ces derniers sont vêtus de noir ou dans des tons ternes, et semblent beaucoup plus puritains. Si les personnages se sont déjà rendus dans l’Empire, ils savent que ce n’est pas une généralité : mais les gens du Faudren n’ont apparemment guère de difficultés à se conformer, au moins en apparence, aux prescriptions de l’Ordre des Aquilins. Il va sans dire que si l’un des personnages est un satyre, il sera victime de préjugés solidement ancrés dans les esprits…
Autre particularité locale, le dialecte : les personnages habitués au tantique moderne tel qu’on le parle à Parvek ou dans l’ouest auront besoin d’un temps d’acclimatation pour s’habituer à l’accent et aux particularités linguistiques des gens du cru.

Durant tout leur séjour dans l’Empire, les personnages seront tenus à l’œil par la police secrète tantique (chargée en particulier du contre-espionnage). Cette surveillance sera dans un premier temps assez lâche (les informateurs de la police secrète faisant remonter les déplacements de ville en ville des aventuriers, ainsi que d’éventuels agissements notables s’ils en ont été témoins (rencontres avec des personnalités ou avec des individus interlopes, comportements étranges ou délictuels, déclarations politiques, etc…). S’ils sont soupçonnés d’être impliqués dans des agissements criminels ou de comploter contre les intérêts de l’Empire, leur surveillance deviendra beaucoup plus étroite, avec la mobilisation d’agents dédiés à cette tâche. Les geôles tantiques ne sont pas réputées pour être accueillantes, surtout pour les ressortissants nantierriens, mais il n’est pas impossible qu’un personnage au comportement louche y fasse un séjour pour une durée indéterminée.

Brigga

Brigga, située au creux de l’Aellerthal à environ six cents mètres d’altitude, à l’ombre de l’imposant Schattenberg dont le sommet en permanence enneigé culmine à plus de quatre mille mètres, est une petite ville de montagne d’environ cinq mille habitants. Entourée de pâturages verdoyants (sauf l’hiver où ils sont enneigés), elle s’étend en pente du château du comte Otto Von Brigga jusqu’aux berges de la rivière Aeller, qui n’est guère plus ici qu’un gros torrent.
La ville comporte plusieurs églises, dont l’intérieur est en pierre nue, et sans ornements à l’exception d’un Christ en croix. Dans les plus anciennes, on remarque aisément les vestiges de statues et de bas-reliefs qui ont été détruits à grands coups de masse, et certains vitraux ont été badigeonnés d’une couche de peinture noire qui empêche d’en voir les motifs… et la lumière de passer.
L’imprimerie de Johann Schöffer est facile à trouver. Le maître imprimeur, un grand gaillard barbu aux longs doigts, se souvient d’avoir imprimé il y a plusieurs mois une série de petits fascicules en alamarien à la demande du commandeur des Aquilins, Frère Hieronymus. Ne sachant pas lire l’alamarien, Schöffer ignore la nature précise des pamphlets ; il suppose qu’il s’agissait de textes religieux destinés au Nantierre ou à l’Albernie.

L’abbaye d’Aeller

L’abbaye d’Aeller est un monastère clos, cerné de hauts murs, situé sur un éperon rocheux dans l’Aellerthal. Elle offre un point de vue incomparable sur la ville de Brigga, située cinq cents mètres en contrebas et à laquelle elle est reliée par un chemin étroit et à peine carrossable, chemin qui devient impraticable en hiver en raison de la neige. Une communauté de quarante moines y vit en autarcie.
Outre cette communauté retirée du monde, l’abbaye abrite donc également le chapitre dirigeant l’Ordre des Aquilins, que le comte d’Yauville a chargé les personnages de « décapiter ». Pour cela, la solution la plus évidente est de prendre l’ordre au pied de la lettre, ou presque, et de tuer les trois hommes qui le composent.
Pénétrer à l’intérieur du monastère sera difficile : les seuls échanges des moines reclus avec l’extérieur se font dans une petite cour située juste derrière la porte d’entrée, lorsque les autochtones leur paient la dîme, en nature, sous la forme de produits agricoles, de sel, de tissus, et de divers objets que la communauté ne produit pas, ou pas en quantité suffisante. Les moines n’ont pas de troupeau à mener paître hors de leurs murs et ne quittent jamais l’enceinte de l’abbaye, même une fois morts : ils sont inhumés dans un petit cimetière situé dans un angle du monastère. Seuls les trois dirigeants de l’ordre se rendent à l’extérieur.
Les personnages peuvent tenter de pénétrer par ruse par la porte, ou plutôt d’escalader le mur d’enceinte (ce qui n’est pas envisageable pour les demi-chevaux). S’ils le font après avoir grimpé le chemin menant au monastère, ils risquent d’en avoir été repérés par les occupants. S’ils le font en gravissant la montagne sans passer par le chemin (ce qui peut être réalisé sans grande difficulté, même si le passage juste en dessous de la muraille sera assez technique (mais pas plus que d’escalader le mur d’enceinte lui-même) pour un humain (mais infranchissable pour un demi-cheval)), ils risquent de déranger une famille de harpies qui nichent à flanc de rocher en dessous de l’abbaye, et qui leur intimeront l’ordre de déguerpir hors de leur propriété. Selon la façon dont se sera déroulée la discussion avec ces créatures ailées, elles pourraient s’intéresser aux agissements des aventuriers et donner l’alerte par leurs cris discordants s’ils tentent de grimper à la muraille. Toutefois, les harpies ne sont pas particulièrement en bons termes avec les Aquilins (qui reprochent aux femelles (à commencer par Pawlovia, la plantureuse chef de famille) d’exhiber impudiquement leur poitrine) et ne s’opposeront pas physiquement à cette ascension, tant qu’elle ne se fait pas par leur bout de rocher. Si les personnages parviennent à négocier suffisamment habilement avec elles, ils pourraient même obtenir leur aide, car elles seront ravies de jouer un bon tour aux religieux.

À l’intérieur des murs, l’abbaye elle-même, entourée de jardins potagers, d’un verger aux arbres relativement petits, d’une basse-cour, et d’un vivier pour le poisson (alimenté par une source qui descend du Schattenberg), est organisée autour de deux cloîtres, qui communiquent entre eux mais qui disposent chacun d’un accès indépendant sur les jardins : un grand, destiné aux moines eux-mêmes, et un plus petit, qui abrite les trois membres du chapitre dirigeant l’ordre.

Frère Sandro

Malheureusement pour les personnages, seul le sénéchal, Frère Sandro, le bras droit du grand maître, est présent à l’abbaye en ce moment : Frère Hugo est parti représenter l’ordre au concile annuel de la Chrétienté, qui rassemble à Parvek, la capitale impériale, les primats des églises de chaque État du Mittelmarch, et attire également un certain nombre d’autres grands dignitaires religieux. Là-bas, il doit retrouver Frère Hieronymus, arrivant tout droit de Bertische, avant que les deux hommes ne regagnent ensemble leur abbaye montagnarde.
Frère Sandro n’a pas toujours été moine : c’est un ancien artiste originaire de la ville de Liauren, qui, après avoir fait les quatre cents coups dans sa jeunesse, a été converti par les Aquilins et a tourné le dos à une vie faite de débauche et de duels, mais aussi à une très brillante carrière artistique (il était considéré comme l’un des maîtres de l’école picturale de Liauren, et de nombreux peintres plus récents ont copié son style avec plus ou moins de talent), brûlé lui-même la plupart de ses tableaux de nus féminins (les rares qui ont échappé au bûcher ont de ce fait acquis une valeur d’autant plus élevée) et rejoint l’ordre comme simple moine, avant de s’élever par sa grande piété au sein de la hiérarchie jusqu’à ce poste de sénéchal (très peu de gens savent ce qu’il est devenu ; pour tout le monde ou presque, Sandro Van Bürren a mystérieusement disparu du jour au lendemain, et la plupart pensent qu’il s’est noyé en tombant à l’eau après une nuit de soûlographie, ou qu’il a été tué en duel dans une ruelle). De son ancienne existence, il n’a conservé que sa rapière, et le talent avec lequel il en fait encore usage surprendra probablement les personnages.
Il est peu probable que les aventuriers découvrent le passé de Frère Sandro ; mais un spécialiste de l’école de Liauren pourrait lui trouver une certaine ressemblance (en particulier un grain de beauté au coin de l’œil droit) avec le célèbre portrait de La jeune femme à la rose, un tableau de Van Bürren exposé dans la Grande Galerie du Palais Royal de Bertische, et dont on pense qu’il s’agirait d’un autoportrait du célèbre peintre en femme.

Le grand maître

Une fois Frère Sandro hors de combat, les personnages pourront fouiller les lieux, et se rendre à l’évidence : les deux autres maîtres de l’ordre ne sont pas là. Ils pourraient alors décider de s’embusquer pour les attendre, mais cela risque de durer longtemps, car ils sont partis pour plusieurs semaines… Pour savoir où ils sont passés, les aventuriers peuvent interroger Frère Sandro (s’il n’est pas mort), les moines, ou examiner la correspondance de Frère Hugo, dont ils pourront déduire où celui-ci se trouve, et, par une lettre que lui a adressé Frère Hieronymus, que les deux hommes se sont donné rendez-vous à Parvek en marge du concile et prévoient de regagner l’Aellerthal ensemble.
Attendre sur place est particulièrement risqué : bien que le concile soit en principe terminé depuis deux jours, Parvek est à environ qiatre cents kilomètres de Brigga, soit environ huit jours en diligence par les routes tantiques. Si les deux hommes sont partis immédiatement de la capitale, il leur reste encore six jours avant d’arriver ici ; la mort ou la disparition du sénéchal aura été découverte bien avant !

Les personnages peuvent se cacher dans l’abbaye d’Aeller : les bâtiments sont vastes et pleins de recoins qui peuvent permettre d’espérer échapper à une fouille autre que minutieuse, des caves aux greniers et aux dépendances, il est possible de se servir assez discrètement dans les réserves de nourriture, et, la communauté religieuse vivant selon des horaires stricts, une utilisation nocturne des latrines pendant que les moines dorment devrait passer inaperçue.
Redescendre à Brigga pour y attendre le retour des deux absents est un choix risqué : bien que pittoresque, la ville n’est pas à proprement parler touristique, et ce comportement de la part d’étrangers risque fort d’attirer l’attention. Or la police secrète risque fort de voir un lien entre la présence des personnages et la mort de Frère Sandro.
Se cacher dans la montagne est possible, avec le risque d’être repéré par un pâtre, un bûcheron ou un braconnier.
Aller au devant des deux religieux comporte un très important risque de les rater : les personnages ne savent, ni quel itinéraire précis ils suivent, ni quel moyen de transport ils utilisent, et ils ne sont capables de reconnaître que Frère Hieronymus, mais pas Frère Hugo qu’ils n’ont jamais vu.

Une fois le grand maître et le commandeur de retour à l’abbaye, des mesures de protection seront prises pour leur éviter de subir le même sort que le sénéchal : un petit détachement de gardes venu de Brigga montera au monastère pour assurer leur protection. Bien entendu, au bout de quelques temps le dispositif sera allégé. Mais l’hiver va approcher, et les personnages peuvent difficilement se permettre d’attendre le moment opportun…

Retour à Bertische

Leur mission accomplie, il restera encore aux agents du Secret de la Reine à regagner Nantierre. Selon les soupçons qu’ils auront éveillé au sein de la police secrète tantique, cela leur sera plus ou moins aisé. En particulier, si leur trace a été perdue dans l’Aellerthal avant qu’ils ne réapparaissent mystérieusement, là-bas ou ailleurs dans l’Empire, le contre-espionnage impérial aura probablement envie de leur mettre la main dessus pour leur poser quelques questions. Le retour vers Nantierre pourrait bien se transformer en une fuite vers la frontière, qu’ils devront en outre passer loin des douaniers ; mais pour cela, il leur faudrait un guide autochtone connaissant les itinéraires montagnards, et qui dit que celui qu’ils trouveront ne les emmènera pas dans un guet-apens ?
Une fois la frontière franchie, la menace représentée par les agents de l’Empire deviendra bien moins grande, et les personnages devraient parvenir à regagner Bertische sans grande difficulté.

Épilogue

Si le peuple était disposé par jalousie à protester contre l’étalage de richesses des puissants, lui demander de se comporter de façon prude et chaste est trop pour le tempérament nantierrien ; la doctrine des Aquilins ne parviendra pas à s’implanter à Bertische, et l’Empire Tantique devra chercher d’autres troubles à fomenter pour affaiblir ou déstabiliser son rival méridional.

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