La première chose qui nous a frappées, c’est l’attribution des prénoms. On attribue à l’enfant qui nait le nom d’un ancètre (pas nécessairement décédé, d’ailleurs). Avec ce nom, lui sont attribuées également les compétences de la personne et pour tout dire, sa personnalité. Si par exemple, l’enfant porte le nom de sa grand mère, ses frères et soeurs l’appeleront mamie et sa mère maman, comme l’enfant appelera sa mère ma fille. Vous avez suivi ? Par la suite, dans les relations socials et échange de cadeau, ce sera selon ce lien de parenté que cet enfant sera reconnu. Il me vient alors une réflexion, est-ce que ce lien de parenté strictement culturel inclut des interdits d’inceste au 3e degré en quelque sorte ? (L’inceste au deuxième degré, admis par certaines cultures, c’est quand par exemple, on peut épouser la soeur de sa femme, y’a un terme technique pour ce genre de mariage mais j’ai oublié).
Là où ça devient fun, c’est quand on fait des croisements de genre, c’est à dire quand on donne à l’enfant un nom d’une personne de l’autre sexe. Dans ce cas l’enfant sera considéré comme du sexe opposé. Et deviendra shaman car les shamans sont ceux qui sont entre deux mondes. Là, une autre question me traverse l’esprit : y a-t-il des shamans femmes faiseuses de bien ? Car j’ai lu des choses sur des civilisations qui considèrent les femmes « masculines » (stériles par exemple) comme sorcières (négatives et dangereuses) et les hommes homosexuels comme shaman, par exemple.
L’autre point fascinant, c’est l’adoption. L’adoption est plus que fréquente. Et c’est la sage-femme qui s’occupe de savoir à qui revient l’enfant, à partir de la liste des familles postulantes. L’enfant est alors considéré comme celui des parents qui élèvent. En cas de jumeaux (et pour des questions de survie) l’adoption était systématique, par exemple. Bien que les problèmes de survie ne se posent plus de manière aussi cruciale, l’adoption continue à se faire très largement. Voilà qui est très intéressant, en matière d’instinct maternel, de la chair de ma chair et autres conneries du même goût. Voilà une société qui fonctionne très bien sans problème de filiation génétique et instinct maternel et envoie balader cette idéeque la mère aime indéfectiblement les petits qui sont d’elles, par un déterminisme biologique. Je me demande comment ca fonctionne en terme d’allaitement, par contre.
Pour compléter le tableau, nous avons appris aussi que les femmes avaient la responsabilité de l’espace domestique, d’autant plus important ici que quand il fait – 40 dehors, on fait pas toujours les marioles dans la neige et que les choses importantes se passent dedans. Ce que je me demande, c’est si les femmes régissent l’espace domestique sous la loi des hommes (comme c’est souvent le cas) ou avec une loi des femmes.
Paola Tabet (mon ethnologue bien aimée) a reproché aux Inuits la pratique de l’hospitalité conjugale (le visiteur partage le lit de son hotesse) et aussi une pratique de chasse dans laquelle c’est l’homme qui fait le fier avec son harpon dans une barque pendant que sa femme rame puis se jette dans l’eau pour ramener le bateau à quai.
Quoiqu’il en soit, la filiation et attribution des sexes et des enfants chez les Inuits montrent bien comme dit Françoise Héritier qu’à partir de l’alphabet des données biologiques, la culture peut inventer un nombre infini de phrase pour agencer les êtres.