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Hulin, Nicole (2002) Les femmes et l’enseignement scientifique, PUF, paris

Hulin, Nicole (2002) Les femmes et l’enseignement scientifique, PUF, paris

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Ce livre retrace les étapes historiques de l’enseignement scientifique des femmes depuis la loi Camille See en 1880 qui crée un enseignement secondaire féminin spécifique, jusqu’à la fusion complète des programmes entre enseignement féminin et masculin en 1937.

Ce livre comporte 2 parties : une première sur l’enseignement scientifique des jeunes filles, une seconde sur le recrutement des enseignantes et l’agrégation. Il présente en outre une postface de Claudine Hermann intitulée : De la mixité décidée à la mixité dans les faits. Enfin, il comporte en annexe :
– un extrait du rapport de Condorcet à la Convention Nationale. On peut y constater l’étonnant féminisme et modernisme de Condorcet sur l’éducation des filles et les droits des femmes
– un extrait d’une conférence de Jules Ferry, proposant également une fusion complète de l’enseignement féminin et masculin.

Résumer en détail ce livre ne présente pas tellement d’intérêt car il fourmille de dates, de décrets, de citations… C’est en tout cas une base excellente et exhaustive sur l’histoire de l’enseignement féminin scientifique. J’ai relevé quelques citations :

Une grande crainte de l’époque allant contre l’enseignement secondaire des jeunes filles serait que les professeurs aient des propos de nature à blesser la délicatesse des jeunes filles et à troubler leur conscience, surtout en philo et en sciences naturelles. C’est aussi pour cela que dans les premiers cours, elles doivent être accompagnées d’un chaperon.

En 1884, Camille See propose une loi sur l’enseignement secondaire des jeunes filles. Il propose un programme allégé en substituant un programme féminin à toutes les sciences abstraites. Il demande « l’égalité dans la différence ». p. 32
On remarquera à quel point cette formulation reste d’actualité : les femmes sont différentes mais complémentaire, égale sans perdre leur féminité, etc.
L’argument date : on ne pense plus aujourd’hui qu’il faille faire un bac pour les filles et un bac pour les garçons. Mais l’égalité dans la différence est un argument toujours à la mode en entreprise, par exemple, que ce soit dans le « management au féminin » ou dans la place des femmes dans des emplois dits masculins. Si l’argument est ridicule pour le bac, pourquoi ne serait-il pas tout aussi ridicule pour le management ?

Les cours de zoologie et de botanique des programmes féminins sont très anthropomorphiques. Le programme est restreint à l’étude des animaux et des plantes utiles ou nuisibles, « laissant croire qu’il y a des plantes et des animaux crée tout exprès pour les besoins de l’homme, d’autres qui ont été imaginés pour exercer sa patience ou le punir de ses méfaits » (1883) p. 41

Plus tard, on discute du bien-fondé de ce programme, et en particulier de l’allègement en mathématique (pour le restreindre à l’arithmétique).
« Nombreuses sont les jeunes filles qui aiment et comprennent les mathématiques ; assez rare au contraire celles qui se consacrent à la botanique et généralement les sciences naturelles les attirent peu. »
1891 p.53

1910, on discute toujours de la fusion des programmes. Il y a même un sujet au concours d’agrégation féminine de lettres sur la question : faut-il féminiser les programmes ?
Le président du jury commente les copies : « des copies où l’on s’est prononcé pour l’égalité absolue, pour l’identité du programme et des méthodes ont pu être bien notées. Les meilleures pourtant étaient celles où avec finesse ou perspicacité, on a montré que l’égalité n’excluait pas toute différence. » p. 57
Il note aussi des exagérations féministes sur « l’émancipation complète de la femme, sur son accession à la vie politique », mais heureusement, précise-t-il, ces écarts sont rares.

1910 toujours : pas question que les femmes entrent dans la vie professionnelle.
« les femmes qui entrent dans [les professions d’avocats ou de médecins], n’y gagnent pas leur vie et abdiquent plus ou moins leur sexe »
p. 63. La encore, on peut noter que l’argument parait aujourd’hui ridicule dans les professions citées, suffisamment féminisées pour que les présences des femmes ne choquent plus, mais est toujours vivant pour d’autres professions.

Dans les arguments avancés pour ne pas pousser vers un bac identique pour les hommes et les femmes : non seulement ce serait contraire aux intérêts de la société mais en plus, ça créerait un prolétariat intellectuel féminin. p.68

Par la suite, les programmes se réforment de plus en plus, les jeunes filles peuvent passer le bac masculin par dérogation. Le bac féminin perd de plus en plus de son sens, et en 1924, les 2 programmes sont fusionnés.
Une enquête est alors lancée en 1932 sur le travail des garçons et des filles : « Le travail des jeunes filles est plus scolaire, celui des garçons plus personnels et original » les garçons ont « plus de puissance de raisonnement et de logique », les filles : « plus de finesse, d’intuition et de goûts artistiques ».

Dans le second chapitre, on voit la création de l’école de Sèvres et des agrégations féminines ainsi que le chemin qui a mené à l’unification des agrégations puis à la disparition de l’école de Sèvres. Il faut noter tout de même que pour le groupe maths-physique, en 1989, il y a 41 garçons et 2 filles reçus au concours de l’école normale. L’année d’avant, avant la fusion des écoles (mais les concours étaient déjà identiques), il y avait 48 hommes et 34 femmes. La note la plus faible chez les femmes était seulement d’un demi-point plus faible que la note la plus faible chez les hommes. Les moyennes des notes des concours étaient très proches.

Je terminerai en vous donnant 2 extraits étonnamment modernes du discours de Jules Ferry en 1881 :
« Oui, Messieurs, faisons notre confession ; dans le cœur des meilleurs d’entre nous, il y a un sultan ; et c’est surtout des français que cela est vrai. […] en France, il y a toujours sous les dehors de la galanterie la plus exquise, un secret mépris de l’homme pour la femme. C’est vraiment là un trait de caractère du français, c’est un je ne sais quoi de fatuité que les plus civilisé d’entre nous portent en eux-mêmes : tranchons le mot, c’est l’orgueil du mâle. Voilà un premier obstacle à l’égalisation des conditions des deux sexes. »

Et il ajoute :
« En Amérique, la femme est tellement respectée qu’elle peut aller seule de Saint-Louis à New York sans courir le risque d’une offense, tandis que chez nous, une mère ne laisserait pas aller sa fille de la Bastille à La Madeleine avec la même confiance »

Suis-je rassurée ou navrée de voir que la situation qu’on rencontre actuellement à Paris dans les rues ou le métro n’est pas un phénomène nouveau ?

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