Classer, dominer de Christine Delphy, collection La dispute (2008)
C’était mon livre de vacances de l’été. Je pense que ce livre restera pour moi lié à un matelas pneumatique dans une pièce pleine de cartons et un ordi sur les genoux.
Christine Delphy est une philosophe féministe qui trempe dans la sociologie ou l’inverse. Elle fait partie du courant du féminisme matérialiste (même si j’ai vu d’autres labels depuis… disons simplement contrairement à ce que pense quelques sociologues, le féminisme matérialiste n’est pas un machin fossilisé depuis 1970).
C’est une auteure très controversée, en particulier à cause de son implication dans le mouvement des indigènes en 2004. Je ne vais pas vous faire ici un décorticage des querelles théoriques féministes mais je peux vous dire que sur le coup, c’est pas la peine d’aller voir Wikipédia pour essayer d’avoir un topo objectif !
Bref, pour simplifier les choses, je vous propose de mettre de côté le nuage “bruité” autour de Delphy et de ses engagements, et simplement de se concentrer sur son dernier livre : “Classer, dominer“ dont au moins le texte d’introduction me semble être un apport majeur dans la pensée théorique féministe francophone.
Notre société prétend avoir réalisé l’égalité entre les sexes. D’ailleurs, la « vision qui implique que les rapports entre les gens ne sont pas organisés par la société est justement l’idéologie de notre société » p. 15 : si les femmes ne s’estiment pas assez « égales », c’est parce qu’elles ne font pas assez d’effort pour l’être. Or, si on suit Delphy, ces efforts sont impossibles, puisqu’elles ont été dès le départ définies comme Autres.
En effet, ce sont les Uns, c’est-à-dire le groupe dominant, qui définissent les Autres, les dominés. Et c’est pour cela que les autres ne pourront jamais faire comme les uns : par définition même, ils ne pourront jamais réintégrer la norme, parce que la norme, définie par les Uns, impose justement leur existence comme Autres.
On voit encore une fois la hiérarchie se construire en même temps que la différence des sexes, voire « un quart de seconde avant, comme intention », comme le dit Delphy p. 22. Le sexe n’est pas suffisant pour marquer la hiérarchie. Ce qui est premier, c’est la manière de se définir, de se comporter comme dominant qui va permettre de définir les Autres. A partir de là seulement, le sexe intervient comme marqueur.
Les autres ce ne sont pas seulement les femmes, mais aussi les ”non-blancs“, les gays et lesbiennes, les pauvres, bref, tout ceux qui ne se retrouve jamais dans le ”général“.
Après ce texte d’introduction, suivent différents textes de statuts divers : des interventions publiques, des articles… Peut-être peut-on reproché à ce livre de mêler des articles scientifiques à des textes militants. Mais j’en ai ras le bol de la question de scientificité du féminisme. C’est comme si on accusait les sociologues qui ont travaillé sur les classes sociales ou la pauvreté de ne pas être scientifique parce qu’on faut, il ne font pas l’apologie des riches…
« Classer, Dominer » est un ouvrage court, varié et à mon sens pas très difficile à lire (sauf peut-être le premier texte), alors si ça vous dit…
4 réponses à Kro qui classe et domine