Kro de gens en colère (2)

N’est-il pas trop mignon, Calcifer, la terreur des Alpages ? (Même s’il a encore pris une douche à l’hydrocarbure récemment. Je me demande où il va s’adonner à sa dépendance au pétrole autour de chez moi).

Pour les Kro en colère, c’est bien de mettre des cha-chats au début, ça aide.

En Vendée, il y a tous les ans un Festival appelé La Déferlante. Il est varié : musiques, théâtres, spectacles de rue et c’est très souvent de qualité. Cette année, la Déferlante fête ses 25 ans et je suis allée voir :

« Argent, Pudeurs & Décadences » de Audrey Mallada et Aurélia Tastet

Et il faut aussi que je vous dise un mot de Paléo, où j’ai maintenant des relations (Leirnette) et donc des entrées gratuites. J’y ai découvert :

Eddy de Pretto

 

« Argent, Pudeurs & Décadences » de Audrey Mallada et Aurélia Tastet

C’est un spectacle présenté par deux comédiennes formidables, qui parle de l’argent, de l’économie, de notre rapport à l’argent et de la main invisible du marché.

C’est à la limite du théâtre et de la conférence gesticulée, dans le sens où c’est du théâtre didactique : on vous explique le fonctionnement des paradis fiscaux, la dette, la raison de l’importance du dollar, le fonctionnement des banques…

En même temps, c’est drôle et aussi pas mal gonflé : c’est la première fois que je vois jouer un accouchement entre un couple de femmes sur scène !

Et c’est aussi plutôt ambitieux, parce que le contenu est très loin de ce qu’on imagine d’un spectacle de plage… Le thème n’est pas si simple, et même si on rit beaucoup, le texte reste ambitieux, tout en vulgarisant des concepts pas évidents. Et le pari fonctionne, puisqu’il y avait environ 700 personnes à être restées jusqu’au bout, sur le parking de l’église de St Gilles Croix de vie. Comme quoi, on a raison de prendre les estivants pour des gens intelligents, prêts à s’instruire dans des spectacles de qualité (c’était ma minute : « ayons foi dans les gens », profitez-en, c’est super rare).

Eddy de Pretto à Paleo (et en général)

J’avais déjà dit tout le bien que je pouvais de Paleo. Je me contenterai de dire que j’en pense toujours autant de bien. Cet été, on a enfin parlé de harcèlement sexuel sur les festivals et surtout, on a arrêté de considérer que c’était un mal nécessaire et inévitable. Ça ne les a pas faits cesser évidemment, mais ça permet de sortir de l’idée que ça n’existe pas. Là encore, c’est un secret si bien gardé que toutes les filles le savent, pendant que les mecs tombent des nues quand ils l’apprennent.

Je ne dis pas qu’il y a 0 harcèlement à Paléo, puisqu’il y a des gens. Mais je pense que s’il y a bien un festival « safe », familial et agréable, c’est celui-là.

Et donc j’y ai découvert Eddy de Pretto. Là encore, il m’avait été conseillé par des ami-es et là encore je me suis méfiée. Parce que, quand on me dit : regarde/écoute, c’est super féministe, j’ai l’impression qu’on me ramène au boulot.

Mais il y a vraiment quelque chose d’intéressant chez Eddy de Pretto, (outre le fait qu’il a effectivement des chansons genderfriendly).

Ma première déception a été de constater qu’il était gay. Soyons claire, en ce qui concerne sa vie, il fait comme il veut. Mais en entendant « Kid », la chanson qui l’a fait connaitre, ou « Quartier des Lunes », j’espérais entendre un mec hétéro contester la « Virilité abusive » et la manière schizophrénique dont on élève les garçons et socialise les hommes (Sois un dominant qui obéisse aux règles de la société / Désire uniquement celles que tu soumets). Bon, ben, il est homo. Zut.

(Vous allez me dire : il y a Julien Doré sur le créneau. C’est vrai, côté autodérision et discours féministe, il est ok, mais il ne le met pas en chanson. Et puis j’aime pas, mais ça, c’est pas une bonne raison)

Revenons à Eddy de Pretto. C’est particulièrement dans ses chansons qui parlent d’homosexualité qu’il est intéressant. Il se range quelque part entre hip-hop et chanson française, et garde la colère et la crudité du Hip-Hop dans ses paroles.

Il parle des relations homos comme la plupart des chansons parlent des relations hétéros, c’est-à-dire sans les euphémiser (ce qui est souvent le cas, pour ne pas choquer) : les parcours de drague (Random, Rue de Moscou), l’infidélité (Honney), la nécessité de faire « la fête » (C’est la fête de trop), retrouvant un peu Hannah Gadsby qui s’interroge sur l’injonction à exprimer son identité sexuée par les fêtes et les parades quand on est gay.

Si j’ai rangé De Pretto dans la rubrique des gens en colère, c’est à cause de Normal. Souvent, les chansons qui parlent de l’homophobie insistent sur la douleur que l’homophobie provoque chez des personnes qui n’ont voulu embêter personne, plaide pour le droit à aimer qui on veut… Bref, ce sont des chansons romantiques ou tragiques qui cherchent l’empathie. Ça ne fâche pas les hétéros et éventuellement, ça tire des larmes de compassion et incite à la tolérance (je rappelle que la tolérance, c’est supporter quelque chose avec peine. Si je vous tolère, ça veut dire que je préfèrerai que vous n’existiez pas, mais je fais avec).

Dans Normal, Eddy de Pretto provoque les homophobes : « Si je me maquille, c’est pour te rentrer dedans ». Sa vidéo se passe sur un ring, il rend les coups, il ne cherche pas à convaincre ou à être compris. Devant la violence et la bêtise hargneuse, il défit, féminise l’agresseur et l’érotise pour qu’il se sente honteux malgré lui, se montre puissant face à un adversaire haineux donc faible. Et surtout, il se revendique comme « complètement normal » face à un homophobe qui croit qu’il incarne le Normal mais en réalité, ne l’est pas.

Moi, je trouve que ce type de discours, ça rafraîchit.

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