Cette Kro n’est pas exclusivement culinaire.
À défaut de pouvoir voyager, je construis San Francisco. Ça va pas durer longtemps comme ersatz, mais bon, j’ai commandé NY, pour la peine.
Gelée de pissenlit et gelée de lilas
Comme l’a très bien remarqué un post sur Facebook : au début du confinement, on a dit qu’on allait lire Proust et se faire toute la filmographie de Fellini. Total, on fait tous du pain. Moi, je faisais déjà du pain depuis longtemps. Ce qui fait qu’après la ruée sur le PQ qui m’a laissée perplexe, j’avais encore des stocks quand il y a eu la ruée sur la farine. La ruée sur la levure du boulanger était ensuite logique :
Mais comme les gens stockent parce que c’est la guerre, et que pendant la guerre, les grands parents ont dit de stocker, il reste de la levure fraiche, qui ne se stocke pas. Elle se garde quand même un mois au frais et ça sent bon. Donc, pas d’angoisse.
Bref, comme je n’ai jamais eu de projets de confinement (je n’ai jamais eu la prétention de « réussir » mon confinement, je savais dès le premier jour que j’allais pas aimé) je me suis contentée de faire des photos de fleurs des champs et attendant la saison du pissenlit.
Avec les universités qui ferment leur porte, on s’est retrouvé à deux disponibles à la maison : une prof à distance et une étudiante à distance. Certes, des examens à faire et des cours à préparer, mais aussi de la main-d’oeuvre pour faire de la gelée de pissenlits.
J’en profite pour dire un mot de la pensée magique en cuisine. Certaines recettes surajoutent des conseils « de grand-mère » totalement indispensable sinon, c’est raté. Variante « tous les chefs étoilés le savent mais ne le disent pas, coup de chance, je l’écris dans mon blog, vous avez trop de chance ». Par exemple, dans la gelée de pissenlit : surtout, SURTOUT ne pas mettre le vert de la fleur, sinon, la gelée sera amère, le sol s’ouvrira en deux et l’Armageddon débutera.
Pour les plantes, moi, je deal directement avec Mme Pomfresh, je veux dire, avec ma soeur, qui sait me dire que ci-dessus, ce n’était ni des digitales ni des fleurs à bêtises de Cambrai, mais des Vesces et qui m’a dit que pour la gelée de pissenlit, ce n’était pas la peine de plumer toutes les fleurs. On peut mettre le vert du pissenlit avec, ça fait pile pareil et ça prend 4 heures de moins. (reste que pour 4 pots, faut 400 fleurs ).
Pour la recette, cuire les 400 fleurs une petite heure dans 1l d’eau, passer les fleurs, puis traiter comme de la gelée : mettre dans l’eau 1kg de sucre avec pectine, 2 citrons non traités et faire bouillir.
Ensuite, le moment d’angoisse pour la confiture, c’est « combien de temps ça cuit ». Il y a des adeptes de la goutte qui doit figer sur l’assiette froide. Avec la confiture d’abricot, je m’en sors, mais avec la gelée de pissenlit je me rate à chaque fois.
Cette fois, j’ai pratiqué le thermomètre de cuisson. Alors, on monte à combien ? D’après Supertoinette : 103° pour la confiture, 105° pour la gelée, mais 102° pour de la confiture avec gélifiant. Devinette : combien pour de la gelée avec gélifiant ?
J’étais partie pour faire 103°, mais à 102°, la consistance s’est transformée. J’ai donc arrêté là et supposé que 102°, c’était la température adaptée au gélifiant. Ça a été parfait.
Aujourd’hui, on est parti sur la gelée de lilas. Donc, aussitôt, je repose ma question : faut-il enlever tout le vert ? (même si sur les recettes officielles, on vous dit là encore que le vert, c’est le mal en personne). Bon, là, il se trouve ma soeur me dit que le vert du lilas, c’est toxique. Donc, enlever le vert, c’est mieux. Incidemment, les chenilles sont vertes aussi. Ça permet également de les enlever.
80 g de fleurs. Vous vous dites, ce n’est rien ? Et que vous, vous n’hésiterez pas à mettre 100 voire 120 g ? Bon, ben, ne faites pas les malins, 80 g de fleurs, c’est un bouquet de lilas et plumer les fleurs une par une, c’est long.
Et je me permets un autre aparté sur les recettes. Outre le secret magique que si on le fait pas, l’apocalypse culinaire se déclenche, il y a les conseils « marketing et développement personnel » que je ne supporte pas.
C’est Lustucru qui a commencé avec ses 5 oeufs frais au kg. Vous mettriez des oeufs pourris, vous ? Moi, spontanément, je mets des produits frais. Et je sais qu’il y a des recettes ou c’est mieux d’avoir des fruits un peu daubés… mais quand même. C’est rare, on est d’accord ?
Alors quand on me dit d’ajouter de l’eau claire… Franchement, en occident, ajouter de l’eau qui ne soit pas claire, c’est compliqué. C’est même du vice. Vous vous imaginez siphonner une flaque d’eau pour éviter d’avoir de l’eau claire ? Faut être un chat pour préférer l’eau des flaques à l’eau de la gamelle (et moins bonne que l’eau directement au robinet, mais c’est une autre histoire).
Ensuite, voilà le moment développement personnel / coach de vie de la recette. Quand cueillir son lilas ? Une recette vous conseille de vous y rendre juste après le point de rosée (et sinon, au solstice, c’est meilleur ?) puis de garder les hampes 1h dans sa cuisine, ça sent si bon. On peut aussi faire un bouquet de lilas en parallèle. C’est rapide, ça.
Vient le moment de récolter les fleurs en tirant doucement dessus pour ne pas prendre le vert avec. Et donc, oui, c’est long. « Profitez-en pour méditer ». ??!!! Alors que les gens qui veulent méditer en plumant leurs lilas ou leurs pissenlits le fassent, good for them. Mais on peut aussi plumer son lilas en écoutant Marilyn Manson. Et de toute façon, j’aimerais qu’on ne se mêle pas de ma vie privée quand on m’explique comment faire de la gelée.
Comme toujours le temps des recettes varie entre 10 min et 36 heures… (macéré, pas macéré, gros bouillon pas longtemps, petit bouillon longtemps)… Ma soeur a tendance à pratiquer la confiture « Kaboum » : moins de 2 h entre la version « lilas dans le jardin » et « lilas dans un pot ». Et je dois dire que c’est une approche qui me parle. Surtout que je me suis dit : puisque j’ai laissé du vert (faut regarder la vérité en face, on laisse TOUJOURS du vert), la macération nocturne peut rendre la préparation amère.
Quoi qu’il en soit, le lilas cuit, ça a une drôle de couleur.
Une fois filtré, c’est beaucoup moins bizarre. Mon lilas était mauve, ça fait un jus rose.
Donc pour la recette : 80g de fleurs dans 850 ml d’eau, cuire 20 min, filtrer et traiter comme de la gelée : 850 g de sucre avec pectine, un jus de citron (apparement, si on met plus de citron, la confiture peut devenir rose girly).
Je suis repartie sur un 102° au gélifiant, ce qui a parfaitement fonctionné.
Et comme quand on met la confiture dans les pots, on en met toujours un peu à côté, je peux vous dire que c’est bon. Quel gout ça a ? ben… je mets au défi quelqu’un qui n’a jamais gouté de reconnaître du lilas. Mais c’est bon.