Je vous ai laissé en plein suspens. J’étais donc au Saguenay et j’avais passé une formidable semaine. Avec énormément d’à propos, l’équipe du COlab m’a offert le coffret dégustation des Gins Boréal que je me réjouissais de gouter. J’ai aussi eu des chaussettes tricotées main, des bijoux artisanaux et bien sûr, du sirop d’érable. Histoire de sauver la face, l’université (qui m’a aussi offert du gin) m’offre quand même un livre. Je boucle donc ma valise avec tous mes cadeaux et je vais me coucher.
À 6 heures du matin, je reçois un mail d’Air Canada qui me signale que mon vol est annulé à cause de la tempête.
Je regarde par la fenêtre, il y a un peu de vent, il ne neige pas, je suis perplexe. Le coup de la tempête, on me l’a déjà fait. On est samedi, je devais me poser dimanche matin et lundi, je siège dans un Comité de recrutement qui ne peut se tenir que s’il est au complet. Je commence à réfléchir à des plans annexes : prendre un bus jusque Québec pour prendre un avion vers Montréal… Évidemment, Air Can n’est pas joignable. 1h plus tard, je reçois un mail me proposant un transit par New York. Mais figurez-vous que pour transiter à New York, il faut un ESTA (c’est-à-dire un visa), même si on ne sort pas de l’aéroport. Et pour demander un ESTA, il faut prévoir 72h.
Entre-temps, on m’explique que pendant une tempête « pour de vrai », on reste à l’intérieur. On ne prend pas un bus : il ne roule pas. D’ailleurs, les routes sont fermées. Je comprends assez vite que je ne serai jamais à Genève lundi à 9h. Alors, un samedi, je dérange une responsable de Comité, un vice-doyen, une doyenne, un président et une vice-rectrice. Nous décidons que j’assisterai en visio. Je vais donc prendre un brunch alors que le vent se lève.
Il me faudra quasiment 8 heures et beaucoup de temps avec la musique d’attente d’Air Can pour avoir une solution de retour. Décollage mardi : Bagotville –> Montréal –> Zurich –> Genève.
À midi, on en est là, la tempête est devenue bien réelle et je comprends qu’il n’est pas question de sortir. La vue depuis la fenêtre de ma fenêtre de ma chambre, je ne vous cache pas que je vais la connaître par cœur.
En version nuit aussi, puisque la nuit tombe vers 16h30.
Je me félicite d’avoir choisi un hôtel avec un Aqua parc. Mais la tempête n’est pas la seule catastrophe qui s’abat sur moi. Les 4 équipes de hockeyeurs préados sont une nuisance aquatique notable.
Comme c’était mort pour me prélasser, j’ai observé.
À côté des bains à remous, il y a une cascade d’eau froide. L’idée étant de passer sous l’eau froide puis d’aller dans le jacuzzi chaud.
Ces gamins passaient beaucoup de temps, entassés à plusieurs, sous l’eau froide : poings serrés, tête dans les épaules, en train de jouer à « Même pas mal ». Je me suis alors demandé ce qu’ils apprennent, dans ces moments-là et quelle est la conséquence de cet apprentissage.
Il y a bien sûr la démonstration physique : je suis capable d’ignorer la douleur, et ça me rend digne de reconnaissance de la part des autres. Et aussi : être soudé dans l’adversité me permet d’avoir des amis. C’est une expérience désagréable, mais on la vit ensemble.
Et ensuite, ils vont faire des bombes dans la piscine, sachant que c’est interdit. Mais ce n’est pas faire des bombes qui est sympas, c’est en faire parce que c’est interdit et jusqu’à ce qu’on les arrête (parce qu’au fond, ils ne risquent rien).
La plupart des filles ne font pas ça, sans pour autant apprendre la lâcheté, l’amollissement, la faiblesse. Alors ça sert à quoi ?
En première instance : à valoriser la transgression plus que l’acte de transgression lui-même. À penser que la force, c’est être résistant à la douleur ou transgresser.
Et ce de manière théâtrale et bruyante.
Alors, ce n’est évidemment pas grave et pas grand-chose… Mais j’ai passé la journée à enseigner la Toile de l’égalité, mon outil pour mettre en œuvre une pédagogie égalitaire et franchement, c’est à ce demander ce que je fous là.
Alors, je me mets à la fenêtre pour regarder la neige qui tombe et les chasse neige qui jouent à faire des tas. Je bois un fabuleux cocktail à l’hydromel de bleuet je regrette fort de n’avoir pas trouvé ce beau produit de Gaspésie à l’aéroport.
Je m’interroge aussi sur la quantité de filles en minijupe alors que dehors, je le rappelle : -18. D’accord, certaines ont des collants fourrés qui ont l’air transparent pour de faux. Certes, certaines se changent en arrivant. Personnellement, le paysage par la fenêtre me coupe toute motivation.
Lendemain, la tempête est calmée. Je sors pour quelques courses, parce que je commence à être court, côté vêtements.
Faire des cours à l’étranger, c’est toujours une aventure, même dans un étranger francophone. Tout d’abord la taille des pots de glace impressionne… 4 litres.
Ensuite, il y a toujours des termes qui laissent perplexes. Je me suis beaucoup demandée ce que signifiait : lait évaporé… alors que c’est parfaitement logique : il s’agit de lait concentré. Anticipant une nuit / matinée compliquée dans un long tunnel de visio, j’ai acheté des fruits, des petits gâteaux et de la tisane gingembre citron. L’idée était de pouvoir grignoter tout du long pour rester réveillée.
Je venais acheter 2 culottes et 1 brassière et puis c’était les soldes. j’ai aussi fait dans le typique pour me souvenir de l’aventure. Outre la culotte à carreaux, et celle impression « pull jacquard », j’ai acheté une chemise à carreaux, un pull et toute cette table m’a coûté 80 euros, parce que le Grand Nord en solde, c’est plutôt pas cher.
Dimanche soir, c’est la libération. Comme il y a école de lendemain, j’assiste à ceci depuis ma fenêtre de chambre. Ce qui me permet de me rendre de ce pas à la piscine.
Je vais donc barboter. Au Québec, les gens discutent… au bar ou dans le bain à remous. Je parle de la Suisse avec un ancien joueur de hockey (eh oui) qui a joué à Bern et a été entraineur à Fribourg. Il a une nostalgie terrible de la Suisse qui nomme : meilleur pays du monde. C’est un peu curieux de papoter en maillot de bain. Dans un autre contexte que le Québec, je me serai demandé s’il me draguait. Je me demande comment les Québécois signalent leur intérêt en contexte de séduction. J’ai une piste : dimanche soir, l’hôtel organise un speed dating (malin, dans un hôtel !). En effet, le meilleur moyen d’être sûr-e qu’on ne se trompe pas, c’est de mettre un panneau. C’est pragmatique, j’aime assez.
Le lendemain, j’ai fait un zoom de 3h du matin à midi et demi.
L’adrénaline et le café, il n’y a rien de tel. Même si le café au Québec est torréfié pour être bu avec du lait. Il est plus acide que ce que j’aime (y compris les bons cafés, mais c’est logique, quand il s’agit de le boire en latte ou en cappuccino). Ça, par contre, c’est la capsule standard, la Senseo du coin. C’est buvable et ya de la caféine, alors après la 4e ou 5e de zoom, ça fait le job.
Eh puis, les bonnes choses ont une fin. Par un soleil boréal, je quitte mardi matin l’aéroport de Bagotville pour celui de Montréal, où, figurez-vous, il neige.
Il faudra 2h30 de plus à l’avion pour en finir avec les problèmes de météo. Ce qui me fait manquer ma correspondance à Zurich après un vol pourri sur Swiss. L’avion était vétuste : le siège ne s’incline pas, le casque a encore une double prise jack, ce qui m’empêche de brancher mon casque (j’ai bien un adaptateur, mais on n’en voit tellement plus, des doubles prises jack que je ne l’avais pas pris). Celui de l’avion est tellement mauvais que je n’entends pas les films. Je finis par lire les sous-titres d’Intouchables… choisi dans une sélection de films indigente. Et si vous vous demandez si j’ai pris Chicken or Pasta… sachez qu’arrivé à la fin de l’avion, il n’y a plus que bœuf. D’ailleurs, il n’y a plus non plus de jus d’orange. Plus jamais je ne dis du mal d’Air Canada. Certes, la nourriture est infâme, mais au moins, l’avion est confortable.
Je rate évidemment ma correspondance à Zürich. J’attrape un autre vol de justesse et comme prévu, ma valise n’a pas le temps de me suivre. Arrivée à Genève, je n’ai pas ma valise et là, je trouve que quand même, ça commence à faire beaucoup.
Samedi, sur les conseils d’une amie, je retourne à l’aéroport, pendant que l’appli qui a enregistré ma réclamation me dit qu’on cherche toujours ma valise.
En fait, Swissport est totalement débordé. On me conseille d’aller voir les chariots du 17 janvier. Et elle était bien là, parmi 50 autres bagages du 17 janvier (3 chariots), à côté des 4 chariots du 18 janvier et des 3 chariots du 16 janvier. Quand la préposée de Swissport m’a vue arriver avec ma valise, elle était tellement contente de voir que la valise était là comme prévu… que ça m’a donné des doutes sur la fiabilité.
Je voulais avoir une expérience de l’hiver au Québec. Je pense que j’ai profité de pas mal d’options… Je vous rassure, ma valise est intacte. Le gin boréal est dans mon bar.