En 1850, le train arrive dans la petite bourgade de Chicago. Rapidement, elle devient une des villes les plus importantes des Etats-Unis. Actuellement, c’est la troisième ville, après New-York et Los Angeles.
Un canal est créé pour relier le lac Michigan et le Mississippi : Chicago devient une plaque tournante des transports maritimes et ferroviaires. Attirés par les perspectives de travail, les migrants arrivent en nombre, depuis l’Allemagne, la Pologne et surtout l’Irlande. Les grands abattoirs des Etats-Unis sont à Chicago. Les grandes plaines du Midwest fournissent des céréales en quantité. Et puis, en 1871, la légende dit que la vache de Mme O’Leary renverse une lampe à pétrole qui met le feu à la paille. 17 000 bâtiments flambent, la quasi totalité de la ville. La rivière est tellement polluée qu’elle s’enflamme également. 100 000 personnes sont sans abri.
Alors, la ville fait appel à des capitaux importants pour se reconstruire, créant une économie à deux vitesses. Il y a obligation de construire en pierre dans le centre ville… mais tout le monde ne peut pas se payer la pierre… les pauvres restent sans abri ou migrent en périphérie. Des fortunes colossales se bâtissent avec l’argent de la reconstruction pendant que les ouvriers sont payés au lance-pierre.
La ville ressort de terre et verra la création des différentes écoles de Chicago, à la fois en sociologie urbaine, et aussi en architecture, pour des raisons différentes mais finalement liées. Le nombre de travailleurs continue à affluer.
Et voilà Chicago, énorme, hétéroclite… et polluante bien sûr. A force de déverser les déchets dans le lac Michigan qui sert également de source d’eau potable, les gens ont tendance à mourir en masse du typhus. La solution trouvée en 1900 : inverser le cours d’un des bras de la Chicago River pour que les eaux sales remontent dans les terres.
Aujourd’hui, Chicago possède la plus grande station d’épuration du monde et on boit l’eau du lac Michigan.
Chicago, ville qui travaille, ville qui exploite ses travailleurs. Ceux-ci s’organisent en syndicat et manifestent pour la journée de 8 heures en avril 1886. Le 1er mai 1886, 35 000 ouvriers sont dans la rue. Les manifestations se poursuivent et le 3 mai, la police tire sur la foule, tuant au moins 3 manifestants. Le lendemain, un nouvelle manifestation est prévue à Haymarket. Si elle est verbalement violente, elle reste calme jusqu’à ce qu’un ouvrier jette une bombe sur les forces de l’ordre, tuant 8 policiers. La riposte est immédiate, la police tire sur la foule, faisant un nombre de morts indéterminées.
Les émeutes de Haymarket concrétisent les pires angoisses des dirigeants de Chicago, la presse anarchiste et radicale est déclarée illégale, les manifestations interdites. Quant à la presse officielle, elle se déchaîne contre les ouvriers.
La police arrête des centaines de manifestants, mais ne parvient pas à identifier le poseur de bombe. Il va s’en suivre la plus éhontée des machinations judiciaires américaines (qui pourtant, en ont quelques unes à mettre sur le podium) : un procès de pantomime est organisé, les jurés sont tous corrompus et le juge condamne à mort 8 écrivains et porte-paroles anarchistes, sans la moindre preuve de leur culpabilité. 5 seront exécutés, 1 se suicidera en prison et les 3 derniers seront libérés par le gouverneur, faute de preuve. Depuis cette date, le 1er mai est la fête du travail dans de nombreux pays, mais pas aux Etats-Unis.
Donc, Chicago.
Les immeubles sont tellement nombreux, tellement serrés, de style tellement divers qu’on peut se demander si une telle ville existe vraiment : c’était bien le cadre idéal pour tourner le dernier Batman, une telle ville ne doit pas être vraie…
C’est sûrement la nuit que Chicago ressemble le plus à Gotam-city, dans une débauche de lumière permanente, on dirait un simulateur, un fond d’écran, une carte postale retravaillée à la palette.
Il est impossible d’appréhender la ville par petits bouts. Si la ville est quadrillée de manière orthogonale comme la plupart des villes américaines, chaque carreaux est trop dense et trop peuplé pour être considérer en une fois. La meilleure manière de prendre connaissance de la ville est de la voir d’en haut.
C’est avec ce genre de vue qu’on commence à comprendre : un abus architectural, un enthousiasme à construire après l’incendie, histoire de dire : même pas mal ! Une zone de test, déraisonnable, incontrôlée, qui va superposer les styles : art déco, néo-classique, gothique, néo moyen-âgeux naïve, rococo, art nouveau, Bauhaus, tours de verre… On a tout mis, tout essayé et on a bien tassé parce que le centre-ville n’est quand même pas si grand.
La première fois, une telle vue coupe le souffle. On se demande si on va s’habituer mais au bout d’une semaine, force est de constater qu’on n’a toujours pas intégrer cette masse. On reste perpétuellement saisi par l’architecture de Chicago et on parvient même à lui trouver une unité, un style commun qui nous fait dire que ce qu’on voit est bien de Chicago, sans pouvoir vraiment définir ce qu’on veut dire par là.
Quand on aime les paysages urbains, on aime Chicago, on aime beaucoup, on en deviendrait même un petit plus compétent en architecture, ne serait-ce pas imprégnation.
(Légende photo : Maquette de la ville à l’Architecture Center, Station d’épuration sur le lac Michigan, Ombre de la Skyline sur le lac, vue depuis la tour Hancock, Skyline de nuit depuis l’Adler Planetarium, Tour Hancock vue depuis la tour Sears et Tour Sears vue depuis la tour Hancock).
3 réponses à Kro 1 : Chicago at large