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Look to windward de Iain Banks

Le principe d’humanité de J-C Guillebaud

Look to windward de Iain Banks
(qu’on peut traduire par : « Surveiller d’où vient le vent »)

« Gentil or Jew
O you who turn the wheel and look to windward, Consider Phlebas, who was once handsome and tall as you. »
T.S. Eliot
« The Waste Land », IV

Ai-je déjà évoqué (à un moment quelconque) l’admiration que je voue à Iain Banks ?
Dites-moi, surtout, si je me répète (Paul, tu peux sauter les 12 paragraphes admiratifs qui vont suivre).

Si je vous ai mis la citation ci-dessus, c’est pour que vous puissiez consatater que le titre du dernier roman de cycle de la Culture vient du même paragraphe que « Consider Phlebas », titre anglais d' »Une forme de guerre ».
Est-ce la suite ? En quelque sorte.

Durant la dernière phase de la guerre contre les Indirans (voir : Une forme de guerre), 2 étoiles ont été anéanties, avec toutes les planètes qui étaient autour et leurs habitants.

La lumière de ces 2 supernovae va atteindre, (à quelques mois d’intervalle) 800 ans plus tard, une orbitale de la Culture. L’IA qui la dirige, le hub Masaq’, est un vétéran de cette guerre. Il veut célèbrer cette terrible erreur en commandant à un grand chef d’orchestre une symphonie intitulée : « Expiring light » (Lumière mourrante).
Ce chef d’orchestre est originaire d’une société très inégalitaire appelée Chel basée sur un système de castes. Il est « réfugié politique » dans la Culture.
Comme à son habitude, la section d’espionnage de la Culture (Cirsconstances
Spéciales) s’est mêlée de la politique de Chel mais s’est un peu emmêlé les pinceaux. Il en a résulté une guerre des castes, meurtrière qui s’est arrêtée quand la Culture a avoué être à l’origine de cette guerre.

Un Chelgrian arrive sur l’orbital Masaq’. C’est un vétérant de la guerre des castes, qui a perdu sa femme dans la guerre. Sa mission officielle est de convaincre le chef d’orchestre de rentrer dans sa patrie pour incarner le renouveau de Chel. Il a une mission officieuse. Par mesure de prudence, lui-même l’a oublié. Elle lui reviendra en temps utile…

Voilà le tableau.

Au début, j’étais « moins » convaincue. Je trouvais l’histoire prenante, mais pas très novatrice, par rapport aux autres romans de la Culture. Cette histoire de héros amnésique me rappelait L’usage des Armes. La toile de fond sur l’orbitale me rappelait aussi le précedent (Excession) que j’avais trouvé moyen.
Mais ensuite, ca se développe, prend de l’ampleur et ça devient un grand Banks.
Dans le précédent, il avait essayer de développer la personnalité des Mentaux (Mind) de vaisseau. Il s’était fait plaisir mais ce n’était très convaincant. Là, je trouve qu’il a créé une personnalité au hub de l’orbital à la fois crédible et attachante. Le passage où le hub explique qui il est et pourquoi il est devenu le pilote d’une orbitale est un de ses passages magistraux que Banks réussit parfois et que je guette dans ses bouquins.
Je le conseille sans réserve aux fans de Banks qui ne l’auraient pas encore lu.

Le principe d’humanité de J-C Guillebaud
Il faut savoir faire des chroniques ambitieuses et celle-là, l’est sans nulle doute.
Ce philosophe a fait un boulot probablement énorme dans ce livre : il passe en revue les diverses façons de concevoir ce qu’est l’homme et les nombreuses manières dont le principe d’humanité est battu en brèche aujourd’hui.
Il ratisse tellement large dans de nombreux domaines qu’on peut se demander s’il est vraiment compétent et impartial dans tous. Mais j’ai quand même l’impression que oui.
C’est un livre subjectif : un livre qui explique un thèse : pour sauvegarder l’homme, il faut considérer que le principe d’humanité est la limite à laquelle la pensée humaine ne faut pas s’attaquer. « une société montre son degré de civilisation dans sa capacité à se fixer des limites » (Cornélius Castoriadis).
Cette limite serait le principe d’humanité, car « on traite l’homme selon l’idée qu’on s’en fait, de même qu’on se fait une idée de l’homme de la manière dont on le traite » (Kemp) Donc, si on se met à considérer qu’être humain n’a rien de spécial, rien de respectable, on ne trouvera aucune raison à ne pas partir dans des dérives qu’on juge aujourd’hui inhumaines.

Tout en déroulant son playdoyé pour les êtres humains, il rend assez bien les points de vue de ses opposants, sans mauvaise fois et d’une manière qui me semble équitable, au vu du seul chapitre pour lequel je suis compétente, celui sur les golems, l’IA et autres machines (d’autant plus que je ne suis pas toujours d’accord avec lui).

Il m’est difficile de vous donner un aperçu synthétique de ce livre et de vous en faire ressentir la richesse car ca me demanderait un vrai boulot de synthèse qui me prendrait quelques heures et même si je vous aime bcp, je ne m’en sens pas le courage. c’est un livre qu’on a envie de lire avec un crayon de mine (manque de bol, il est à ma soeur, donc, je peux pas !) car on a bien conscience qu’on va oublier plein de choses importantes en le lisant, simplement parce qu’on est en face d’une pensée aboutie et que soi-même, on n’a pas fait tout le parcours qui nous permettrait de faire rapidement sienne cette pensée.
Disons pour faire simple : Guillebaud nous parle du génie génétique, des technosciences, du retour de l’eugénisme, d’un néo-colonialisme, du scandale des industrie pharmaceutiques qui laissent l’afrique mourir du SIDA, du transgénique qui dépossède les agriculteurs de la possibilité d’ensemancer leur terre (bien plus grave que la « malbouffe »), du grand retour de l’inné, du tout génétique qui expliquerait la faiblesse intrinsèque et irréductible de certains individus ou groupes d’individus, de tous ces phénomènes qui sont en fait la traduction des différents courants de pensée qui tendent à envoyer voler le principe d’humanité, c’est à dire le principe qui nous fait reconnaitre que l’être humain est quelque chose de particulier, lié à sa culture et qu’il n’est pas réductible à ses neurones, à ses organes, à ses gènes, au fait qu’il est un animal, etc.
Cette avancée des technoscience et de la pensée humaine, si intéressante soit-elle, est livrée avec des risques sans conscience, un mépris des faibles, des générations à venir ou simplement de l’humanité.
Les références sont multiples et pour peu que je puisse en juger, elles sont bien choisies.
Je n’ai que 2 regrets : dans son panorama, il oublie totalement la pensée de la différence des sexes et du genre (et j’ai même pas dit « féministe, hein).
Comment s’interroger complètement sur le principe d’humanité, sans s’interroger sur la différence des sexes et l’androgynie ?
Deuxièmement, dans un certain nombre de chapitre, il tourne un peu en rond et redit ce qu’il a dit avant avec assez peu de nuance dans le développement. Ce qui fait qu’après 4 chapitres brillants, on s’ennuie pendant 30 pages. Néanmoins, pour ces chapitres brillants, ca vaut le coup de le lire.
(et pour répondre à ma soeur : j’ai bien vu où il parle de Balmari à la fin, mais il ne donne pas sa religion d’origine à cet endroit là).

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