Vacances en effet, avec cette photo prise par Leirnette en Vendée. Comme vous pouvez le voir, la plage est vide et cela fera l’objet d’une prochaine Kro.
Lectures de vacances… c’est peut-être un peu survendu. Le premier livre n’est pas particulièrement festif.
Beauté fatale : Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, de Mona Cholet
Sous l’ancien régime, hommes et femmes de la noblesse s’habillaient comme des perruches. Le roi décidait de la mode et la cour s’en emparait. D’immenses rubans un peu partout ? Mais bien sûr, si cela sied à Sa Majesté. Des talons ? Mais pourquoi pas. Les courtisans à Versailles avaient autant de chance de piquer un sprint qu’une starlette en Louboutin. Mais ils n’en avaient pas besoin. Ils étaient oisifs et telle était d’ailleurs leur fierté.
Et puis, il y eut la « grande renonciation ». La noblesse passa de mode, la bourgeoisie arriva au pouvoir et l’oisiveté devint un défaut. La Grande bourgeoisie lança une toute autre mode pour les hommes : le vêtement pratique, discret, efficace, pour les hommes qui gagnent leur vie (éventuellement en faisant travailler plein d’autres hommes, femmes et enfants), ce n’était plus le luxe outrancier, extravagant et sous-pratique de la noblesse. Les grandes bourgeoises en revanche, c’était toute autre chose. Leur mari gagnant leur vie, elles pouvaient et même devaient afficher cette frivolité offerte par le luxe. Elles devenaient les présentoirs de la richesse de Monsieur. A partir de là, les choses sont parties en sucette.
Au début, ce livre ne me parlait pas tout à fait. Comme je ne lis pas la presse féminine, ni les blogs féminins, que je regarde assez peu les séries « girly » (à par Desperate Housewife, les premières saisons), et que je ne lis pas les livres girly (type : l’accro du shopping) je trouvais un peu anecdotique, voire un peu daté, ce qui était raconté. Daté, parce que quand on parle de mode, un livre de 2012 semble déjà vieux. Mais au bout d’un moment, j’ai bien réalisé que ce qui était futile, ce n’était pas les thèmes bien sûr, mais leur support : ce que la mode tente de nous faire prendre pour des choses fascinantes et ces mécanismes sont sans cesse renouvelés, sur de nouveau support (sac, maillot de bain, crème de beauté, chaussures, etc.). Et la multiplicité des médias qui diffusent cette idéologie (magazines, blogs, séries, etc.)
Si bien des thèmes abordés sont intéressants, la réflexion va au-delà d’une critique de la mode et de l’incitation à une consommation écervelée (ou plutôt « décervelante »). La recherche du corps parfait, blanc, sans poils, sans imperfection, toujours quelque part entre 25 et 30 ans, confine à l’eugénisme dans des démarches et réflexions étonnamment similaires.
L’obsession de la mode et de la minceur permet d’induire la préoccupation continue d’une quête inaccessible, la construction d’une insatisfaction de soi permanente, soigneusement entretenue, détournant l’attention de toute autre activité qui permettrait de prendre place dans les lieux du pouvoir. Puisque même le « girl power » obtenue par la séduction et le respect de tous ces codes est un pouvoir qui n’existe que dans le regard des hommes.
A l’approche de l’été, le décryptage que Mona Cholet fait de la presse féminine donne la nausée quand on voit les couvertures des magazines : « minceur, maigrir, un corps pour le maillot de bain, maigrir ». En particulier les unes du type : « maigrissez sans y penser » qui vous explique au contraire comment y penser à chaque seconde de votre vie, dès que vous bougez, des que vous mangez, quoi que vous faites.
Ce livre m’a également permis de comprendre d’où venait la mode soudain des produits de beauté parfumés aux choses qui se mangent : citron givré, crème vanille, chocolat, etc. Puisqu’on ne peut plus les vendre sous forme alimentaire, mais qu’on entretient le manque, vendons-les sous forme de produits de beauté, dans ce même magazine qui vous dit de ne pas en manger.
Ce conditionnement commence tôt d’ailleurs, je vous laisse apprécier ces 2 T-shirts, tous les 2 « taille 4 ans », un pour garçon, un pour fille. De quoi se dire dès 4 ans, qu’on est trop grosse.
Enfin, le livre n’épargne pas les couturiers en signalant que beaucoup d’entre eux sont des hommes homosexuels qui habillent une femme idéalisée, c’est à dire : ni celle qu’ils sont (par définition), ni celle qu’ils pourraient aimer : une femme qui n’existe pas. Les mannequins ne sont alors que des cintres animés, portant leur création. Chaussures avec lesquelles il est difficile de marcher, robes avec lesquelles on ne peut pas se baisser, maigreur imposée qui nécessite qu’on s’affame, la femme fragile et entravée est l’idéal qui n’inquiète personne.
Et enfin, « comment ne pas être blanche ? » conclut Mona Chollet, en fustigeant le racisme de la mode, y compris quand hypocritement, elle met en scène un mannequin noir, pour donner le change, et de préférence dans des mises en scène « exotiques », justifiant alors qu’on renonce aux égéries blanches.
A ce sujet, je ne résiste pas à vous montrer le message soi-disant anti-raciste de TF1 : « on est tous de la même couleur » : en effet, on avait remarqué.
Bref, Beauté fatale est une lecture déprimante, mais intelligente et instructive. A partir de quand prendre soin de soi, se sentir bien et aimer ce qu’on porte parce que cela nous met en valeur devient quelque chose de détraqué, compulsif, obsessionnel et mortifère ?