Même si ça m’arrive honnêtement plus très souvent, je lis parfois un peu des romans. Ma chance, c’est que des gens m’en offrent, voire, des amis en écrivent. Mais voilà, je suis de retour, je retourne au boulot demain, et j’ai encore une grosse pile de trucs qui s’appellent : à lire.
À vrai dire, je n’ai même pas l’impression qu’elle ait beaucoup diminué.
Shibumi de Trevanian
My bloody Valentine de Christine Detrez Shibumi de Trevanian Shibumi raconte l’histoire de Nicholaï Hel, fils d’une aristocrate russe et d’un officier allemand qu’il n’a jamais connu, adopté par un officier japonais et élevé au Japon par un maître de go, juste avant la 2e guerre mondiale. Après avoir vu son pays d’adoption détruit, comme il est polyglotte, intelligent et doué pour les arts martiaux, Nicholaï Hel devient tueur à gages de très haute volée. À la retraite, il va se confronter à la Mother Compagny, multinationale qui défend les intérêts des géants pétroliers et dirige le monde en sous-main, à travers la CIA et le gouvernement américain. S’il va sortir de sa retraite pour venger des amis, au fond, Nicholaï n’aspire qu’au Shibumi :
« SHIBUMI has to do with great refinement underlying commonplace appearances. It is a statement so correct that it does not have to be bold, so poignant it does not have to be pretty, so true it does not have to be real. SHIBUMI is understanding, rather than knowledge. »
Shibumi est une bizarrerie. Écrit en 1979, ce roman décrit néanmoins un monde où le « big data » permet de ficher quasiment tout le monde et où une multinationale dirige le monde au-dessus des états. C’est un roman d’espionnage à la fois érudit et parodique. Érudit parce qu’il dénote d’une grande connaissance de différents sujets, comme le Japon, le Go, la situation à Shanghaï et à Tokyo juste avant et juste après la guerre, la spéléologie, le Pays basque. Parodique, parce que Nicholaï Hel est un super James Bond : n’importe quoi devient une arme mortelle dans ses mains, une carte à jouer, un stylo, une tasse… et l’auteur dit qu’il ne peut décrire la méthode, de peur que les gens ne la reproduisent. Nicholaï a aussi transcendé le sexe au point de laisser des souvenirs incomparables aux femmes qui resteront ensuite à jamais insatisfaites. Quant aux gouvernements, ils ont certaines actions expéditives hors de proportion. Il est évident que tout cela est trop énorme pour le l’auteur ne se prenne au sérieux. Et c’est enfin un roman de misanthrope, où un peu tout le monde en prend pour son grade (sauf les Basques et les Japonais), mais surtout les Américains :
« It was not their irritating assumption of equality that annoyed Nicholai so much as their cultural confusions. The Americans seemed to confuse standard of living with quality of life, equal opportunity with institutionalized mediocrity, bravery with courage, machismo with manhood, liberty with freedom, wordiness with articulation, fun with pleasure – in short, all of the misconceptions common to those who assume that justice implies equality for all, rather than equality for equals. »
(les citations sont en anglais, mais le livre est traduit) L’auteur, de son vrai nom Rodney Whitaker, est un universitaire américain qui n’aime pas la notoriété. Misanthrope, peu intéressé par les honneurs, ayant apparemment surtout envie de vivre tranquille dans le Pays basque français dès qu’il a eu assez d’argent pour plaquer son poste de prof, il a utilisé divers pseudo pour différents styles de roman, et quasiment pas donné d’interview ou de commentaires sur ses romans, même s’il a pu participé à la scénarisation de certains pour le cinéma. J’ai lu Shibumi parce qu’il a été réédité récemment, et qu’on a eu la bonne idée de me l’offrir. Outre la bizarrerie, c’est vraiment un roman passionnant, surtout pour toute la partie qui se passe en Asie (et au Pays basque dira celui qui me l’a offert et qui y a passé son enfance).
My bloody Valentine de Christine Detrez Delphine passe ses premières vacances de famille recomposée avec Paul en Corse. Paul a divorcé pour se mettre avec Delphine et sa gamine préado ne le prend pas bien, d’autant plus que Delphine était son institutrice bien aimée. Delphine veut faire des efforts pour que tout se passe bien. Paul lui présente un couple d’amis avec lesquels il passe toutes ses vacances, avec leur fils ado et pour cette année, Valentine sa copine. Delphine vient avec ses deux fils ados aussi, tout devrait bien se passer. Mais Delphine a du mal à trouver sa place parmi les adultes, alors que les enfants ont l’air de bien fonctionner, surtout les trois garçons en admiration de devant Valentine. Christine Detrez est une collègue sociologue. J’avais bien aimé son livre précédent (La nuit des éphémères), même si je lis d’ordinaire peu (pas ?) de romans classiques. Celui-là, je n’ai pas accroché. Je ne me retrouve dans aucun des personnages, ni chez les adultes, ni chez les ados.
J’ai déjà fait des vacances avec couple d’amis et leurs enfants, mais rien ne ressemblait à rien de cela (heureusement !). Et je n’ai jamais été une adolescente telle Valentine, si j’en ai vu de loin , je n’en ai jamais fréquenté. Bref, je n’arrive à entrer en empathie avec personne. La Corse ne me fait pas rêver non plus, je suis restée en dehors de ce roman, mais je suis convaincue, surtout en en parlant avec ceux et celles qui ont aimé, que chez la plupart des gens, l’empathie fonctionne à plein. Quoi qu’il en soit, c’est, comme précédemment, un roman extrêmement bien écrit.