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La recette du pain au romarin qui me fut demandée

L’enseignement est-il mixte ?
Conférence de Françoise Vouillot, le 6 avril 2004, colloque du Conseil national des programmes

La recette du pain au romarin qui me fut demandée :
c’est pas dur : vous faites une pate à pain : 2 cui à café de poudre de levain bio, 2 cui à soupe de sucre roux, 400g de farine complète, 320 ml d’eau, 1 cui à café de sel, 2 cui à soupe d’huile d’olive, 50g de raisin secs environ et les feuilles de 2 branches de romarin On prépare la pate à pain normalement. Après la première levée, on incorpore les feuilles de romarin coupées en 2 et les raisins secs préalablement mis à gonfler.
Et ensuite, on laisse lever une deuxième fois et on cuit 25 min à 180 ou on met dans sa machine à pain et on s’occupe de rien du tout.

Pour changer complètement, et parce que ca fait longtemps que je vous ai pas parlé de sciences de l’éduc, un petit compte-rendu de colloque :

L’enseignement est-il mixte ?
Conférence de Françoise Vouillot, le 6 avril 2004, colloque du Conseil national des programmes

Le terme “mixte” n’est pas très approprié. Sa définition dans le dictionnaire est : “mélange de deux natures différentes”. Le terme apparaît pour la première fois dans les textes de l’Education Nationale en 1957.
Avant, on parlait plutôt de co-éducation, et il est préférable de l’employer de nouveau.

L’enseignement est-il mixte ? Quand on regarde où sont les filles et les garçons, comment ils se répartissent selon les filières, on ne peut que répondre : non, l’enseignement n’est pas vraiment mixte. La mixité a été décrétée, en grande partie pour des raisons d’économie (cela coûtait trop cher de construire des écoles de garçons et de filles, surtout à partir du moment où les filles ont eu accès à l’enseignement supérieur). Aujourd’hui, il n’y a pratiquement pas de section dans laquelle la variable sexe est indifférente. Contrairement à des idées reçues, c’est encore la filière S qui est la plus équilibrée avec 45% de filles.

Les chiffres tels qu’on les présente habituellement peuvent être trompeurs :
même si les filles sont minoritaires en S, cette filière reste celle qui est la plus choisie par les filles après la 3e : en effet, 27% des filles vont en S et seulement 18% des filles vont en Lettres. Mais comme il y a 4% seulement des garçons qui vont en Lettres, les filles se retrouvent 83% dans cette section. Néanmoins, à l’encontre de l’idée que les filles n’aiment pas les sciences, insistons bien : c’est la section S qui est la plus choisie par les filles après la 3e. Pour compléter ce tableau, ajoutons que 70% des filles accèdent au bac, contre 53% des garçons.

On constate que les filières attractives pour un sexe repoussent l’autre. On ne parle que de l’absence des filles dans certaines filières, et jamais de l ’absence des garçons. Or, non seulement les garçons désertent certains secteurs, mais il y en a d’autres où ils n’ont jamais mis les pieds, comme le sanitaire et social, par exemple. Apparemment, ça n’inquiète personne, alors qu’on a un vrai besoin de social. Mais ces secteurs sont tellement peu valorisés, que l’idée saugrenue d’y attirer les garçons ne vient à personne.

On ne se soucie de lancer des campagnes de recrutement vers les filles que lorsqu’il y a un problème économique, un défaut de recrutement, comme dans le bâtiment, en ce moment. On les invite à venir dans un métier pour lequel on a prétendu jusqu’à présent qu’elles étaient incompétentes, physiquement ou intellectuellement. Pour l’instant, personne ne s’est inquiétée de la féminisation de certains secteurs (comme l’enseignement) qui va en s’
accentuant. Si les phénomènes sont similaires (filières dites masculines / filières dites féminines), les raisons ne sont absolument pas symétriques.
Quand on interroge les quelques rares filles dans les filières très masculines (électrotechnique, soudure…) elles expliquent que leurs principaux problèmes viennent des garçons, ils sont agressifs, injurieux, rarement aidants. Leur inquiétude, en intégrant ces sections venait d’
ailleurs de là, elles craignaient de se retrouver dans un milieu masculin.
Les discours sont les mêmes en BEP qu’à l’école des Ponts et Chaussées : les problèmes liées à la variable sexe traversent bien les couches sociales. Les filles doivent faire attention de ne pas trop ressembler aux garçons… tout en n’étant pas trop féminine, pour rester crédibles (ou ne pas se faire traiter de pute).

Par contre, quand on interroge les quelques garçons qui sont en sanitaire et social, ou dans les métiers de la mode, ils n’ont aucun problème avec les filles, ils les décrivent comme accueillantes, aidantes. Mais le problème, c ’est qu’ils se font traiter de pédés parce qu’ils font des études de filles.

L’orientation scolaire, c’est aussi (d’abord ?) un projet identitaire. « Je vais me montrer à moi-même ce que je pense de moi. Par mes choix d’
orientation, je montre ce que je suis et ce que je vaux ». On projette donc une image de soi dans l’espace habité par ceux qui exercent déjà ces professions. C’est-à-dire qu’on se compare soi-même avec les personnes constituant le prototype du métier et on regarde si les deux images peuvent se superposer. Pour que le projet d’orientation puisse être retenu, il faut qu’il y ait une bonne congruence soi / prototype. Bien sûr, ce prototype de la profession n’est pas nécessairement la réalité de la profession, mais la représentation qu’on a de cette profession, au moment où on fait son choix d ’orientation.
Et l’image qu’on projette est sexuée dans un univers où les divisions du travail le sont également. Les choix d’orientation ne sont pas en amont de la division sexuelle du travail, ils en sont la conséquence. C’est parce que la division du travail est sexuée que l’orientation est sexuée.
Cette image de soi qu’on projette, ce projet identitaire a pour enjeu la reconnaissance mutuelle. Cette reconnaissance mutuelle est constitutive de notre vie en société. Elle nous permet de trouver notre place Elle passe par
:
Le droit (avoir ou non les mêmes écoles, les mêmes droits…)
L’amour
L’estime sociale (ce que je vaux).

A l’adolescence, il y a des choix bien plus importants que l’orientation et qui ont aussi pour enjeu cette reconnaissance mutuelle. Il faut se prouver à soi et aux autres qu’on est bien une fille féminine ou un garçon masculin.
La médiatisation de son image dans le regard des autres permet cette reconnaissance et les choix d’orientation servent alors à confirmer son identité sexuée et à établir ce qu’on estime valoir.

Cette question de l’estime sociale renvoie à la valorisation des savoirs.
Intrinsèquement, il n’y a pas une activité qui vaut plus qu’une autre. La société établit une échelle de valeur parmi les activités. Celles-ci se retrouvent valorisées par les personnes qui les exercent : dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, la chasse n’a pas de raisons objectives d’être plus valorisée que la cueillette. Ce n’est pas ce qui nourrit la tribu. La cueillette apporte de 40% à 70% des ressources selon les périodes. Les deux activités sont aussi importantes l’une que l’autre à la survie. Seuls les hommes chassent. L’usage des armes est souvent tabou pour les femmes. Les hommes ne chassent pas parce que la chasse est noble, mais la chasse est noble parce que ce sont les hommes qui la pratiquent. Les Lettres ne se sont pas trouvées dévalorisées parce que les femmes arrivaient mais parce que les hommes commençaient à s’intéresser à d’autres domaines.
Il y a des filières qui sont désertées par les garçons et qui n’ont jamais été investies par les filles et vers lesquelles actuellement on essaie d’
attirer du monde. Mais les raisons pour lesquelles les garçons et les filles ne veulent pas y aller sont très différentes : si les garçons ne veulent pas aller en BEP chaudronnerie ou dans le bâtiment, c’est parce qu’ils ne veulent pas être les dominés du groupe dominant. Les filles, c’est parce qu’
elles ont peur d’être rejetées par des garçons qui auront d’autant plus besoin d’assurer leur domination sur elles qu’ils se voient comme les dominés du groupe dominant.

Françoise Vouillot
Maîtresse de conférences en psychologie, Françoise Vouillot est responsable de l’équipe de recherches « Origines » (Orientation genre et inégalités des
sexes) de l’INETOP-CNAM, institut national d’étude du Travail et d’
Orientation professionnelle. Chargée de mission en 1999-2000 auprès de Ségolène Royal, ministre déléguée à l’Enseignement scolaire pour le dossier « mixité et égalité des sexes à l’école », elle est membre du comité de pilotage de la convention interministérielle pour l’Égalité des chances entre les filles et les garçons à l’école et de celui pour l’Égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques. Elle a publié, entre autre, en 2002, un numéro spécial de la revue L’orientation scolaire et professionnelle sur « Construction et affirmation de l’identité chez les filles et les garçons, les femmes et les hommes de notre société ».

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