Vie ? ou Théâtre ? par Charlotte Salomon
Charlotte Salomon est née en 1917 à Berlin dans une famille juive. Sa mère meurt lorsqu’elle a 9 ans. On lui dit qu’il s’agit d’une grippe. En fait, elle s’est défenestrée. Quatre ans après, son père se remarie avec une célèbre cantatrice. Lui est un chirurgien renommé. En 1939, Charlotte Salomon a 23 ans. La jeune artiste fuit Berlin pour se réfugier dans le sud de la France, à Villefranche-sur-mer, auprès de ses grands-parents. Elle soutient sa grand-mère qui tente de se suicider et qui y parvient finalement. Là, son grand-père lui avoue que tous les membres de sa famille maternelle, y compris sa mère, sa tante, grands-parents se sont suicidés. Et son grand-père conclut : « Tue-toi une bonne fois pour toutes, qu’on en finisse ». Mais Charlotte ne se tuera pas. Elle va peindre pour vivre. De 1940 à 1942, elle peint 1300 gouaches. 2 ans passée à peindre avec rage, 2 ans pendant lesquels elle ne se jette pas par une fenêtre, 2 ans pendant lesquels elle ne pense qu’à vivre. Elle sélectionne 784 gouaches qui constituent son uvre : Vie ? ou Théâtre ?, des images, mais aussi également une musique et un texte chanté. La série ressemble à une BD, une planche étant séparées en plusieurs scènes, ou même parfois plusieurs cases, pour représenter différents moments de la vie des personnages.
Elle y raconte la vie de sa mère, infirmière,
sa vie, depuis sa naissance,
La mère de Charlotte avait bien du mal à s’en occuper comme elle le voulait, tyranisée par une gouvernante qui voulait lui expliquer comment faire
la mort de sa mère,
Ici, sa mère lui raconte que si elle devenait un ange, elle reviendrait lui donner une lettre pour lui dire comment c’était là-haut. Peu après, elle se suicide et la petite fille attend pendant longtemps une lettre…
le mensonge dans lequel elle a été élevée, petite fille agitée, insupportable et solitaire.
Charlotte avec la seule gouvernante qu’elle a fini par supporter
C’est la partie de l’exposition que j’ai préférée, qu’elle appelle le prologue. On y voit aussi le remariage de son père avec Paulinka, une grande cantatrice, qu’elle aime et déteste à la fois. Ensuite, on passe à la première partie. Les Nazis prennent le pouvoir. Son père est arrêté, puis relâché grâce aux relations de Paulinka. Les artistes juifs, ne pouvant plus se produire sur les scènes allemandes, fondent une société à part et un théâtre où Paulinka continue à se produire. Là, un autre personnage entre en jeu, Dabelorn, un poète maudite, artiste, terriblement romantique, il drague Paulinka qui le repousse. Ensuite, sans complexe, il drague Charlotte, la gavant de grandes théories sur le monde, la vie, la philosophie. Il lui dit aussi qu’il aime ses dessins, qu’elle a du talent. Et Charlotte gobe tout. C’est d’autant plus navrant que le lecteur se rend bien compte que la jeune fille de 18 ans qui l’écoute, pas plus que celle de 23 ans qui peint, ne se rend compte, ne s’est rendu compte qu’elle a à faire à un beau parleur qui se faire admirer.
A travers cette histoire, on voit aussi toute la rigueur, tout le poids de la morale dans lequel on devait vivre, les contraintes qui pesaient sur la mère de Charlotte, mariée contre l’avis de ses parents, l’ignorance de la vie dans laquelle on maintient la jeune fille
et ce faucon de Dabelorn qui fond sur elle qui a tellement besoin qu’on l’aime et qu’on la reconnaisse.
Ce qui met fin à cette relation, c’est la Nuit de Cristal. Charlotte fuit en France. Là, elle fait face au suicide de sa grand-mère, au découragement de son grand-père… et décide de vivre, de vivre pour eux tous qui sont morts. Elle commence alors à peindre et c’est ainsi que se termine sa série de gouaches, au moment où elle commence.
Les visages peints par Charlotte Salomon sont d’une incroyable douceur, les bleus et les anges me rappellent Chagall. Et puis, il y a une periode plus sombre, plus abstraite, plus bavarde aussi, que j’ai moins aimé. Et les couleurs reviennent à la fin de l’histoire, même si le dessin reste différent, parfois plus évoqué, moins appliquée, comme si elle n’avait plus aussi besoin de représenter parce qu’elle est plus sûre d’elle…
En 1942, elle se marie. Elle confie son uvre à sa bienfaitrice en lui disant : « C’est toute ma vie ». En 1943, suite probablement à une dénonciation, elle est arrêtée. Enceinte, elle est déportée à Auschwitz avec son mari, et assassinée dès son arrivée, en octobre 1943.
Du 1er février au 21 mai 2006, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme présente 274 gouaches de Vie ? ou Théâtre ?
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan
71, rue du Temple
75003 Paris
RER Chatelet Les Halles / Métro Rambuteau
Les gouaches font partie de la collectio du musée d’Amsterdam