Kro Libre

Pour des raisons professionnelles, j’ai été amenée à m’intéresser au logiciel libre et même plus précisément à l’ethnologie du logiciel libre. (Je dis : ethno plus que socio parce que je m’intéresse à ses membres et pas du tout à l’économie du logiciel libre).

Perline et Noisette (2004). La bataille du logiciel libre. Dix clé pour comprendre. Paris, La découverte

Libre enfant du savoir numérique de Blondeau et Latrive

Eric Raymond La Cathédrale et le bazar

Il était une fois Linux. L’extraordinaire histoire d’une révolution accidentelle de Linus Torvalds et David Diamond


Si le sujet vous intéresse, je vous conseille de commencer par :

Perline et Noisette (2004). La bataille du logiciel libre. Dix clé pour comprendre. Paris, La découverte

Un petit livre extrêmement bien documenté sur la question. Vous y trouverez une histoire du logiciel libre, avec tout d’abord la naissance de GNU en 84 par Stallman, la création de la licence GPL (Gnu public licence), puis l’arrivée de linux de Linus Torvalds dans le jeu, en 1992 quand il passa son OS sous licence GPL.

On vous expliquera également ce que signifie « libre » (à comprendre dans le sens de Free speach, et pas de free beer), d’où vient le terme open source, ce qu’est la licence creative common.

Vous y lirez comment les logiciels open source ont pris de l’ampleur, quand et comment les entreprises s’y sont intéressées, comment ils peuvent challenger Microsoft, etc.

C’était vraiment un livre bien fait, clair, résumé intelligemment, expliqué simplement, dans un langage adapté à tous.

Libre enfant du savoir numérique de Blondeau et Latrive, Edition de L’Eclat

Ce livre est une compilation de textes « fondateurs » ou simplement importants du logiciel libre. On y trouve le manifeste GNU de Stallman (en photo), par exemple, mais aussi des réflexions sur l’extension du libre à l’art, la musique en particulier. A noter que la plupart de ces textes sont disponibles sur Internet, mais sous la forme d’un petit poche, c’est tout de même plus pratique.
On peut y lire surtout deux textes d’Eric Raymond, hacker de son état mais théoricien du libre plutôt malin.

A la conquête de la noosphère de Eric Raymond est particulièrement éclairant sur les règles de fonctionnement non écrite du libre.

Après avoir observé une contradiction entre l’idéologie « officielle » définie par les licences de logiciels au source ouvert et le comportement réel des hackeurs, nous examinons les véritables coutumes contrôlant les logiciels au source ouvert. Nous découvrons que cela implique une théorie des droits de possession sous-jacente, qui est proche de la théorie de Locke sur la propriété foncière. Nous analysons la culture hackeur comme une « culture du don » [votre importance ne se mesure pas à ce que vous posséder mais à ce que vous donner] dans laquelle les participants rivalisent pour le prestige en donnant du temps, de l’énergie, et de la créativité. Nous examinons ensuite les implications de cette analyse pour la résolution des conflits dans cette culture et nous développons quelques idées pour approfondir cette réflexion.

Du même auteur, plus amusant, mais avec un fond intéressant : Comment devenir un hacker.

Eric Raymond (1999) The Cathedral and the bazaar

Compilations de textes qu’on trouve pour la plupart traduits sur le net, en particulier :

La cathédrale et le bazar

Si vous avez aimé les précédents articles de Raymond, ne manquez pas ce livre.

Eric Raymond met en parallèle deux modes de développement logiciel : le mode cathédrale versus le mode bazar. Il explique qu’il était convaincu que le mode cathédrale, c’est à dire super organisé, était indispensable quand les projets atteignaient une certaine ampleur. Or, avec le développement des logiciels à source ouvert, il s’est rendu compte que le mode « bazar » était bien plus efficace, en vitalité, qualité, etc. Avec l’exemple qu’il connait bien : fetchmail, puisque c’est le projet qu’il a piloté, il explique clairement pourquoi et comment la programmation en mode bazar, ça fonctionne.

Une connaissance basique de la programmation est nécessaire pour comprendre ce texte mais il n’est nullement nécessaire d’être spécialiste.

« Linux a remis en cause une grande partie de ce que je croyais savoir. J’avais prêché l’évangile selon Unix sur l’utilisation de petits outils, le prototypage rapide et la programmation évolutive, depuis des années. Mais je pensais aussi qu’il existait une certaine complexité critique au delà de laquelle une approche plus centralisée, plus a priori, était nécessaire. Je pensais que les logiciels les plus importants (comme les systèmes d’exploitation et les très gros outils comme Emacs) devaient être conçus comme des cathédrales, soigneusement élaborés par des sorciers isolés ou des petits groupes de mages travaillant à l’écart du monde, sans qu’aucune version bêta ne voie le jour avant que son heure ne soit venue.

Le style de développement de Linus Torvalds – distribuez vite et souvent, déléguez tout ce que vous pouvez déléguer, soyez ouvert jusqu’à la promiscuité – est venu comme une surprise. À l’opposé de la construction de cathédrales, silencieuse et pleine de vénération, la communauté Linux paraissait plutôt ressembler à un bazar, grouillant de rituels et d’approches différentes (très justement symbolisé par les sites d’archives de Linux, qui acceptaient des contributions de n’importe qui) à partir duquel un système stable et cohérent ne pourrait apparemment émerger que par une succession de miracles. »

Dans ce même livre, le Chaudron magique qui s’intéresse davantage à l’économie du logiciel à source ouvert.

Il était une fois Linux. L’extraordinaire histoire d’une révolution accidentelle de Linus Torvalds et David Diamond
Et enfin, nous terminerons ce libre tour pas une bio de Linus Torvalds. C’est amusant et facile à lire, quelques anecdotes plaisantes sur les débuts de Linux, les premières conférences de Torvalds, terrifié à l’idée de parler en public, etc.

Linus Torvalds donne l’impression d’être un gars sympa, posé, agréable et simple.

Deux citations qui m’amusent :

« Une des principales raisons qui m’ont poussé à distribuer ce système d’exploitation était de prouver que ce n’était pas que du vent, que j’avais effectivement fait quelque chose. […] Quelque soit votre domaine, qu’il s’agisse de systèmes d’exploitation ou de sexe, trop nombreux sont ceux qui se vantent dans le cyberspace. »

« Vous êtes vous déjà promené dans un groupe de discussion de passionnés ? La raison d’être de ces groupes est de promouvoir quelque chose, autrement dit, de descendre autre chose en flammes. Si vous vous rendez dans un de ces groupes de discussion, vous ne trouverez rien d’autre que « Mon système est meilleur que ton système » et d’autre balivernes. C’est une forme originale d’onanisme en ligne. »

Une autre remarque m’a semblé très intéressante. Il est certain que le développement fantastique de linux est dû à l’intelligence avec laquelle Torvalds a su gérer les contributions qui y ont été apporté, comment il a stimulé les hackers, fédérer et assembler l’ensemble du projet. Pour autant, quand il a étéà la même époque chef de projet chez Transmeta, la société qui l’employait, ce fut une catastrophe. Comme quoi, le style bazar ne s’exporte pas si facilement, ni avec n’importe qui, ni dans n’importe quel contexte.

Pour finir, un lien qui n’a rien à voir :

une pub pour les élections en argentine, construite de façon maline, à voir jusqu’au bout.

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