Kro recrutement

Recrutement des enseignants-chercheurs en France
Les procédures actuelles et leur évolution dans le cadre de la loi sur la réforme des universités

Matinée organisée par L’ANDèS, l’association française des docteurs. Elle rassemble les docteurs de toutes disciplines, quels que soient leur âge, leur statut professionnel, qu’ils résident en France ou à l’étranger.

Si vous n’êtes pas dans le milieu de l’université, vous ignorez probablement que le système de recrutement des universités est à l’origine d’une violence institutionnelle d’une férocité que pourraient lui envier les entreprises les plus ultra-libérales. Avec la LRU, on a la possibilité de passer d’un système détestable à un système qui porte en germe les mêmes capacités de violence institutionnelle…

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Patrick Austin

Les conseils d’ordre général pour le recrutement laisse songeur, tant ils sont pétris de contradictions :

  • Faire preuve de transdisciplinarité, mais ne pas oublier de se montrer comme un spécialiste de son domaine mais en prouvant qu’on est capable d’assurer un enseignement plus large que son domaine de recherche
  • L’importance de l’enseignement par rapport à la recherche est variable selon les disciplines.
  • Parler de ses projets de recherche future mais les projets du candidat sont moins important que les projets en cours dans le labo

En maths et informatique : un site existe recense les postes, les profiles, parfois avant leur parution, la compositions des commissions de spécialistes, les dates des auditions, les candidats auditionnés, les reçus, etc. Ce qui signifie que dans les autres disciplines, on n’a aucun retour et aucune information autre que la liste officielle de parution des postes.

Cette situation est vécue avec résignation par les enseignants chercheurs et docteurs et s’accompagne de multiples rumeurs, rites et mythologies, parsemés d’histoires horribles, ubuesques et malheureusement véridiques sur les déroulements des recrutements.

Le système actuel de recrutement est absolument minable et personne ne le regrettera. Que propose la Loi sur la Réforme de l’Université (LRU) ?

Thierry Coulhon, Président de l’université de Cergy-Pontoise, membre du bureau de la Conférence des Présidents d’Université (CPU)

Sur le recrutement :

  • L’université n’accorde pas assez d’importance au recrutement, si ce n’est que pour exercer des luttes de pouvoir. On fait confiance à des équilibres conflictuels normés pour réguler les recrutements
  • Les recrutements sont des concours mais devraient être pensés comme des recrutements, ce qui n’est pas incompatible avec l’excellence scientifique
  • On passe d’un système normé juridiquement, que l’on sait mauvais mais dont on a appris à gérer les inconvénients, à un système moins normé qui doit être rempli par des pratiques. On passe d’un système de type : « pouvoir / contre-pouvoir » et de luttes d’influence à un système plus transparent et régulé.
  • C’est un pari car les évaluations de l’AERES sont trop espacées (tous les 4 ans) mais rien n’empêche des évaluations internes à des rythmes plus rapides.
  • Un article problématique de la loi : les Comités de sélection ne sont pas des jurys, le CA décide sur proposition sur proposition d’un classement, voire d’un nom fourni par le Comités de sélection. Le Comités de sélection devrait être jury.

Pour avoir un processus plus clair, l’Université de Cergy tente une expérimentation :

  • Définition les géographies des viviers des spécialistes pour les Comités (par exemple : faire se rejoindre plusieurs sections de CNU qui travaillent déjà ensemble)
  • Recrutement d’un vivier d’extérieur en même nombre que les intérieurs
  • Comité élu pour 4 ans
  • Pas de position de principe contre les candidatures locales, mais le taux de recrutement local doit être précisé
  • Réintroduire une élection dans la nomination des Comités de sélection.
  • Dans la loi, il reste que seul des professeurs recrutent des professeurs et seuls des professeurs et des MCF recrutent des MCF. Par contre, la parité MCF / P n’est plus obligatoire, elle doit être maintenue

En conclusion : il faut bâtir un dispositif qui influence le cadre.

Un responsable de Sauvons La Recherche était là en contradicteur :

Sauvons La Recherche

La nouvelle loi part de l’idée que le Président d’université est un despote éclairé. Or, aucun système moderne ne peut fonctionner sur ce principe incertain et la loi permet des dérives importantes :

  • En sciences humaines, les représentants d’un courant de pensée très présent au CA (qui ne comporte que 14 personnes, qui ne peuvent donc pas représenter toutes les disciplines) peuvent avoir les moyens d’exclure un courant de pensée concurrent
  • Les commissions de spécialistes étaient élues pour 4 ans. La loi précise que les Comités de sélection ne doivent pas être pérennes. Dans ce cas, comment garantir que les évaluations des recrutements se font sur les mêmes critères ? comment construire une politique de recrutement ?
  • Les membre du Comité de sélection sont nommés : rien n’oblige le président de nommer des spécialistes. Rien ne l’oblige non plus à suivre les avis du Comité de sélection
  • Calendrier de recrutement : rien n’est imposé, il est seulement dit que les délais doivent être « raisonnables ». L’étalement des convocations fait qu’il devient très difficile pour les candidats en post doc à l’étranger de se présenter aux auditions.
  • En somme, rien ne prouve que les présidents d’université et leur CA feront n’importe quoi, mais rien ne leur empêche le despotisme, l’autoritarisme, le népotisme et toutes autres pratiques arbitraires

A l’arrivée, de quoi n’a-t-on pas parlé ?

  • Comment les docteurs financent-ils les voyages pour leur audition ? Seuls les riches docteurs peuvent se permettre d’aller pour 20 minutes d’audition à Tours, Rennes et Toulouse, parfois dans la même semaine, en étant prévenus une semaine en avance.
  • Comment empêcher les « spécialistes » de disserter sur le cul de la candidate pendant la délibération ?
  • Comment font les étudiants étrangers pour postuler, puisqu’ils deviennent des sans-papiers une fois que leur thèse est finie ?
  • Qui peut défendre les droits des docteurs qui ne sont représentés par aucun organisme ou syndicat, puisque, par définition, ils ne sont pas dans l’université ?
  • Et enfin, la chasse au recrutement des locaux va sérieusement pénaliser les personnes en couple, car ce n’est pas un salaire de Maître de conférence débutant qui va motiver le /la conjoint-e à tout plaquer pour suivre l’heureux futur titulaire d’un poste

Bien sûr, les docteurs sont passionnés par leur futur métier d’enseignant-chercheur et sont trop contents d’avoir un poste… Trop contents ? est-ce que faire un métier qui nous passionne est un prétexte qui autorise à nous marcher dessus ? Est-ce qu’on ne peut revendiquer des droits seulement quand le métier est emmerdant ? C’est indécent d’aimer son boulot ?

On parle de fuite des cerveaux… aux Etats-Unis, on peut mettre Phd (docteur) sur ses cartes de visite perso car c’est un titre de prestige. Partout en Europe, la thèse est un diplôme important et reconnu. En France ? La thèse, c’est parfait pour caler le vaisselier…


 

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