De sang froid (In cold blood) de Truman Capote
et aussi
Truman Capote de Bennett Miller avec Philip Seymour Hoffman
J’ai vu le film il y a quelques mois de cela et j’ai été intriguée par le personnage de Truman Capote et le moment de sa vie raconté dans ce film, à savoir l’enquête minutieuse qu’il mena pour son roman de non fiction : De sang froid. Ca m’a donné envie de lire le livre et c’est chose faite. Je vous fais donc une Kro des 2 réunis.
Commençons par le livre :
C’est au départ un fait divers sinistre : au fin fond du Kansas, une famille de 4 personnes, les Clutter, est assassinée sans mobile apparent. La police piétine, envisage une vengeance contre M. Clutter, pourtant unanimement respecté, la ville de Holcomb n’arrive plus à trouver le sommeil, les habitants se soupçonnant mutuellement. Et pourtant, ce seront deux paumés, ex-taulards enfermés pour de petites fautes, qui seront arrêtés. Le mobile ? Le vol… $40 ! ils s’attendaient à trouver un coffre fort. Ils seront jugés et pendu.
Truman Capote va mener une enquête extrêmement minutieuse, passant des mois à interroger les habitants de Holcomb. Il nous livre alors un portrait détaillé des Clutter avant leur assassinat, de leurs voisins et amis, des policiers qui mènent l’enquête et surtout des deux meurtriers. Il est toujours distant, ne juge pas, ne plaide pas, et décrit factuellement, aussi précisément que possible tous les événements et personnages autour des meurtres. Je craignais que ce soit fastidieux, c’est en fait fascinant, parce que c’est très bien écrit, exact, détaillé. On découvre le Kansas des années 60… bien différent d’Hollywood, un endroit à peine sortir des représentations de type « far west ». Et aussi les Etats-Unis d’en bas, les pauvres, ceux qui font la route pour trouver du boulot n’importe où, ceux qui compte sur l’aide sociale ou l’entraide des voisins…
On assiste à un procès dont les dysfonctionnements sont aujourd’hui si évident qu’on ouvre des grands yeux.
Je pense à Leirnette qui, au programme de 3e, traite la peine de mort et pour cela, lit les derniers jours d’un condamné de Victor Hugo. Ok, Capote, ce n’est pas la Littérature française. Mais plutôt que ce condamné, du XVIIIe, finalement vraiment très loin de nous, le livre de Capote me semble plus saisissant. Et si Hugo a voulu faire un plaidoyer contre la peine de mort, Capote se montre aussi impartiale que possible, mais c’est en cela que le livre constitue un plaidoyer efficace et actuelle car se passant dans un pays « moderne » où la peine de mort s’applique toujours.
Le grand absent du livre, c’est Capote lui-même qui pourtant devrait être partout… il est simplement cité deux fois à la fin, comme le journaliste qui vient voir les condamnés.
Avec le film : Truman Capote, on voit l’envers du roman. Capote à l’oeuvre dans l’enquête, à Holcomb où il est d’abord mal accueilli, et surtout sa fascination pour les condamnés, en particulier Perry Smith. Capote est fasciné par Perry parce qu’il estime qu’il incarne l’homme qu’il aurait pu devenir, s’il n’avait pas eu la littérature.
Le film est très subtil, en particulier grâce à l’interprétation de Philippe Seymour Hoffman, vraiment excellent… on se demande toujours si on peut dire que Capote est ami avec Perry ou non. Il ne lui cède pas, mais pourtant, il est présent pour lui. La peine de mort est sans arrêt repoussée, de report en demande de grâce (Capote parle d’un jeu de roulette) et tant que ce n’est fini, le livre ne peut sortir.
Il écrit finalement à un ami : « Perry et Dick ont été pendus mardi dernier. J’étais là parce qu’ils me l’avaient demandé. Ce fut une épreuve atroce. Dont je ne me remettrai jamais complètement ». En effet, la suite de sa vie est une descente aux enfers : drogue, alcool et finalement surdose de médicament qui entraine la mort.