Kro de l’adolescence

Adolescence est une mini-série télévisée britannique, créée par Jack Thorne et Stephen Graham avec Stephen Graham, Owen Cooper, Ashley Walters et Erin Doherty

Jaimie Miller 13 ans, tue à coup de couteau une adolescente de son âge. C’est incontestable. Ses parents n’y croient pas, mais la vidéo ne laisse pas de place au doute. Comment un gamin de 13 ans, par ailleurs pas mauvais élève et plutôt gentil en arrive là ?

 

 

Adolescence est une mini série anglaise qui fait un tabac sur Netflix. Tout d’abord, parce qu’elle représente un tour de force : les quatre épisodes sont chacun tournés en un seul plan séquence (ou presque). On en retire une impression de reportage, de temps réel plutôt efficace (même si je ne suis pas fan du procédé). Ensuite, les acteurs sont excellents, notamment le jeune qui joue Jaimie Miller. Et enfin, parce qu’une série qui traite de l’influence que les idées masculinistes ont sur les jeunes c’était vraiment nécessaire. Le masculinisme, ce n’est plus la misogynie à l’ancienne qui mobilise blagues graveleuses, culture du viol à bas bruit et condescendance pour ces êtres inférieurs que sont les femmes. C’est du terrorisme, de la culture de la haine, une radicalisation misogyne meurtrière. Et en effet, il était temps d’en parler.

Le féminisme n’a toujours tué personne, mais le masculiniste a déjà produit des tueries de masse, comme à Toronto où une voiture conduite par un incel, un « célibataire involontaire » a spécifiquement tué des femmes sur un passage piéton en 2018.

Jaimie est un gamin de 13 ans, plutôt maigrichon et pas particulièrement viril (mais il a 13 ans, n’est-ce pas normal ?), il n’est pas sportif, n’aime pas le sport, se trouve laid. Bref, comme un ado de 13 ans. C’est triste, c’est problèmatique mais assez banal. Malheureusement, son malaise peut maintenant prendre forme à l’intérieur de la mouvance masculiniste, ceux qui ne comprennent pas pourquoi les femmes ne couchent pas avec eux (ces salopes), ou alors juste les moches (Pourtant, la réponse est comprise dans la question).

Jaimie a peur de décevoir son père qui est un héros à ses yeux, aimerait plaire aux filles sans avoir jamais appris à leur parler, et aimerait plaire à des filles qui sont prises dans cette même culture de violence et de surveillance permanente induite par l’espace socialement codé que représente Instagram. Face à toutes ces peurs, à tout ce malaise, la manosphère a une réponse unique : la haine des femmes.

La série Adolescent effleure la manosphère de loin, et les Incels n’en sont pas la seule tendance (mauvaise nouvelle, ils sont suffisamment nombreux pour générer des sous groupes). Ce sont des groupes suprémacistes masculins blancs dans la mouvance de la politique américaine actuelle. Ce genre de mouvance qui fait que je ne peux plus mettre les pieds aux Etats-unis, non par choix mais parce que le passage de l’immigration pourrait m’être interdit, l’administration, on l’a vu, tend à surveiller et refouler des chercheur-es spécialisé-es dans les mots interdits.

Revenons à Adolescence. La série n’attaque pas frontalement la manosphère mais les  dégâts qu’elle produit chez des ados de la banlieue anglaise, qui fréquentent des écoles de relégation. C’est subtilement fait, en présentant les familles comme victimes de cet endoctrinement, sans pour autant excuser le geste du gamin.

Pourtant il manque une facette importante : la victime. Comme le dira une femme flic au début, comme pour dédouaner la série : on se souviendra toujours du nom du tueur mais plus du nom de la victime. La série nous présente la relation père-fils, la difficile vie après le drame pour la famille qui reste unie. Ce sont de braves gens, comme tout le monde, qui n’ont rien vu venir, dépassés par les réseaux sociaux qu’ils ne comprennent pas. On voit aussi le policier qui se rend compte qu’il ne comprend plus non plus les ados, dont son fils. Mais où est la victime ? Que devient sa famille ? Pourquoi ce n’est pas intéressant ? Je vous défie, à la fin du 4e épisode, de vous souvenir du nom de la fille morte dont finalement, on ne sait absolument rien, sinon, qu’elle n’était pas sympa avec son tueur.

Et que dire d’une série qui oublie que la victime du crime est une personne réelle entourée par des proches qui sont aussi des personnes réelles, et non, comme dans la vision incel,  la première fille venue sur laquelle Jaimie a exorcisé sa frustration ?

Vous comprendrez que même si je trouve la série salutaire et vraiment bien réalisée, mon impression est mitigée.

 

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