Kro numérique en papier

Rapport à 2-3 allusions de-ci de-là, vous m’avez probablement entendu dire que j’avais sorti un livre : Les oubliées du numérique.

L’écriture était plutôt cool parce que j’ai un super éditeur : Le Passeur, avec une super éditrice qui m’a suivie et aidée tout du long et encore pour la promotion.

C’est cool aussi parce que quand j’ai soutenu ma thèse, le moins qu’on puisse dire, c’est que ça n’intéressait à peu près personne, mon sujet, et en particulier personne du domaine de l’informatique, à part les femmes de femmes & maths et de Femmes et Sciences. Je me souviens de ce directeur d’école d’ingénieur me disant en 2000 : « Bon, c’est sûr, y’a peu de femmes en informatique et c’est dommage. Mais si elles veulent pas venir, ben, c’est comme ça, on va pas les forcer… » sans savoir que les femmes avaient pu être deux à trois fois plus nombreuses, 20 ans plus tôt.

Et maintenant, je suis carrément dans la mode. Tellement que vous pouvez même voter pour moi auprès du Monde Informatique. Mes chances de gagner sont… bah, pas terribles, mais vu d’où je viens avec ce sujet, ben, ça me ferait bien plaisir.

Bref, ça mérite de faire une Kro numérique mais un peu spéciale : sur des journaux en ligne qui passent sur papier parce que le papier, c’est beau.

Chut ! Le magazine de l’écoute numérique

https://chut.media

alors, oui, il y a quelque chose de paradoxal à sortir un premier numéro sur papier quand on est un média numérique qui parle du numérique. D’autant plus que ce nouveau média se veut lutter contre l’infobésité, la surcharge informationnelle… En en ajoutant ? Bref, l’idée est de prendre le temps d’écouter le numérique en coupant le numérique et en ouvrant un journal papier, plein de couleurs, d’images, et de dessins originaux. Parce que ça ne sert à rien de faire un journal papier qui n’apporterait rien par rapport à un journal en ligne.

Cette table, sur la photo, c’était le lancement de Chut! à Paris, vendredi soir. Avec un premier dossier intitulé La femme est l’avenir de la Tech, vous comprenez pourquoi j’y étais.

Chut est un magazine très « tech » version pro, c’est à dire plus orienté vers celles et ceux qui travaillent dans le numérique que celles et ceux qui s’intéressent simplement à la culture numérique.

Heidi News 

Heidi News est un nouveau média suisse, plutôt orienté sciences mais pas que. C’est la seule newsletter que je lis vraiment tous les matins dans le bus : avec des correspondants un peu partout dans le monde (Boston, Hong Kong, Dakar ou Genève), les revues de presse sont vraiment très bien faites, subjectives, selon le ou la correspondante qui l’a fait, mais vraiment variées et originales, avec des articles surtout en français mais parfois aussi en anglais, en allemand et plus rarement en italien (les langues nationales suisses ou quasi, en somme !)

Outre ses revues de presse, je suis abonnée au Point sciences qui fournir une excellente vulgarisation scientifique.

A chaque numéro, il y a un épisode d’un feuilleton, pris en charge par un-e correspondant-e. Et quand la série est finie, ça produit un numéro papier appelé Explorations. Le premier est très suisse : L’Étivaz, Le génie fromager.

Je vous rassure, je ne vais pas vous parler de ce numéro (ou pas notez que vous êtes peut être fan de fromage). Je vais vous parler du n° 2 : Votre cerveau a été piraté.

Heidi News – Explorations n°2 : Votre cerveau a été piraté

Il est réalisé par Gea Scancarello et parle de l’addiction au numérique, et il en parle bien. Je veux dire par là que le numérique a toujours été considéré comme un grand satan et déclenche des réactions irrationnelles, décalées disproportionnées… et donc inappropriés. Ça ne veut pas dire que le numérique est inoffensif ou que l’addiction n’existe pas. Mais tout n’est pas de l’addiction.

« Les authentiques addicts sont ceux dont la vie réelle – ou du moins certains de ses aspects – est conformée par le numérique. Tout le reste est qualifié d’usage problématique. On ne parle pas du temps passé sur les écrans. Ma meilleure définition de l’addiction numérique est l’incapacité à générer naturellement du bonheur, parce que le bonheur dépend toujours de la réaction d’un autre » dit Sanaibou Cham, du Bournemouth University’s Research Center for Digital Addiction.

Les applications numériques jouent sur notre besoin de reconnaissance sociale, et celle-ci est régulièrement alimentée avec les notifications. La crainte de manquer de reconnaissance sociale est une émotion puissante, elle s’accompagne de la FoMO, fear of missing-out, un syndrome défini comme l’appréhension envahissante que les autres sont en train de vivre quelque chose de gratifiant sans vous. Evidemment, les médias sociaux, et en tête Instagram, vous incitent sans cesse à être en phase avec ce que font les autres. Donc on poste (ou on transfère) du contenu et on attend les likes, pour avoir une confirmation que sa vie vaut de la reconnaissance. La dopamine est sécrétée par le cerveau de nombreuses manières mais l’une de ces manières est liée à la composante motivationnelle du comportement lié à la récompense. L’industrie numérique stimule cette production de dopamine via des récompenses et gratifications instantanées que sont les like, coeurs et notifications. Les personnes addicts en veulent plus, comme au casino ou en jouant à des jeux vidéo : elles ont besoin des likes pour que leur vie ait de la valeur (même quand elles ont juste transféré une vidéo de chaton d’un inconnu… ou un morceau de la vie d’une célébrité numérique). L’addiction c’est quand le bonheur ne peut être généré que par ces likes.

L’étape suivante, c’est l’application qui veut être votre amie : on tape un mot et l’algorithme finit nos phrases (google mail le fait déjà). Bientôt l’algorithme finira nos phrases à partir de tous ce qu’on aura tapé précédemment: il saura parler comme nous.

« Nul ne songe à nier que ça peut être utile, mais la question est de savoir si, à ce stage, cous serez capable de regarder quelque chose de différent si l’IA se borne à amplifier vos intérêts présents et passés. L’IA vous empêchera-t-elle d’expérimenter des choses nouvelles ou d’écouter des opinions différentes des vôtre ? Et que dire des choses que vous n’avez même jamais songé à vouloir jusqu’ici ? » dit Elvira Bolat.

Après ce premier article qui pose les choses, Gea Scancarello est partie interviewée Mr Brown qui crée des logiciels prédictifs de nos comportements pour nous faire adopter des habitudes : « Nous avons créé un moteur prédictif qui analyse les habitudes de chaque personne et détermine les moments où des stimuli de bien-être doivent être envoyés pour récompenser une action. » Par exemple une application de running vous envoie des pouces levés au bon moment pour vous encourager, vous félicitez, et vous envoyer une giclette de dopamine. Bien sûr, la société de Mr. Brown, Boundless mind, se défend de développer des addictions, juste des habitudes, pour courir, maigrir, manger sainement, augmenter la productivité en entreprise… « Des applications conçues pour aider les utilisateurs à combler le fossé entre leurs aspirations et leur comportement« . J’en suis quasiment émue. Le futur : « Nous aurons des capteurs qui détecteront notre mode de vie dans nos vêtements, nos chaussures et même nos médicaments. Votre réfrigérateur pourra savoir que vous avez l’habitude de grignoter tard le soir et trouvera des moyens pour vous en dissuader« . J’aime la technologie, hein, mais ça me donne précisément envie d’aller prendre une bière en défiant mon frigo.

L’inventeur du Persuasive design, c’est BJ Fogg, interviewé également. Trois facteurs modulent votre comportement: motivation, réaction et capacité.

Sur toutes ces bonnes nouvelles, je vous enjoins à lire en ligne ou en papier : https://www.heidi.news/explorations/votre-cerveau-a-ete-pirate 

Beaucoup d’autres articles, non pas pour mettre le smartphone à la poubelle, mais pour l’utiliser en conscience… Ou pas si on est addict ou qu’on déteste ce genre de manière.

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