Go Goldo Kro

Je n’aurai pas le temps de rattraper tout 2021 (voir Tout 2020 !!!) et je sais que c’est trop tard pour les idées de  cadeau… Néanmoins, si vous avez des paquets en retard, une Kro BD.

Pénélope Bagieu : Les Culottées et Les Strates

Goldorak de Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo

Pénélope Bagieu

Il y a longtemps, Pénélope Bagieu faisait un blog sympa appelé « Ma vie est tout à fait fascinante ». C’était rigolo. Ensuite, elle a fait du chemin… des BD plus longues, plus sérieuses (Cadavre exquis) ou pas (Joséphine que j’ai oublié de khroniquer). Ensuite, elle a eu la consécration en remportant le prix Eisner pour « Les culottées » que j’ai oublié de kroniquer mais je me rattrape.

Incidemment, faire un tour online sur la production de Pénélope Bagieu montre les avancées que les femmes ont encore à faire. Par exemple, on peut lire : « Pénélope Bagieu est une féministe de son époque. Dans les années 60, le MLF pratiquait un féminisme de défiance, souvent anti-mecs, à un niveau proche de la caricature« … Vas-y mon grand, cite-moi une action anti-mec et caricaturale de l’époque… Demander le droit à l’avortement ? La pénalisation du viol ? Ah, je sais… le droit d’ouvrir un compte en banque sans la signature du mari… Non ? euh… brûler son soutien-gorge ? Ah, dommage, c’est une légende urbaine, ça n’a jamais été fait (et par ailleurs, tu parles d’une action violente, ça fait drôlement plus peur qu’une manif de gilets jaunes, oulala).

Notons enfin que « Les Strates » est classé dans la rubrique « BD – Femmes » parce que quand une femme fait une autobiographie, c’est pour les femmes. Alors que quand Riad Sattouf écrit son autobiographie, c’est pour tout le monde.

Bon, je m’égare.

Les Culottées 1&2

C’est une trentaine de biographies de femmes, souvent pas très connues, et justement, c’est bien dommage. Parce que, quand on lit leur histoire, on se dit que normalement, on aurait du les connaître. Non seulement elles ont dû remuer ciel et terre pour commencer à avoir le droit de faire ce qu’elles voulaient faire (parce que femmes) et ensuite, elles ont eu des trajectoires extraordinaires. Et puis, on les a oubliées : parfois elles ont été volontairement écartées pour qu’on puisse leur piquer leur idée, parfois elles sont tombées dans l’oubli parce qu’on oublie qu’une femme peut faire de telles choses et parfois enfin, on se souvient d’elles, mais pour des raisons assez anecdotiques, mais plus « féminines ». C’est ainsi que je suis tombée des nues en lisant la biographie de Joséphine Baker, qui pour moi, se résumait à une meneuse de revues torse-nu et une chanson (J’ai deux amours…). Elle a eu des Funérailles nationales en 1975 et quelques années plus tard, il ne reste rien de la résistante, rien dans les livres d’histoire, rien dont on me parle à l’école, juste une ceinture de banane. Maintenant qu’elle est au Panthéon, évidemment, on se doute qu’il y a eu un petit truc en plus.

Alors au début, j’ai été déçue de trouver dans le sommaire si peu de femmes que je connaissais déjà, mais finalement, c’est une bonne chose… est-il nécessaire de raconter encore une fois la vie de Marie Curie, si ce n’est pour en faire l’exception qui confirme la règle ? Et comme le dessin de Pénélope Bagieu est rigolo, on s’amuse à découvrir toutes ces culottées.

Les Strates

Ce sont de brèves histoires autobiographiques : brèves d’enfance, d’adolescence et de jeune adulte. C’est tendre, touchant, drôle, sombre et rigolo.

Des histoires toutes très juste : partager 20 ans de sa vie avec un chat, subir des agressions sexuelles et être incapable d’en parler, débuter sa vie sexuelle avec un type gentil et très amoureux, mais en étant l’un et l’autre dramatiquement ignorants (même s’ils sont nés dans les années 80 !…), aller à l’ouverture du testament de son père en se demandant quelle surprise il renferme, etc. C’est une BD à faire lire à tout le monde, pas seulement parce qu’elle est instructive sur la vie d’une gamine des villes des années 80-90, mais surtout parce qu’elle est vraiment réussie.

Goldorak de Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo

En juillet 1978 arrive un OVNI à la télé, littéralement un ONVI : la première animation japonaise pour les enfants élevés à Pollux et Disney. Goldorak, c’est du jamais vu. Un succès incroyable avec pourtant une animation de faible qualité : beaucoup de dessins figés, des scènes qui tournent sur 3 images… C’est à la fois un raz-de-marée et en même temps, ça fera durablement une mauvaise publicité pour l’animation japonaise (jusqu’à l’arrivée d’Akira, sauf que dans Akira, si l’anim est belle, le scénario est incompréhensible).

J’étais ultra fan de Goldorak, je me racontais des histoires avec Goldorak et je me souviens du dernier épisode (même si j’ai trouvé ça chelou qu’il aille repeuplé Euphor avec sa sœur). À cette époque, les adultes se sont beaucoup inquiétés pour nous. Allez voir ce ramassis d’âneries sur Goldorak qui traumatise les enfants (moi, le bonhomme têtard avec les cornes, ça me fait rire). Quand j’étais étudiante, j’avais même écrit à Télérama une lettre pour expliquer que petite, j’avais regardé Goldorak, comme tous mes copains, que j’avais faits des études malgré tout et qu’il fallait peut-être arrêter de dramatiser pour rien. L’article était paru sous le titre Goldorak en hypokhâgne et j’étais super fière (d’ailleurs je l’ai gardé !)

Néanmoins, je me suis pas mal demandé pourquoi Goldorak exerçait une telle fascination (sur moi comme sur des tas de copains… plutôt chez les mecs, j’ai noté). Dans le reportage en lien ci-dessus, après les conneries de Sigolène Royal qui craint la mort de la poésie chez les enfants, Yvan Jablonka nous l’explique. Dans Goldorak, on voyait des scènes de guerre, des populations de civils s’enfuir, des dictatures militaires (ou des militaires pas très fins de façon généraux). On voyait un héros traumatisé par la destruction de son peuple, à coup de guerre nucléaire. Les enfants des années 80 ont des parents qui ont été enfants pendant la guerre et des grands-parents qui l’ont directement vécu. Ce sont les petits enfants de grands-parents traumatisés par la guerre (et encore plus quand ils sont juifs comme Jablonka), mais qui n’en parlent pas. Goldorak représentait graphiquement ces horreurs tapies dans la mémoire familiale et ça faisait du bien enfin de pouvoir nommer et représenter cette violence. Et se battre contre elle.

Sur ce, voici que 4 enfants des années 80 qui sont devenus entre temps des auteurs de BD se mettent à refaire un Goldorak. C’est crédible ça ? Ben, oui, car ils font le boulot sérieusement.  Xavier Dorisson recrute des petits camarades de jeu et écrit à Go Nagaï, l’auteur de Goldorak, pour le convaincre de jeter un œil au projet. Et avec son autorisation, ils reprennent l’histoire là où elle s’est arrêtée. Et ça marche. Ça marche, comme quand j’avais 10 ans sauf que l’histoire est plus adulte, mais totalement fidèle à l’esprit, sans être mièvre. C’est un tour de force. Je vous assure, au premier « Goldorak, Go » on a à la fois 50 ans et 10 ans.

Les dernières pages de l’album, c’est le making off, tout aussi intéressant que le reste.

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