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Chien blanc de Romain Gary

Meds de Placebo


Chien blanc de Romain Gary

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Chien blanc est le premier livre politique que j’ai lu, je devais avoir un peu plus de quinze ans. Il m’avait laissé une forte impression. C’était tout nouveau pour moi, j’ai eu l’impression d’entrer dans un univers d’adultes : là où on trouve de la littérature traitant de sujet sérieux. C’était aussi le livre préféré d’un de mes cousins, à tel point, qu’une fois, chez ses parents, alors qu’il y était le temps d’une fête de famille, j’ai vu le livre posé sur sa table de nuit. Ça m’a impressionné : ce livre qu’on aime tant qu’on l’a partout où on va.

Environ 20 ans après, j’ai eu envie de le relire, en me demandant quelle part ma naïveté de l’époque avait pu jouer dans mon engouement pour ce livre.

Chien blanc est un livre largement autobiographique, racontant une période de la vie de Romain Gary et de son épouse l’actrice Jean Seberg, aux Etats-Unis, en 1968.

Romain Gary recueille un chien perdu, un berger allemande, une brave bête, intelligente, sympa, bien dressée, aimable avec les invités mais qui devient une bête sauvage en présence d’un noir. C’est un ex chien de flic, dressé à l’attaque des noirs, un chien blanc. Cette anecdote sert de point de départ et de fil rouge en même temps à nous parler de la période d’émeutes aux Etats-Unis au moment de l’assassinat de Martin Luther King. Mais ce n’est pas une étude politique de la situation des noirs aux Etats-Unis, comme j’ai pu le croire à ma première lecture. C’est le point vue subjectif, mais néanmoins intéressant, de Romain Gary sur les rapports de race. Disons qu’on en apprend au moins autant sur l’auteur que sur la situation. Son analyse politique est évidement partiel et ne prétend pas à autre chose, c’est un tout petit bout du « problème » qui est décrit. Néanmoins, Romain Gary renvoie assez bien à leur responsabilité les leaders noirs extrémistes, les bons blancs qui donnent, ravis de payer pour leur culpabilité, les crapules de toutes les couleurs et les hypocrites.

Ce qui me frappe (mais vous allez crier à la déformation professionnelle, mais que voulez-vous que j’y fasse ?) c’est son aveuglement aux rapports sociaux de sexe, alors qu’il est tellement sensible aux rapports sociaux de race. Il dit par exemple qu’on ne peut pas reprocher aux noirs d’avoir tremper dans le commerce de la drogue, la petite délinquance, ou la prostitution parce qu’ils n’avaient pas d’autres options dans leurs quartiers. Tous les noirs peuvent être amenés à mettre leurs femmes sur le trottoir, toutes les noirs peuvent se retrouver à servir de dépuceleuses pour les blancs. Comment un homme si sensible aux mécanismes de l’oppression est incapable de voir qu’être macro, ce n’est pas la mettre chose qu’être pute ? en fait, ce n’est pas une vrai question, il suffit de lire Gros-Calin, du même auteur, roman que j’aime beaucoup mais où le héros est un client de prostituées noires, pour comprendre l’aimable complaisance dont fait preuve Romain Gary pour ses propres loisirs sexuels. Et pour autant, il ne lui manque pas grand-chose : on voit bien qu’il ne croit pas une seconde que le viol d’une blanche par un noir est un acte politique, par exemple. Il remarque bien que les noirs diront : j’ai une grand-mère blanche (sous-entendant : mon grand-père a baisé une blanche) mais pas : j’ai un grand-père blanc alors que les viols d’esclaves noires étaient tellement courant que c’est plus que probable. On dirait qu’il lui manque les outils pour faire l’analyse en terme de rapports sociaux de sexe, alors qu’il les possède quand il analyse le racisme.

Il est intéressant de lire aussi le bref passage sur mai 68, à Paris, totalement en décalage avec la situation américaine. La révolte des étudiants parait bien futile, fait « enfant gâté », en effet, eux n’ont pas LE problème… ils sont tous blancs. Mais Romain Gary répète suffisamment qu’il est Gaulliste, pour qu’on comprendre que malgré une sorte de sympathie pour les étudiants, il ne peut pas vraiment les prendre au sérieux.

Peut-être qu’arrivé à ce stade de cette Chro, vous êtes en train de vous dire qu’il vaut mieux ne pas relire les livres qu’on a aimé 20 ans plus tôt ! Eh bien, pas du tout. Il faut simplement ne pas prendre Chien Blanc comme une analyse politique de la situation des noirs en 68 aux Etats-Unis. Romain Gary, le héros de l’histoire, finalement, est un personnage intéressant, avec ses contradictions, son franc-parler, son humour et un gout assez enthousiasmant pour la provocation pas sotte. On y trouve des passages vraiment drôle où on apprend qu’Hemingway et Scott Fitzgerald se sont rendus au Louvre pour vérifier sur les statues grecs que la taille de leur sexe était normal. Les discussions qu’il peut avoir avec ses chats, ses descriptions de réunions politiques caritatives ou pas… Bref, Chien blanc n’est pas à prendre comme tel, mais est instructif, curieux, amusant et triste, imparfait… Bref, je comprends tout à fait pourquoi ça peut être un livre attachant.

Meds de Placebo

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Je suis une grande fan de placebo, le son, la voix, les musiques, les paroles, bref, j’aime tout. Le dernier album est bien dans la lignée du reste. Il fera plaisir aux fans, ne convertira personne, ne révolutionne pas leur style, est très agréable à écouter. Comme dans le précédent, les slows sont réussis (c’est peut-être être où je les trouve les meilleurs, les plus originaux même si j’apprécie vraiment les morceaux qui bougent). Brian Molko chante également plus grave qu’avant et sa voix est mieux posée, il se permet plus d’acrobaties avec bonheur.

Côté look, Brian Molko a laissé tomber la jupe, sans pour autant vraiment remiser l’androgynie au vestiaire. Il dit maintenant qu’il n‘en portait que pour se rendre intéressant et qu’il était ridicule avec. Pourtant, il avait trouvé un vrai style qui n’avait rien à voir avec les drag-queens. Car même s’il se maquillait et portait des jupes, ses attitudes et postures n’avaient de féminin : debout jambes écartées devant son micro, enjambant les haut-parleurs pour venir chanter devant la scène… Nous étions vraiment dans une transgression de son genre, dans pour autant la nécessité d’aller adopter l’autre genre. Cette position sur la frontière était bien intéressante… mais apparemment pas faite exprès !

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