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Les pantalons taille basse

Presque de Larcenet

On fera avec de Larcenet

Marie-Antoinette par Sophia Coppola avec Kirsten Dunst et Jason Schwartzman

Les pantalons taille basse

Les pantalons taille basse

Je me suis déjà élevée ici contre les habits postmodernes qui déstructurent la silhouette avec des forme contre nature, comme les pantalons dont la taille est plus étroite que les chevilles, par exemple, ou encore les bas de pantalons utilisés pour protéger les semelles de chaussures de l’usure. Je vais vous parler aujourd’hui du pantalon taille basse.

Je vous avais fait part de ma volonté de m’acheter (sur les conseils de ma fille) des habits en tissu camouflage (depuis, j’ai appris que pour faire in, on dit camo). A l’origine, je voulais un T-shirt en coton et même chez Jennifer et H&M, je n’ai pas trouvé. J’ai songé à me rabattre sur un pantalon, et là : horreur, comme c’est des vêtements de djeunz trop à la cool, tous les pantalons camo sont taille baisse, parce que tout le monde sait bien que quand on a 20 ans ou moins, (et en particulier chez les filles) on a la taille plus large que les hanches, bien sûr.
Mais que voulez-vous, déjà que je n’arrivais pas à mettre la main sur un T-shirt camo en coton, il fallait que je cesse un peu de faire la difficile, j’en ai acheté. Tout d’abord, il faut passer outre cette l’impression continuelle qu’on est en train de perdre son froc… ce n’est d’ailleurs pas toujours une sensation d’ailleurs, mais parfois aussi une réalité. Or, il se trouve que, bizarrerie suprême, mes ceintures sont conçues pour être portée à la taille et ces pantalons prenant appui sur les hanches, mes ceintures sont trop justes.
Autre corolaire à la taille basse, ce sont des pantalons avec lesquels on voit votre culotte. Bien sûr, me direz-vous, c’est parce qu’il ne faut pas mettre de culotte, mais un string. Ce sont donc des pantalons qui permettent de laisser dépasser les élastiques du string… comment vous dire…Si à ce jour, j’ai résolu le problème de la ceinture en en achetant une plus longue, celui des dessous portables avec ce type de vêtement est encore en suspend…

Manu Larcenet a sorti quelques albums dans une collection appelé : On verra bien
C’est une très jolie collection dans un format souple à l’italienne sur du papier blanc, dessiné en N&B. C’est lourd à emporter en voyage, c’est trop fragile pour être lu dans le métro, mais ça fait de beaux objets. Et pas seulement.

Grâce à un ami collectionneur de Larcenet, j’ai pu lire dans cette collection :

Presque… de Larcenet

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Manu Larcenet a tenté maladroitement de se faire réformer. Et comme il a raté, il s’est retrouvé dans un bataillon disciplinaire. Je ne sais pas si tout ce qu’il raconte dans cette histoire est biographique. Une bonne partie l’est, sans le moindre doute. Quand bien même, tout peut l’être. La phrase qui résume bien le livre serait : « J’ai très vite compris qu’il ne sert à rien de faire le malin quand on est légalement privé de tout ces droits. ».

Situation curieuse et aberrante du service militaire, dans lequel des garçons entre 18 et 25 ans, qui n’ont absolument rien demandé de tel, qui plus jamais ne s’approcheront de quoique ce soit de militaire, qui ont parfois une vie d’étudiants paisibles, et qui se retrouvent à être traité comme des sous-merdes par des personnes qui peuvent exercer leur sadisme de petit chef en toute impunité, parce qu’ils vont en faire des hommes, oui Sergent, de vrais hommes, oui Sergent !

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Bien sûr, tous les jeunes hommes n’ont pas eu un service militaire aussi traumatisant que Larcenet. Mais après la lecture de cette BD, je me suis posée une seconde et j’ai fait le bilan des hommes de mon âge qui ont fait leur service ou ont du faire face à l’angoisse de devoir le faire.

C’est bien simple, pour un bon nombre d’entre eux, le service a été une rupture traumatisante, détestable, foutant un bout de leur vie en l’air. C’est vrai, j’ai tendance à fréquenter des gens très diplômés qui envisageaient autre chose dans leur vie que d’obéir à des ordres qu’on aboie. Ou encore des gens rebelles à une autorité fondée uniquement sur l’exercice de la force.

Dans Presque…, Manu Larcenet décrit le quotidien vivable et invivable, avec un alter ego « petit monstre » pour dire à sa place tout ce qu’il ne peut pas dire, en particulier à sa mère, quand il rentre en permission.

Avec Presque, je me suis souvenue du temps où la conscription existait, que je voyais comme une fatalité inévitable, qui arrivait à tout le monde, enfin, à tous les hommes, donc à tout le monde (pas moi), fatalité dont on pouvait aussi tirer du bon, si on savait s’y prendre, disait-on… bref, un mauvais moment inévitable à passer. Alors puisqu’il est inévitable, faisons contre mauvaise fortune, bon cœur… que je me disais.

Si cette BD s’appelle ainsi, c’est parce qu’au moment de l’écrire, Manu Larcenet s’est rendu compte qu’il avait pardonné, qu’il n’avait plus de haine pour ceux qui l’ont martyrisé à l’armée. Enfin presque…

Quand les hommes parlaient du service militaire, tant que celui-ci existait, il leur était pratiquement impossible de raconter autres choses que les anecdotes de franches camaraderies viriles, genre : « tu te souviens, Joe, dans les rivières, à Saïgon » et les gags. Pour tout le reste, les brimades, les insultes, les carrières avortées, les angoisses et les dépressions, c’est pas viril, alors on doit les taire.
Alors que finalement, c’est un copain qui m’a ouvert les yeux sur les réalités du service militaire : comment dire que c’est l’apprentissage de la virilité, alors que les hommes y a apprennent à faire le ménage, repasser, balayer et laver les chiottes. « Après tout, l’armée, ça forge le caractère, et on a jamais tué personne que je sache ! » (Les Wriggles)

Ne croyez pas que je fais de l’antimilitarisme primaire. Un jour, je suis allée faire une conférence de garnison. J’ai été extrêmement bien reçue et j’ai discuté avec des officiers cultivés et intelligents. Des gens de toute façon, qui avait choisi d’être là.

Un peu plus gai, mais pas tant que ça :

On fera avec… de Larcenet

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Les réflexions d’un bonhomme qui explique ce que c’est que de vivre au quotidien avec l’angoisse et la souffrance de vivre.
« Quand on est petit, on a peur des monstres.
Même en grandissant, ça ne s’arrange pas.
Il y a toujours quelque chose qui nous hante.
Mais quand on est petit, on peut toujours se réfugier sous les couvertures.
Tandis qu’après, il n’y a plus que notre graisse qui nous protège.
»
…
« Au bout d’un moment, l’angoisse devient comme un compagnon.
Je vis avec elle. A tous moment, elle est à mes côtés.
Parfois, elle me paralyse, me handicape…
Ou alors, elle me rassure, comme la seule chose stable dans ma vie, mon seul point d’ancrage.
Mais dans tous les cas, elle m’étouffe
»

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Malgré le texte très noir, les dessins qui l’accompagnent sont souvent vraiment très drôles, donnant une sorte de lecture à deux tons, un peu dérisoire, un peu pitoyable, un peu attendrissante au mal-être du personnage. Ce que dit ce bonhomme, je l’ai souvent entendu autour de moi. Alors, je pense qu’on peut conseiller la lecture de cet album à tout le monde. Ça apaise de trouver l’écho de ses propres angoisses… et ensuite, on fait avec.

Marie-Antoinette par Sophia Coppola avec Kirsten Dunst et Jason Schwartzman

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Après Virgin suicide (le suicide de 5 jeunes filles dans le sud profond et ultra-puritain des Etats-Unis), Lost in translation (la rencontre improbable entre un acteur vieillissant et une jeune épouse de photographe de mode en plein décalage horaire à Tokyo), on se demande ce qui a pu tenter Sophia Coppola avec Marie-Antoinette… Mais elle explique qu’il y a une continuité dans l’histoire de ces jeunes filles…

Ce film est construit à partir de plusieurs partis pris qui ont l’avantage de lui donner une unité et en plus de rendre attachant ces personnages qui pour nous sont couvert de la poussière de l’histoire.
Le premier parti pris est de montrer Louis et Marie-Antoinette comme deux ados un peu paumés et gaffeurs à qui on demande de chausser des souliers trop grands pour eux.
L’autre parti pris est de rester du début à la fin du film à Versailles, avec quelques rares incursions au-dehors : le début en Autriche, au moment du départ de la future Dauphine, quelques fêtes et opéra à Paris, mais sinon, tout se passe à Versailles, dans le luxe, le faste, la frivolité, les fêtes gigantesques, le gaspillage et parfois la débauche. Le roi et la reine, totalement coupés du peuple, n’ont qu’une idée très vague de ce qui se passe à Paris. Le monde de Versailles est à ce point artificiel dans ses coutumes qu’ils vivent sur une autre planète parmi des gens d’une autre espèce.

Sophia Coppola rend ses personnages vivants et fait passer son message sans appuyer trop fort : Kirsten Dunst est fantastique en jeune dauphine espiègle : elle ensorcelle la cour de Versailles, si prompte pourtant à médire et persifler sur l’Autrichienne. Jason Schwartzman, en roi gentil et maladroit est touchant. On a envie de le laisser chasser tranquille, plutôt que de lui confier l’intendance d’un royaume déjà fort mal en point. Un des paris les plus étonnants de Sophia Coppola est de faire danser ses acteurs sur de la musique moderne avec des danses et costumes de l’époque. Et ça fonctionne, il faut dire qu’on comprend mieux ce que peut être une fête à tout casser sur un rock endiablé que sur un menuet, fut-il endiablé.

Anecdote : Sophia Coppola avait demandé à Alain Delon de jouer Louis XV. Celui-ci lui a répondu qu’une américaine ne pouvait pas mettre en scène l’histoire de France. Peut-être sa majesté a-t-il été vexé à l’idée d’être dirigé par une gamine. Il a doublement tort. Peut-être qu’il fallait justement un regard neuf, irrévérencieux et étranger pour redonner vie à cette histoire que nous, français, connaissons par cœur. Pour se laisser encore émerveiller par le luxe de Versailles (je n’ai jamais trouvé le château aussi beau que dans ce film), pour avoir l’élégance de raconter une petite histoire avec de grands faits historiques.

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