L’enfant et la peur d’apprendre (I)

L’enfant et la peur d’apprendre, Serge Boimare

Boimare est directeur pédagogique d’un centre spécialisé pour enfants en grandes difficultés scolaire (CMPP). S’il a une formation de psychologue clinicien, il se place ici en pédagogue. Il ne cherche pas à ouvrir la boite noire comme un psychothérapeute, afin de dénouer l’histoire personnelle qui bloque les enfants. Il cherche la remédiation pédagogique, sachant qu’il faudra faire avec l’univers psychique de chacun, mais dans le cadre d’une activité scolaire.

Je vous propose une Kro en plusieurs partie de ce livre passionnant.


L’enfant et la peur d’apprendre, Serge Boimare, Dunod, 2e édition 2004

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Mise en ligne par taylorkoa22

Quelques mots des enfants…

« A l’école, on nous apprend des trucs qu’on sait même pas »
« Quand je ne sais pas la réponse, ça me fait comme un tourbillon devant les yeux et j’ai peur de tomber dedans »
« Dans toutes les histoires, ya un enfant mort et quelqu’un qui s’en va »

10 à 12% des élèves sortent sans maîtriser les savoirs fondamentaux. Bien qu’ils soient pour la plupart intelligents, ils n’arrivent pas à saisir l’idée principale d’un texte de 5 lignes, ils ne peuvent enchaîner 2 étapes d’un raisonnement mathématique. On les repère dès le CE1 et pourtant, on ne peut rien pour eux. Or, ce sont des enfants intelligents, ni psychotiques, ni déficients mentaux. Ces élèves qui n’arrivent pas à faire comprendre le sens de la multiplication, arrive très bien à fait dans la cour des échanges de billes de valeur inégale.

Pour résoudre ce problème, il faudra une pédagogie novatrice : le retour à des savoirs fondamentaux, à des méthodes traditionnelles ou à plus de fermeté ne fonctionnera pas, on s’en serait déjà rendu compte. Ce ne veut pas dire qu’il ne faut pas un cadre et des méthodes rigoureux, suffisamment rigoureux pour résister à l’agression de certains élèves. Sans ce socle, rien ne sera possible.

Cette pédagogie novatrice, ce ne sera pas un coup de pouce personnalisé, ça peut marcher avec les enfants qui ont des difficultés à apprendre, ce n’est pas la même chose que les enfants en échec, en rupture complète avec l’apprentissage, ceux qui sont incapables de lire à 12 ans, malgré des années d’apprentissage de la lecture. Si c’était un manque d’entraînement, un manque d’apport initial, il faut être lucide, on aurait déjà réussi à atténuer le problème.

En fait, certains troubles sont réveillés par la situation d’apprentissage et ne sont pas simplement réactionnels, face à la désillusion de ne pas apprendre. Les situations d’apprentissage réveillent des craintes anciennes toujours en liaison avec les premières expériences éducatives. Ces craintes poussent à l’évitement de penser pour se protéger.

L’échec sévère : ce n’est pas un manque, c’est une organisation psychique singulière, qui cherche son équilibre dans l’évitement de penser. Des élèves ont réussi à mettre en place des stratégies pour ne pas affronter la situation d’apprentissage qui sont beaucoup plus performantes et évolutives que les différentes propositions de remédiations cognitives. Elles n’iront pas plus loin d’une parodie d’apprentissage. Or, il ne s’agit pas de soigner mais de restaurer la pensée.

The Wheel
Mise en ligne par taylorkoa22


Toutes les situations d’apprentissage provoquent des interrogations et incertitudes légitimes : quelle est l’utilité de la conquête du savoir et quelle est la valeur de ses propres compétences. Chez ces enfants, ces interrogations se transforment en préoccupations identitaires qui viennent en lieu et place de la réflexion. D’abord, on trouve les thèmes d’auto-dévalorisation, parfois camouflés par des idées mégalomaniaques ou persécutives. Parfois, ce sont des craintes d’effondrement psychique, de perte d’unité, de vide intérieur. A ce stade, apparaissent des troubles du comportement, soit pour réduire les craintes, soit pour les empêcher d’arriver. Boimart appelle ces enfants : « les phobiques du temps de suspension » : le temps compris entre le moment où ils ne savent pas et celui où ils vont peut-être savoir, le temps du manque, de l’incertitude, de la solitude. Il leur faut à tout prix court-circuiter le temps du doute. Ils arrivent par l’agression ou la provocation constante… ou encore en s’endormant.

Comment faire ? Trouver une médiation culturelle (littéraire, scientifique, artistique, philosophique…) qui permettra à ces enfants d’approcher les questions brûlantes mais en leur donnant une forme qui les rendra fréquentable, échangeable avec les autres.

Boimart utilise les contes et les mythes. La différence entre « oi » et « ou » devient beaucoup plus facile à discriminer quand elle est incluse dans le nom d’un Dieu, d’une princesse, d’un animal chimérique qui éprouvent des sentiments et des désirs comparables à ceux des enfants. L’histoire donne une cohérence aux peurs qui ne pouvaient être exploitées.

à suivre…

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