Miss France

Moi, l’affaire Miss France, ça me passionne. Oui, je sais ce que vous allez me dire, les concours de Miss, c’est le culte de la femme objet dans tout ce que ça a de plus ringard, avec son défilé en maillot de bain. Néanmoins, tous les ans, on n’y échappe pas. Même si je n’ai jamais regardé une élection de Miss depuis que j’ai plus de 10 ans, je suis toujours au courant, en général par un coup d’œil rapide à google news que ça y est encore, cette année, c’est fait. La nouvelle Miss est belle, bien sûr et en plus intelligente, et de surcroît, moralement irréprochable, elle va défendre le charme français à l’étranger.

On connaît la tête de Mme de Fontenay avec son petit chapeau, l’incarnation archétypique de la bourgeoise ringarde et coincée, bref, tout cela prête à rire, sauf que cette année, en fait, pas tellement.

Je vous refais le feuilleton :

Tout d’abord, Miss France vient de la Réunion: ce n’est pas la première fois qu’une Miss est créole, mais quand même, c’est intéressant à noter que la personne qui représente la France à l’étranger n’est pas blanche.

Ensuite, il y a l‘affaire des photos, suggestives et vulgaires qui paraissent dans Entrevue. Bien sûr «on» ne sait pas qui les a vendu, mais on note qu’une fois de plus, la faute retombe sur celle qui pose et non sur celui qui a demandé les photos (lui, on le connaît). A une échelle moindre, c’est comme si dans l’affaire des agressions sexuelles avec le cinéaste Jean-Claude Brisseau, on reprochait aux filles d’être impliquées dans une relation cochonne et pas à lui.

Bien sûr, Miss France n’avait qu’à refuser ces photos… mais voyez-vous, à l’époque elle ne savait pas qu’elle serait Miss. Elle a juste fait le tout venant que font les jolies filles qui veulent utiliser leur beauté comme capital. Ce n’est certainement pas elle qui a suggéré les mises en scène…

Peut-être verra-t-on des rugbymen lécher du yaourt à l’avenir ? Et quel sens cela aura-t-il ? Mmhm, je m’égare…

C’est maintenant que ça devient vraiment intéressant : Mme de Fontenay s’offusque des photos, la traite de cochonne (c’est le mot employé par les personnes bien élevées qui n’osent pas dire « salope ») et dit à Miss France de rester dans son île.

Que Mme de Fontenay soit éternellement à la recherche quasi mythologique de la dernière Rosière, ce n’est pas un scoop. Mais pour Mme de Fontenay, non seulement les femmes doivent être des icônes d’une vertu de façade, mais surtout, des icônes blanches. Le « reste dans ton île », ya pas de doute, c’est raciste. Et d’ailleurs, elle appelle à une sanction sans précédent dans l’histoire des Miss… non pas une suspension, mais une radiation.

Devant la protestation des Réunionnais qui comparent Mme de Fontenay aux femmes de propriétaires terriens possédant des esclaves sur l’Ile il n’y a pas si longtemps, le Comité s’en tire avec une espèce de pirouette. Elle reste Miss, mais ce n’est pas elle qui représentera la France à l’étranger au côté de Mme de Fontenay, qui aurait trop honte.

Place à la première Dauphine : Miss Nouvelle Calédonie, une autre créole qui fort opportunément ne peut pas prendre le poste car elle doit pouvoir finir ses études. Miss Pays de Loire devient donc celle qui fera les voyages. Mme de Fontenay s’en félicite : elle est une digne représentante de la France. Elle est aussi bien blanche.

Moi, ça me donne bien envie d’en appeler à la HALDE… il y a discrimination raciste. Ce n’est pas défendre l’intégrité du concours de Miss qui me motive, c’est plutôt que le rayonnement médiatique qui entoure ce concours donne à la fois de la visibilité au visage des Miss, mais aussi la même visibilité aux manœuvres racistes qui l’accompagnent. Et s’il y a eu débat pour savoir si les photos de Valérie Bègue (la Miss) sont ou non choquantes au XXIe siècle, il fut aimablement passé sous silence le fait qu’on a failli avoir 2 Miss créoles et que suite à quelques coups de théâtre, c’est la favorite de Mme de Fontenay, une miss qui lave plus blanc qui l’emporte. On a parlé moralité des femmes mais on a également passé sous silence la question de la « moralité » des photographes qui demandent certaines poses, ou celles des hommes qui foulent au pied les carrières de femmes en diffusant du crapoteux pour des raisons variées, qu’ils soient nageur ou journaliste.

Heureusement, les Réunionais ont le l’humour : ce site vantant l’exception culturelle réunionaise avec son ancienne tradition de léchage de yaourt sur pierre…