Kro hétéroclite

Dans la même Kro, des éléments de natures différentes.

Ensuite, même si je lis beaucoup de livres de classe en ce moment, il m’arrive aussi d’aller au cinéma. Et comme les films, ça se périme, je vous mets tout dans la même Kro : un film, un livre que j’ai lu et un livre que j’ai écrit. Eh oui, un peu d’auto-promo.

Film :

Chocolat de Roschdy Zem avec Omar Sy et James Thierrée

Livres :

David Paternotte (dir.) : Habemus Gender, déconstruction d’une riposte religieuse

Isabelle Collet : L’école apprend-elle l’égalité des sexes ?

choc1-2016-02-26-23-35.pngChocolat de Roschdy Zem avec Omar Sy et James Thierrée

Biopic très librement inspiré de la vie du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le film raconte la rencontre entre le clown blanc Footit et « Chocolat » qui vont devenir des stars de la scène parisienne, dans un XIXe siècle coloniale, raciste et fier de l’être.

Avec une certaine finesse, Roschdy Zem montre comment la France ne laisse en aucun cas Chocolat être un artiste à part entière. Elle lui permet seulement d’être le noir colonial exemplaire, soumis, simple, qui se prend des claques. L’amitié de Chocolat et Footit ne peut être une amitié qui dure à partir du moment ou le blanc gagne deux fois le salaire du noir et où c’est toujours le même qui se prend les pieds aux fesses durant le spectacle.

Si parfois la mise en scène rame un peu, disons, manque de rythme, le film est servi par deux très bons acteurs. Omar Sy, qu’on ne présente plus depuis « Intouchables » mais aussi James Thierrée qui, incidemment, est le petit fils de Charlie Chaplin et qui est un vrai clown acrobate de talent.

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Certaines scènes permettent une mise en abime quand on voit Omar Sy alias Chocolat se débattre pour avoir des rôles « normaux » d’acteurs, et pas uniquement des rôle de noir.

Ca m’a fait pensé au petit rôle d’Omar Sy dans X-men, où, s’il joue un X-men du groupe : son « super costume », c’est une panoplie tribal presque caricaturale, un rôle de noir, en somme.

Bref, en définitive, un bon film, qui incite à se rappeler la réalité de la période coloniale, avec l’esclavage, les zoos humains de l’exposition coloniale

et le dénigrement systématique des noirs. Au fait, vous avez vu le pléonasme ? dénigrement, ça vient de nègre, dénigrer, c’est rendre noir… Comme « être chocolat », à l’époque, signifiait « être berné ».

hab-2016-02-26-23-35.pngDavid Paternotte (dir.) : Habemus Gender, déconstruction d’une riposte religieuse

Franchement rien que pour le titre, ce livre en vaut la peine…

Pour vous expliquer le sujet du livre, je vais vous proposer de vous replonger dans cette période totalement dingue de janvier 2014 : en pleine « théorie du genre » et journée de retrait de l’école.

En France, en janvier 2014, en plein débat autour de la légalisation du mariage pour les personnes de même sexe, des mouvements réactionnaires (en particulier des groupes catholiques néoconservateurs, mais pas uniquement) s’en prennent aux expérimentations pédagogiques appelées ABCD de l’égalité, destinées à lutter contre les stéréotypes de sexe à l’école primaire. Ils accusent ce programme d’être le fer de lance du lobby LGBT et y voient la promotion d’une idéologie appelée « théorie-du-genre » dont la finalité serait de détruire la famille en niant la différence des sexes, la complémentarité entre les hommes et les femmes, et surtout la naturalité de cette complémentarité.

A la suite de ces groupes catholiques, Farida Belghoul, ancienne militante anti-raciste, maintenant proche de l’extrême droite et personnifiant également des groupes musulmans, organise une Journée de retrait de l’école (JRE). Elle appelle les parents à la désobéissance civile invoquant une prétendue clause de conscience : la « théorie-du-genre » irait à l’encontre des valeurs familiales. Il s’agit donc de protéger les enfants contre ce qui est décrit comme un lavage de cerveau, aux accents de théorie du complot. Des familles supposées musulmanes sont la cible de sms annonçant aux mères que des transsexuels viendront dans les écoles maternelles faire des démonstrations de masturbation à l’aide de sexes en bois. Un lien internet vers une vidéo de Farida Belghoul est envoyé à l’appui de la rumeur. Ce luxe de détails et l’absurdité de l’accusation aurait dû faire sourire mais le 27 janvier 2014, date de la première JRE, des écoles situées dans les quartiers périphériques des grandes villes se dépeuplent. Si au niveau national, l’absentéisme causé par la JRE est finalement assez modeste, (au maximum 200 écoles sur 30 000) l’affaire alerte la presse, d’autant plus qu’elle est abondamment récupérée dans les discours politiques de la droite en général.

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Dans le mois qui suit, la presse de tout bord politique dénonce la manipulation : bien sûr, il n’a jamais été question de masturbation, ni même d’éducation sexuelle dans les ABCD de l’égalité. Les autorités religieuses, catholiques comme musulmanes, quoique largement critiques par rapport à l’enseignement du « genre » se désolidarisent également de ce mouvement. Le Ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, rappelle l’obligation scolaire, des universitaires s’expriment abondamment dans les médias pour dénoncer la manipulation de concept.

Le 2 juillet 2014, le couperet tombe : les ABCD de l’égalité sont retirés, pour être remplacés par « un plan encore plus ambitieux en faveur de l’égalité », d’après Benoît Hamon, ministre de l’Éducation nationale. Le plan est dévoilé le 25 novembre 2014 par Najat Vallaud-Belkacem, troisième Ministre de l’Éducation nationale à se colleter au problème en moins d’un an. Mais malgré l’effet d’annonce, l’ambition est tellement modeste et consensuelle que le plan n’attire l’attention de personne, si ce n’est des féministes et des enseignant·e·s militant·e·s, qui se sentent trahi·e·s.

Habemus gender retrace dans ces nombreuses contributions comment le Vatican a créé cette prétendue « théorie du genre » qui nierait la réalité des corps, et comment les religieux de tout poil ou presque, en criant aux respects des valeurs morales, se sont élevés contre l’égalité Hommes / Femmes.

70119595-2016-02-26-23-35.jpgIsabelle Collet : L’école apprend-elle l’égalité des sexes ?

Je ne vais quand même pas faire une auto-kro.

Je vous propose plutôt ce compte-rendu

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