Vos réactions
- Oursino on Terminus
- 1848, un printemps européen | Transfo on Bon anni Rosa !
- lolo on Le jour K ?
- lolo on Le jour K ?
- lolo on Non-centre-ville
October 2024 M T W T F S S 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 Alterblogs
- Le Jura libertaire
- Mother Jones C’est autre chose qu’Oncle Sam !
- Nouvelles Hors Les Murs La réalité alternative grecque en français !
Archives
Tags
antimilitarisme berlin braunschweig bruno censure crise-de-2008-on-a-filé-tout-le-blé-aux-banques-sans-contrepartie-figure-toi croire DDR enfants expo fußball grèce habiter hannover homo kassel kollektiv leibniz manger manif mexique mur nager no logo non-violence no patriarchy paris parler partir penser police potes revenir rostock saarbrücken souterrain subversiv syrie train vénissieux wifi wittgenstein wolfenbüttel zik élections
Open Bach
Alban Gerhardt, star internationale qui parcourt des milliers de kilomètres autour du monde chaque année, donnait aujourd’hui un concert gratuit… au beau milieu de la gare centrale de Berlin. Il a joué toute la journée les suites pour violoncelle de Bach. Le raisonnement qui l’a conduit ici porte un nom : open access. Gerhardt fait remarquer que son salaire, ses voyages, sont financés par l’impôt de tou-tes, mais que seuls les 1 ou 2% qui peuvent payer une place d’opéra pour venir l’écouter en profitent. C’est selon ce même raisonnement que des chercheurs, des universitaires, exigent que leurs travaux de recherche soient diffusés librement, plutôt que via les revues ou les livres hors de prix de maisons d’éditions bien trop gourmandes.
Hasard ou pas, l’appel qui a fixé cette notion d’open access dans le domaine scientifique s’appelle… la Déclaration de Berlin.
“Vivre sera notre programme.”
Ca se confirme : je souffre d’hyper-émotivité politique. Entre 1789 et 1871, sur le long sentier qui nous emmène vers l’égalité politique, il y aussi 1848 comme moment-clé de l’histoire insurrectionnelle européenne. Une affiche m’apprend que le Kreuzberg Museum consacre une expo à ces événements qui survinrent cette année-là dans toute l’Europe, de Paris à Copenhague en passant par Berlin. Je me rue, hop. Attention, le titre du billet est anachronique, puisqu’il s’agit d’une formule de Liebknecht publiée dans Die rote Fahne en 1919 (apparemment le jour-même de son assassinat). Mais il reprenait dans ce même papier la formule de la chanson de Mars 1848, Trotz alledem und alledem (Envers et contre tout), donc il y a un lien, donc je me permets.
Petite et très jolie expo installée dans une sorte de grand container sur pilotis… dans le Volkspark Friedrichshain, c’est-à-dire à l’entrée même du cimetière où sont enterré-es la plupart des émeutières et émeutiers de 1848 — ainsi que de 1918. D’où grosse, grosse vague d’émotion qui monte quand on arrive sur les lieux. Un peu comme l’année dernière quand j’apportai mes trois petites tulipes au Zentralfriedhof de Friedrichsfelde. Certainement parce que mes penchants non-violents m’empêchent de trouver le moindre lyrisme ou le moindre romantisme dans toutes ces morts, si héroïques soient-elle. Et que j’ai conscience en même temps que tout ce que nous avons, ou plus exactement tout ce que nous sommes autorisé-es à être, vient de ces insurrections à chaque fois totalement improbables et qui pourtant ont lieu.
Le Bethanien : culture et potager
Voici donc le Bethanien, hôpital de diaconesses fermé en 1970 puis bientôt occupé par les habitants du quartier pour empêcher sa démolition.
Il abrite aujourd’hui un espace culturel, l’imprimerie super équipée d’une association professionnelle d’artistes-formateurs, une école de musique… et toujours donc le célèbre squat quadragénaire que je ne connaissais pas, le Rauch Haus, du nom de Georg von Rauch, activiste de la gauche radicale, emprisonné, évadé puis mort dans une fusillade avec la police à l’âge de 24 ans.
A l’arrière du bâtiment, on découvre le très joli potager du Rauch Haus. Des pancartes invitent à s’y promener. Et comme promis, ci-dessous les paroles de la chanson. Pas de la tarte car un peu argotique. Que les yeux germanophones qui passent par ici me taclent sans pitié. Amen.
Décodeur : Le Mariannenplatz c’est la place juste devant le Bethanien, facile, et c’est presque là que j’habite. Schmidt et Mosch sont des spéculateurs immobiliers qui “investissaient” dans Kreuzberg à l’époque des faits. D’après les gens du Rauch Haus, Mosch était également un champion de l’évasion fiscale. Axel Springer était un magnat de la presse particulièrement réactionnaire, et il est ici question d’un de ses canards aussi réac que lui.
Rauch Haus Song von/de Ton Steine Scherben, 1972 © Rio Reiser und R.P.S. Lanrue |
|
---|---|
Der Mariannenplatz war blau, soviel Bullen waren da,
und Mensch Meier mußte heulen, das war wohl das Tränengas.
Und er fragt irgendeinen: “Sag mal, ist hier heut ‘n Fest?”
“Sowas ähnliches”, sacht einer “das Bethanien wird besetzt.”
“Wird auch Zeit”, sachte Mensch Meier, stand ja lange genug leer.
Ach, wie schön wär doch das Leben, gäb es keine Pollis mehr.
Doch der Einsatzleiter brüllte: “Räumt den Mariannenplatz,
damit meine Knüppelgarde genug Platz zum Knüppeln hat!”
Doch die Leute im besetzen Haus riefen: “Ihr kriegt uns hier nicht raus! Das ist unser Haus, schmeißt doch erstmal Schmidt und Press und Mosch aus Kreuzberg raus.” Der Senator war stinksauer, die CDU war schwer empört, daß die Typen sich jetzt nehmen, was ihnen sowieso gehört. Aber um der Welt zu zeigen, wie großzügig sie sind, sachten sie: “Wir räumen später, lassen sie erstmal drin!” Und vier Monate später stand in Springer’s heißem Blatt, daß das Georg-von-Rauch-Haus eine Bombenwerkstatt hat. Und die deutlichen Beweise sind zehn leere Flaschen Wein und zehn leere Flaschen können schnell zehn Mollies sein. Doch die Leute im Rauch-Haus riefen: “Ihr kriegt uns hier nicht raus! Das ist unser Haus, schmeißt doch endlich Schmidt und Press und Mosch aus Kreuzberg raus.” Letzten Montag traf Mensch Meier in der U-Bahn seinen Sohn. Der sagte: “Die woll’n das Rauch-Haus räumen, ich muß wohl wieder zu Hause wohnen.” “Is ja irre”, sagt Mensch Meier “sind wa wieder einer mehr in uns’rer Zweiraum Zimmer Luxuswohnung und das Bethanien steht wieder leer. Sag mir eins, ha’m die da oben Stroh oder Scheiße in ihrem Kopf? Die wohnen in den schärfsten Villen, unsereins im letzten Loch. Wenn die das Rauch-Haus wirklich räumen, bin ich aber mit dabei und hau den ersten Bullen, die da auftauchen ihre Köppe ein. Und ich schrei’s laut: “Ihr kriegt uns hier nicht raus! Das ist unser Haus, schmeißt doch endlich Schmidt und Press und Mosch aus Kreuzberg raus.” 3x Und wir schreien’s laut: “Ihr kriegt uns hier nicht raus! Das ist unser Haus, schmeißt doch endlich Schmidt und Press und Mosch aus Kreuzberg raus.” |
Le Mariannenplatz était bleu tellement c’était blindé de flics
Le gars Meier pleurait, c’était probablement les lacrymo.
“Dis-moi, y a une fête ici aujourd’hui?” il demande à quelqu’un
“En quelque sorte” quelqu’un répond, “le Bethanien est occupé.”
“Il était temps” dit le gars Meier, “il est assez resté vide comme ça”
Ah, que la vie serait belle s’il n’y avait plus de Pollis.
Mais le chef hurla “Evacuez le Mariannenplatz,
Que mes matraqueurs aient assez de place pour matraquer ! “
Mais les gens dans l’immeuble occupé crièrent : “Vous ne nous sortirez pas d’ici! Ici c’est chez nous, commencez par virer Schmidt, la presse et Mosch de Kreuzberg!” Le sénateur était vert, la CDU grave indignée Que les gars récupèrent ce qui de toute façon leur appartient. Mais pour montrer au monde comme ils sont généreux, Ils murmurent : “On évacuera plus tard, laissez-les dedans pour le moment.” Et quatre mois plus tard dans le tabloïd super chaud de Springer on lit Que la Maison Georg von Rauch cache une fabrique de bombes. Les preuves formelles : dix bouteilles de vin vides Et dix bouteilles vides ça peut vite devenir dix cocktails Molotov Mais les gens dans le Rauch Haus crièrent : “Vous ne nous sortirez pas d’ici! Ici c’est chez nous, virez plutôt enfin Schmidt, la presse et Mosch de Kreuzberg!” Lundi dernier le gars Meier rencontre son fils dans le métro. Qui lui dit: “Ils veulent évacuer le Rauch Haus, Je vais devoir revenir habiter à la maison.” “Mais c’est débile” dit le gars Meier “On sera de nouveau un de plus dans notre luxueux 2 pièces et le Béthanien sera de nouveau vide. Dites-moi une chose les gens là-haut, c’est de la paille ou de la merde que vous avez dans votre tête ? Ils vivent dans les villas les plus classes, nous dans le dernier des trous. S’ils évacuent vraiment le Rauch Haus, J’en serai aussi et je tabasse le premier flic qui se pointe là-bas Et je le crie bien haut: “Vous ne nous sortirez pas d’ici! Ici c’est chez nous, virez plutôt enfin Schmidt, la presse et Mosch de Kreuzberg!” 3x Et nous crions bien haut: “Vous ne nous sortirez pas d’ici! Ici c’est chez nous, virez plutôt enfin Schmidt, la presse et Mosch de Kreuzberg!” |
Burqini et transition
Je vais encore vous assommer de chiffres, mais voilà : 22, c’est le nombre de degrés qu’on a perdus depuis mon arrivée il y a huit jours. La félicité, tout ça. Je décide donc que 7° c’est intolérable, que les semelles de mes pompes ont besoin d’une pause de toute façon, et je file à la piscine couverte et son eau garantie à 28°.
Mitigé, comme expérience.
Les piscines de Berlin sont confiées à un opérateur privé, comme on dit joliment, les Bad Betriebe Berlin, qui se présentent comme la plus grosse entreprise européenne en la matière. Je ne sais pas si c’est lié (non vraiment, je me demande) mais les prix ne sont franchement pas berlinois : 4€ pour une heure, 5€ pour deux heures, 6€ pour trois heures, etc. En plus, tu paies le sèchage de tes cheveux à la fin. Au bout de trois tours de sèche-cheveux je n’ai plus de petites pièces, je ressors les cheveux franchement humides –dans un dehors à moins de 10° donc. Dans ma pourtant chère ville de France, c’est 2,40€ l’entrée sans limite de temps et séchage offert. Quant à l’eau à 28, j’aurais tendance à dire mon œil, mais là-dessus je ne suis pas un critère parait-il.
Dans le hall d’entrée un petit écriteau précise que les horaires pour le port du burqini sont le lundi de 14h à 18h. Dans une rue à quelques mètres un mur dit :
Et dans une autre :
Non-centre-ville
Quand je dis que Berlin est très verte, il ne faut pas exagérer non plus : elle est aussi très bleue 🙂
Oui, on est toujours proche du centre-ville, même si “centre-ville” est un concept difficile à appliquer ici : d’une part Berlin est la réunion de plusieurs villages qui ont chacun leur centre, et d’autre part elle a été coupée en deux pendant plusieurs décennies, chaque moitié développant donc ses “centre-villes” loin du mur… dont le tracé se retrouve aujourd’hui de nouveau au centre.
L’utopie habite ici ↓
3,5 — 9 — 8,5 — 12,5 — 11,5… Ce ne sont pas les chiffres d’un énième sondage misérable. Ce sont les kilomètres que j’ai parcourus chaque jour depuis mon arrivée. Tu es à Berlin, das heisst : ne planifie rien, met tes grolles, et marche. Tu tomberas obligatoirement sur un truc incroyable, au moins. Hier par exemple, je voulais juste aller voir à quoi ressemble l’autre bout du Görlitzer Park (j’habite à un bout). Mais emportée par mon élan – j’étais sur ce chemin aussi – je me suis retrouvée 2km plus loin, dans Treptow, et je suis tombée sur le Wagendorf Lohmühle (le village de roulottes de la rue Lohmühle) : encore un squat/centre artistique en plein cœur de la ville, cette fois version mobil home grunge. Désobéissant à la pancarte, j’ai pris quelques photos (de l’entrée du lieu collectif et d’un panneau solaire seulement). Contrairement à d’autres squats qui ont la vie dure ou même se sont fait carrément expulser ces derniers mois, il semblerait que le Wagendorf soit plus que toléré, puisqu’il est même inclus dans le programme de la Nuit des Musées de Berlin.
Centre-ville et centre-gauche
Quand je dis centre-ville, je veux dire que les photos qui suivent ont été prises dans ce périmètre. Ce qui affole la petite française stressée qui arrive ici, c’est le nombre, l’étendue et la variété invraisemblables des espaces vraiment publics, en plus d’être verts : aménagés à minima, entièrement gratuits donc ouverts à tou-tes sans la barrière de l’argent. Cela se conjugue au véritable culte que vouent les Berlinois-es à l’Extérieur. Avec l’hiver monstrueux qu’illes se tapent – la félicité ça se paie un peu quand même – tout le monde est dehors en bermuda au moindre rayon de soleil. Et le plus petit tripot pose aussitôt une table et deux bancs sur son bout de trottoir.
C’est cela que les attaques spéculatives sur le foncier de ces dernières années grignotent peu à peu. Le gentil maire social-démocrate de Berlin s’est réjouit “que les loyers rejoignent enfin les niveaux moyens des grandes métropoles européennes“. Bon d’accord, il est de gauche, mais il ne va quand même pas placer sa fierté politique n’importe où, dans des indicateurs de bien-être social ou de réduction des inégalités ou ce genre de truc. Non : le PIB, le nombre de touristes, et le niveau enfin élevé des loyers. Eh, les socio-démocrates : ça vous intéresse de devenir un peu sociaux et démocrates, ou vraiment définitivement pas du tout ?
Bon sur ce, les photos.