J’ai donc reçu mon nouveau stagiaire aujourd’hui.
Et le moins que je puisse en dire, c’est qu’il n’était absolument pas motivé.
Bon, c’est pas forcément étonnant, d’ailleurs je le sentais un peu comme ça. À tel point que je lui avais d’entrée de jeu demandé si cet aspect précis de la profession l’intéressait, histoire de savoir un peu à qui j’avais affaire et donc à quel point je devais m’investir dans des explications poussées et l’initiation à certains des arcanes du métier.
Sa réponse avait été négative, mais je m’imaginais, naïvement sans doute, qu’il serait un peu plus investi dans son stage : après tout, moi aussi à son âge je n’aurais pas été intéressé professionnellement, mais par contre, sur le plan de ma culture générale, j’aurais voulu découvrir pas mal de choses.
Évidemment, vous allez me dire aussi qu’un jeune, débarquant brusquement dans une équipe de professionnels en fonctionnement au sein de laquelle il ne connait personne, et peut-être quelque peu timide, il lui faut un temps d’adaptation pour trouver ses marques, se décoincer, temps supérieur à la brève durée pendant laquelle il a été présent.
Peut-être. Surtout quand on tombe en face de soi sur quelqu’un de peu loquace.
Mais ça n’explique pas tout.
Si on fait le bilan : prévu a priori pour une journée de stage (point qui n’a jamais été éclairci : au téléphone la semaine dernière, il m’avait donc annoncé une journée, ce matin il m’a parlé de trois demi-journées, et au moment de faire les paperasses, c’était devenu deux demi-journées), il est arrivé un quart d’heure en avance (un bon point, d’une certaine façon), mais n’est resté en tout et pour tout que quatre heures.
Après l’avoir équipé, nous avons fait le tour de l’usine, puis je l’ai emmené sur le poste avec moi, où il a passé pas mal de temps à bailler… Nous avons bien essayé de lui faire faire deux trois trucs, mais déjà pour un débutant motivé, ce n’est pas forcément évident, alors un débutant non motivé, bonjour.
(il a quand même eu le temps de me faire une connerie impressionnante…)
Il a posé très peu de questions, dont certaines surprenantes de la part d’un étudiant qui sortira de l’école l’année prochaine. Des choses qui pour moi sont des fondamentaux de la formation théorique… Je n’ai pas l’impression qu’à sa place, j’aurais été (ou disons peut-être à sa décharge, »donné l’impression d’être ») aussi naïf.
Après la pause du milieu de la matinée, il est resté l’essentiel de son temps dans le bureau, à essayer de se faire envoyer sa convention de stage par son école.
Convention sur laquelle le nom de l’enseignant parrain de stage n’apparaissait pas.
Et comme je m’en étonnais, le stagiaire m’a répondu que ce n’était pas défini encore, que ça le serait après le stage.
Une affirmation qui m’a paru des plus fumeuses : « de mon temps » (dans une autre École, certes), nous avions un parrain de stage, qui pilotait tous nos stages d’un bout à l’autre de la scolarité, et c’était défini avant le premier stage…
Et à midi, il nous a déclaré qu’il s’en allait.
Bref, ce fut un stage touristique, un peu comme une visite d’usine dans un cadre scolaire, où on est souvent plus intéressé par le fait d’aller se promener hors de la classe que par ce qu’on a à nous montrer.
Pas mal, le stage…
Je me demande si, conformément à ce qui est stipulé sur la convention de stage, je vais avoir une fiche d’évaluation à remplir.
Et plus encore, ce que je vais mettre dessus.
Mais j’espère que mes éventuels futurs stagiaires (que j’espère nombreux, car jusqu’à présent, encadrer des stagiaires avait toujours été une expérience intéressante pour chacune des deux parties) seront plus motivés.
Car ce qui s’est passé ce matin a quelque peu refroidi mon principe qui est de toujours accepter de former des jeunes. Si c’est pour faire de la garderie, ça ne m’intéresse pas.
Et accessoirement, j’aurais bien aimé que l’école, au lieu de nous balancer un étudiant comme ça sans aucune directive, nous explique un peu mieux quel est le but du stage et quel a été le contenu de l’enseignement reçu dans ce domaine particulier (car je savais qu’il y avait des différences entre les Écoles et que « chez nous », la formation était plus solide qu’ailleurs, mais aujourd’hui, j’ai vraiment eu l’impression qu’il y avait un fossé).
Et ça, j’ai bien l’intention de le faire apparaître quelque part sur une éventuelle fiche d’évaluation de stage.