Compte-rendu d’une partie basée sur l’Adventure 10 : Safari Ship pour Classic Traveller.
De retour à la base du SIEI de Flammarion (Marches Directes / Mondes des Épées 0930), Alain Quiet et Camille Gallimar ont rééquipé et fait remettre à neuf le Perché au Sec, leur nouveau vaisseau. Ayant dû dépenser des sommes importantes pour se procurer divers matériels, ils s’inquiètent pour l’état de leurs finances. Mais le 132-1105, peu de temps avant qu’ils ne reprennent l’espace, Bresarden Shijun, l’un des responsables de la base, leur propose, puisqu’ils n’ont pour l’instant aucun travail en vue, de les mettre en relations avec l’un de ses vieux amis, Kafla Thingvellir, un homme d’affaires qui souhaite monter une expédition dans le District 268.
Thingvellir donne rendez-vous aux deux amis dans un bon restaurant situé à proximité du spatioport bas de Flammarion. Après s’être présenté (âgé de quarante-cinq à cinquante ans, il est le directeur de Stérilon, une entreprise moraine commercialisant du matériel médical) et avoir plaisamment devisé de choses et d’autres, il finit par entrer dans le vif du sujet : il a besoin d’un vaisseau et de quelques personnes pour une expédition vers 567-908 (Marches Directes / District 268 1031), une planète inhabitée située un peu au-delà de la frontière impériale.
Thingvellir est membre de la SIREN (Société Impériale de Recherches et d’Études Nouvelles), une société savante affiliée à l’Université Impériale de Mora. Passionné d’histoire naturelle, son rêve est de passer à la postérité en donnant son nom à une espèce animale dont il serait le découvreur ; mais contrairement à d’autres sociétaires de la SIREN, il ne veut pas se contenter de n’importe quel petit invertébré mineur : il faut que l’espèce à laquelle il donnera son nom sorte suffisamment de l’ordinaire pour marquer l’imaginaire du grand public. Et il pense avoir trouvé sur quel animal jeter son dévolu…
En effet, lors d’une conversation avec un commercial avec lequel il venait de conclure une affaire, ce dernier, un certain Amilcar Comblanc, lui a raconté que le vaisseau à bord duquel il se trouvait avait dû relâcher sur 567-908 suite à une avarie. Pendant que l’équipage s’affairait aux réparations (qui durèrent plus d’un mois), il parcourut la planète sans but précis, et dans une vallée au milieu de hautes montagnes, il « découvrit » une créature qu’il décrivit à Thingvellir comme étant une sorte de lézard-araignée à huit pattes et à ailes chatoyantes, long d’environ deux mètres. L’imagination de l’homme d’affaires s’enflamma devant les détails fournis, et il décida d’être le découvreur officiel de l’animal.
Il monta donc une expédition, dont les membres devaient se retrouver à Flammarion ; mais ses compagnons, ainsi que leur vaisseau, l’Irbis Bondissant, sont très en retard, il est sans nouvelle de leur éventuelle arrivée, et le temps commence à presser, car il compte regagner Mora avant le 005-1106, afin de pouvoir présenter sa découverte au prochain congrès annuel de la SIREN (il lui faudrait pour cela être de retour à Flammarion avant le 263-1105, date à laquelle il embarquera sur un paquebot long-courrier à destination de Mora, à bord duquel il a déjà réservé sa place). C’est pourquoi il fait appel aux deux anciens éclaireurs, auxquels il propose des émoluments conséquents : 4000 Crédits par personne et par mois, et une prime si la mission est un succès. Alain négocie en plus le paiement des frais personnels de l’homme d’affaires (nourriture, systèmes vitaux et autres), le paiement en totalité de tout mois commencé, et une clause selon laquelle il s’engage à couvrir les dépenses occasionnées par tout accident dont il serait responsable. Les deux parties étant tombées d’accord sur les termes du contrat, l’expédition peut partir dès le lendemain matin, une fois Thingvellir et son matériel de safari chargés à bord et le plan de vol transmis aux autorités spatioportuaires.
Après un saut sans encombre, Perché au Sec arrive dans le système de 567-908, situé à deux parsecs de Flammarion. Seuls trois planètes telluriques et un grand nombre de petits astres orbitent autour de l’étoile double : il n’y a en particulier pas de géante gazeuse qui permettrait de ravitailler en hydrogène. Alain met donc le cap sur la deuxième planète du système, 567-908, dont Camille prend une série de clichés depuis l’orbite, avant de descendre vers la surface où le pilote procède tout d’abord au remplissage des réservoirs du vaisseau dans l’unique océan. Puis il se pose au spatioport, qui n’est rien d’autre qu’une simple étendue rocheuse à peu près plate sur laquelle a été implantée une balise automatique et son antenne de plusieurs mètres de hauteur. L’enregistrement du passage des vaisseaux est laissé à la bonne volonté de leurs équipages, et Alain procède à l’opération. Il en profite pour constater que seule une douzaine de vaisseaux a relâché sur place depuis le début du siècle, dont l’Odyssée d’Homère, le vaisseau à bord duquel voyageait Comblanc, qui est resté sur la planète de 040-1102 à 072-1102. Aucune émission autre que celle de la balise automatique n’est captée par les instruments du bord.
N’ayant aucune indication sur la localisation précise de la vallée aux lézards-araignées, autre que le fait qu’elle se trouvait au cœur de montagnes, l’expédition décide de procéder un peu au hasard, se posant dans une vallée quelconque puis la sillonnant à bord de l’aéromobile du bord (ce véhicule étant décapotable, et donc non pressurisé, la prise des repas pose quelques problèmes à nos amis, qui doivent porter des respirateurs en raison de l’atmosphère locale, ténue), avant d’aller voir une autre vallée, ailleurs sur la planète.
Au fil de leurs errances, ils observent une riche faune et flore indigène, la plupart des animaux possédant quatre paires de membres ; mais le fameux lézard-araignée à ailes chatoyantes reste introuvable.
Par contre, dans plusieurs vallées explorées, nos amis découvrent de mystérieuses voies pavées en pierres, larges d’une douzaine de mètres et s’étendant sur plusieurs dizaines de kilomètres, avec des élargissements circulaires tous les dix-sept kilomètres environ : ceci semblerait indiquer qu’une civilisation pensante a occupé la planète il y a longtemps, mais c’est le seul vestige que l’expédition découvre.
Alors que, les jours passant, le moral de Kafla Thingvellir descend de plus en plus profondément dans ses chaussettes, et que ses compagnons doutent de plus en plus de l’existence réelle de l’animal fabuleux, nos amis remarquent une étrange bête ressemblant quelque peu à une taupe géante à huit pattes et trois paires d’yeux, dans la fourrure de laquelle Alain croit voir un harnais. Camille tente de la suivre, mais elle pénètre dans des buissons et s’enfouit dans un terrier.
Le lendemain, les personnages découvrent un groupe de ces créatures, montées sur trois paires d’échasses, qu’ils parviennent à suivre jusqu’à un village troglodytique situé plus bas dans la vallée. Il s’agit donc manifestement d’une espèce intelligente (ce qui sera vite confirmé par leur maîtrise de domaines variés allant des mathématiques à l’astronomie, en passant par la métallurgie et l’agriculture). Alain et Camille parviennent à établir le contact, en échangeant quelques objets, puis en tentant de communiquer au moyen de dessins tracés sur le sol. Leur montrant un dessin de Thingvellir représentant ce à quoi devrait selon lui ressembler les lézards-araignées, ils acquièrent la conviction qu’ils connaissent ces animaux lorsque leur « interlocuteur » (monté sur des échasses comme environ les deux tiers de la population du village) leur en dessine un spécimen sur une roche avec des pigments en poudre. Ils s’évertuent alors à tenter de faire comprendre aux indigènes, qu’ils ont surnommés les Tactiles en raison de leur habitude de se tripoter mutuellement les bras pour communiquer (les communications à distance se faisant par contre au moyen de cris très aigus modulés, pouvant porter très loin), qu’ils souhaitent savoir où les trouver ; mais la communication dessinée (et même écrite, les autochtones semblant maîtriser ce mode de communication) s’avère difficile et peu fructueuse, les deux espèces semblent incapables de reproduire les sons émis par leurs interlocuteurs, et les tentatives du Tactile pour échanger en palpant le bras de Camille n’aboutissent à rien.
Après une journée passée à tenter de se comprendre mutuellement, humains et Tactiles se séparent sans avoir beaucoup progressé. Une fois de retour à bord de Perché au Sec, Camille programme l’ordinateur de bord pour lui faire analyser les enregistrements audio et vidéo des échanges. Les personnages peuvent ainsi identifier un certain nombre de mots et commencer à « parler » aux autochtones en émettant des sons (dont une partie dans le domaine des ultrasons) via leurs ordinateurs personnels reliés à celui du vaisseau (qu’ils ont rapproché), mais si les noms de choses sont relativement faciles à « apprendre » (au moins pour l’ordinateur), il n’en va pas de même pour les verbes, ni pour les notions abstraites.
À force de mimes et de gestes, Alain et Camille tentent d’expliquer à leurs interlocuteurs (dont le principal est celui qui leur avait dessiné le lézard-araignée la veille) qu’ils souhaitent attraper un de ces animaux. Mais leur « déclaration » déclenche une grande effervescence parmi les Tactiles, et après avoir été abondamment palpés par la foule et harangués par un Tactile monté sur des échasses, ils se laissent entraîner par celui-ci parmi un groupe nombreux qui se rend d’abord dans un autre village situé à une dizaine de kilomètres de là, puis, leur nombre renforcé par des habitants de chaque village traversé, vers une vallée voisine, où tout ce monde pénètre dans une ville dans laquelle nos deux amis sont entraînés vers une sorte de ziggourat entourée d’un mur d’enceinte. Là, ils sont « présentés » à un Tactile sur échasses, qui semble être un haut dignitaire religieux, mais la communication inter-spécifique reste infructueuse. Après avoir passé la nuit dans la ville et assisté au départ d’une imposante procession de couples, nos amis décident de retourner au Perché au Sec où ils ont laissé leur commanditaire inquiet.
Persuadés que la clé du succès de l’expédition réside dans l’établissement d’une communication efficace avec les Tactiles, les deux anciens éclaireurs passent des jours à tenter de se faire comprendre de celui (qu’ils finissent par surnommer Bob) qui leur avait dessiné un lézard-araignée. Aidés par l’ordinateur de bord et grâce aux efforts de Bob, qui semble doté d’une intelligence remarquable, ils finissent par réussir à communiquer oralement ; mais les échanges restent limités à des phrases en petit nègre…
Alain et Camille réalisent ainsi que les Tactiles sont persuadés que les deux voyageurs leur ont expliqué qu’ils avaient capturé un lézard-araignée. Apprennant que ce n’est pas le cas, Bob semble profondément ennuyé : de ce que nos amis parviennent à comprendre, ces animaux ne vivent que dans un seul endroit, la Vallée-Mémoire, accessible uniquement par la Route-Mémoire, un itinéraire d’environ deux mille kilomètres, impraticable depuis plusieurs années suite à un séisme ayant provoqué l’écroulement d’un pont franchissant un gouffre. Cette Vallée-Mémoire est le lieu où les couples se rendaient rituellement pour perpétuer l’espèce, et les Tactiles ont cru que les personnages en avaient rouvert la route… D’où la « procession » au départ de laquelle ils avaient assisté.
Prenant Bob à leur bord pour faire office de guide, ils se rendent jusqu’à la Vallée-Mémoire, promettant au Tactile de réparer le pont. Après avoir exploré quelques temps la vallée, ils découvrent enfin un lézard-araignée, dont les ailes chatoyantes ne sont en fait que des crêtes dorsales brillamment colorées ne lui permettant assurément pas de voler. L’animal chasse à l’affût, sécrétant une substance collante qu’il étale sur le sol autour de l’endroit où il est embusqué, dissimulé sous des débris végétaux : lorsque sa proie, collée, tente de se dégager, il bondit sur elle et s’en empare. Kafla Thingvellir et Alain capturent donc un animal ressemblant à un petit kangourou à huit pattes et sans queue, sautant sur sa troisième paire de membres, et l’utilisent comme appât pour faire pénétrer le lézard-araignée dans une nasse où ils parviennent à l’enfermer.
L’animal capturé et placé dans la soute de Perché au Sec, nos amis se rendent à l’emplacement du pont effondré. Camille décide de réaliser un pont suspendu, au moyen de filins et de rondins de bois obtenus en abattant quelques arbres dans une forêt proche. Après s’être assurés que leur ouvrage pouvait supporter le poids de l’aéromobile (de l’ordre d’1,6 tonne à vide), les personnages retournent dans la Vallée-Mémoire, où Thingvellir veut observer le comportement de sa « découverte » dans son milieu naturel, et capturer de quoi nourrir son spécimen jusqu’à son retour à Mora. Camille souhaitant assister au franchissement de son pont par le cortège des Tactiles, le vaisseau fait des allers-retours quotidiens vers le gouffre ; mais la procession n’arrive toujours pas.
Remontant la Route-Mémoire, nos amis finissent par découvrir les Tactiles (du moins les survivants, le voyage s’avérant fatal pour les plus faibles ou les moins bien préparés d’entre eux) bloqués devant un tunnel dont la voute s’est effondrée. Plutôt que de dégager l’obstacle, ils choisissent de repérer un itinéraire de contournement. Remontant ensuite la route, ils se rendent compte qu’elle est encore coupée par un éboulement. Camille improvise une lame qu’il fixe à l’avant de l’aéromobile, et Alain dégage le passage en utilisant le véhicule à la manière d’un bulldozer.
Continuant à explorer la Vallée-Mémoire, nos amis découvrent de curieuses pierres opalines, que Kafla Thingvellir identifie comme étant des gemmes de Denuli, des pierres semi-précieuses d’origine inconnue, dont seule une petite quantité existe, ce qui fait qu’elles atteignent des prix très élevés. Bob leur ayant expliqué qu’il s’agit d’œufs de Tactiles non fécondés, contenant des âmes attendant de pouvoir se réincarner dans de nouveaux œufs, Alain et Camille refusent la proposition de leur commanditaire d’en récolter pour les revendre dans l’Imperium, passant ainsi à côté d’une fortune certaine.
La procession finit par atteindre le pont, et le traverse sans encombre sous les yeux attentifs de son bâtisseur. Lorsqu’elle atteint enfin la Vallée-Mémoire, Kafla Thingvellir ayant pour sa part recueilli toutes les observations désirées sur « son » animal, nos amis ramènent Bob dans son village, retournent au spatioport pour y enregistrer leur départ, et reprennent l’espace en direction de Flammarion, où ils reviennent sans encombre le 243-1105 avec un imposant rapport sur 567-908 pour le SIEI, et où leur commanditaire satisfait leur paie la coquette somme de dix-huit mille Crédits chacun.