Le Sword Worlds version Mongoose, pour Rikki-Tikki-Traveller (RTT), est donc une vaste fumisterie. Et pas seulement pasqu’il est moche, presque pas illustré, mal maquetté et pas relu (comme c’est hélas devenu presque une habitude chez Mongoose).
Je ne vais pas vous faire ici une liste des griefs que j’ai contre cette… chose. Juste en énoncer quelques-uns, pour vous montrer à quel point l’ouvrage est lamentable, non seulement pour le vieux routard de Traveller qui va râler pasque tel ou tel détail mineur n’est pas conforme avec sa propre conception de l’OTU, qu’il croit orthodoxe mais qui est en fait biaisée par les décennies de pratique, mais aussi pour le néophyte dépourvu d’a priori.
Par où commencer ? Je crois que je vais vous déballer ça en vrac, vous trierez si nécessaire.
– la forme : expédions la rapidement, ce n’est pas ce qui m’importe dans un bouquin de JdR. La couv’ est moche mais c’est le cas de beaucoup de manuels dans ma ludothèque, il n’y a qu’une poignée d’illustrations, moches elles aussi (dont l’une a probablement été réalisée pour un supplément sur les vikings, et une autre pour le même supplément, mais on a rajouté des flingues aux personnages représentés), il y a une erreur de maquette qui dégueulasse l’aspect d’une des pages…
On s’en fout, depuis le temps on a l’habitude avec Mongoose, l’important c’est le fond.
– entre la forme et le fond, l’index : ah tiens, ils se remettent à faire des index dans les suppléments RTT. Mais quel est l’intérêt d’indiquer dans un index la page où est mentionné le nom de la proofreader (merci, pour ça je savais que c’était sur la première page qu’il fallait regarder, c’est là que sont les credits ; et puis, vu la qualité du proofreading, ou plutôt sa déplorable qualité, je serais elle, j’éviterais de la ramener) ? Quel est l’intérêt de renvoyer le lecteur à la recherche de plans de vaisseaux spatiaux à la même page de credits, où la seule chose qu’il trouvera sur le sujet est le nom du type qui les a réalisés ? Quelle est la logique qui a présidé au choix des entrées figurant dans cet index, qui donne le sentiment qu’on y retrouve pour l’essentiel des titres de sous-chapitres, parfois tels quels (Using This Book ; Why the Sword Worlds?) ? Pourquoi avoir trois entrées différentes pour Events et autant pour Mustering-Out Benefits, alors qu’elles auraient pu à chaque fois être rassemblées en une seule ? Pourquoi aussi avoir, pour douze des vingt-quatre Mondes-Épées, deux entrées dans l’index, l’une avec l’UWP du monde et l’autre sans ? Pourquoi tout cela, si ce n’est pour montrer facilement au lecteur qui feuillette l’ouvrage (ou utilise l’index) à quel point cet index est mal fait, et augure mal du soin apporté au reste de l’ouvrage ?
Mais je vois que vous ne me croyez pas complètement encore, alors allons y pour quelques griefs sur le fond.
– d’abord, il est flagrant pour le vieux travellerien que ce machin repompe allègrement le supplément homonyme de la gamme GURPS Traveller, sans pour autant avoir la décence d’en mentionner les auteurs dans ses credits. Et c’est encore plus flagrant quand on compare les deux ouvrages : la moitié du bouquin au bas mot est constituée de reprises ou de paraphrases du supplément GT, qui reste nettement plus complet (et bien mieux fait).
Mais j’admets que ce reproche ne concerne que les vieux routards ayant accès aux sources antérieures, pas les petits nouveaux ni ceux qui auraient simplement raté le supplément GT ; supplément qui est malheureusement épuisé, mais pas encore disponible sur e23.
– mais même pour le néophyte, l’ouvrage est partiellement inutilisable.
En effet, tout occupé qu’il était à plagier le supplément GT, l’auteur a oublié que ce dernier décrivait la situation en 1120 du GTU (GURPS Traveller Universe), quand Rikki-Tikki-Traveller prétend situer la sienne en 1105 de l’OTU. Alors pour le sujet présent, la distinction OTU / GTU n’a pas grande influence. Par contre, entre 1105 et 1120, il y a des différences fondamentales : une guerre est passée par là, les frontières ont changé, un nouvel État a été créé…
Bien sûr, tout ça n’est pas expliqué dans le présent ouvrage. On nous laisse juste entendre que la guerre couve et pourrait éclater prochainement. MAIS selon les passages, ce qui est décrit correspond à 1105 ou à 1120, avant ou après ladite guerre. Je mets au défi quiconque ne connaissant rien du conflit et de ses conséquences de démêler l’écheveau et de comprendre ce qui est décrit.
Ce qui signifie que ce supplément n’est accessible qu’aux vieux travelleriens connaissant leur sujet (et le connaissant bien, car certains passages mélangent allègrement situation avant guerre et après guerre, voire pendant) ; soit ceux-là même qui ont déjà le bouquin GT. Que ceux d’entre-eux qui me lisent sachent qu’ils peuvent en rester à la version GT, à moins d’être collectionneurs (ou de ne pas me croire sur parole…). Les néophytes auraient besoin d’un errata abondant, ou d’une édition revue et sérieusement corrigée.
Je vous passe la référence à un lieu décrit dans la version GT, mais absent de la version RTT (sauf erreur de ma part, mais j’ai cherché deux fois) : le Reikistjamahalle, qui est au cœur d’une des idées de scénarios proposées ici…
– bon, mais alors, les vieux grognards, une fois passée leur crise d’apoplexie devant le pillage éhonté du supplément GT, n’auront ils plus rien à reprocher au nouveau Sword Worlds ?
Eh bien si, évidemment.
Car le bouquin n’est pas exempt d’erreurs par rapport au canon, la première me venant à l’esprit étant cette affirmation selon laquelle les miniphants ont été découverts sur Gram, alors que ce sont les premiers colons qui les y ont introduits, car ce sont de purs produits du génie génétique terrien…
– et pour la bonne bouche, j’ai gardé un détail qui montre que la maîtrise de la langue anglaise par le plagieur laisse à désirer.
Sans doute sous l’influence de Hans Rancke-Madsen, l’un des trois coauteurs, qui est danois, le supplément GT employait de nombreux termes à consonance scandinave. Le supplément RTT reprend ces termes, en expliquant aux lecteurs anglophones comment les prononcer (ce qui est plutôt une bonne idée). Là où les choses se corsent, c’est pour Broedsaed Mange, où on nous explique, non seulement comment prononcer broedsaed, mais aussi comment prononcer mange : mahng-eh.
Oui mais.
Il s’agit du nom d’une maladie, et « mange » ici n’est pas du sagamaal (la langue des Mondes-Épées), mais bien du bête anglais, qui en français se traduit par gale. Et se prononce donc tout bêtement à l’anglaise : quelque chose comme méindj’ dans une graphie « à la française ».
Bref, ce bouquin est irrémédiablement mauvais.
EDIT :
J’allais oublier une autre cerise sur le gâteau : les valeurs chiffrées sont pour la plupart repompées sur la version GT. Mais comme les diamètres planétaires par exemple y étaient exprimés en miles, alors qu’ils le sont ici en kilomètres, toutes les planètes ont subi un régime amaigrissant qui a divisé leur diamètre par 1,609 environ…
N’en jetons plus, ça suffira comme ça.