Je viens d’aller jeter un œil de plus près à la page du kickstarter du Guide to Glorantha.
Tout ceci était bien alléchant, malgré le fait que je ne remettrai probablement JAMAIS les pieds (virtuels) dans cet univers, jusqu’à ce que j’en regarde les tarifs.
Pour avoir la version bouquin du guide et de l’atlas qui l’accompagne, il faut cracher au minimum 100 dollars (+ 20 dollars de port hors des États-Unis). Autant dire qu’à ce prix là, ce n’est absolument pas un public de joueurs qui est visé, mais le marché des collectionneurs gloranthomanes (sans doute en bonne partie constitué de joueurs, certes). Car à un tel tarif, pas question d’acheter ce bouquin par simple curiosité ou pour faire quelques parties.
On est sans doute en train d’assister là à la transformation du JdR d’un loisir ludique financièrement accessible aux masses (ce qu’il était quand j’ai débuté il y a pas loin de trente ans) à un loisir plus ou moins artistique réservé à des gens suffisamment riches. Car je crains fort que d’autres éditeurs suivent le même modèle et contribuent ainsi au relèvement général des prix des bouquins de JdR. Cette tendance se dessinait déjà avec par exemple les éditions dites collector de certains suppléments Ketulu chez Sans-Détour (voire il y a plus longtemps encore, avec la double édition du Monde des ténèbres : France chez Ludis), mais dans ces cas là au moins, une édition « normale » moins chère existait en parallèle ; ce qui n’est pas le cas ici.
Et après, les vieux pratiquants monomaniaques d’un seul contexte de jeu (on parlait de Glorantha, mais ça pourrait venir pour Tékumel ou d’autres) se plaindront encore plus du manque de renouvellement de leurs effectifs…
(ne venez pas me faire dire ce que je n’ai pas écrit : peut-être que la paire de bouquins vaut bien les cent dollars plus les frais auxquels elle est vendue. Mais peut-être aussi qu’il aurait été possible de produire quelque chose de moins classieux mais meilleur marché)
On peut renverser le problème et dire que s’ils en sont là, c’est parce que, après des années passées à publier des bouquins denses et compétitifs (disons en gros les années 2000, avec des choses comme « Thunder Rebels », « Imperial Lunar Handbook » ou « Blood over gold », sans parler de toute une production « amateur » / prozinesque souvent de grande qualité et abordable), les « masses » n’ont pas été au rendez-vous. Donc changement de tactique: Glorantha est un micro-marché de fans / spécialistes, c’est noté et nous allons adopter le comportement ad hoc. Ce n’est pas si rare dans le monde de l’édition, tout de même (cf. le segment des « beaux livres », je pense par exemple là tout de suite à l’énorme anthologie consacrée aux 75 ans de DC comics vendue 150 euros).
Ceci étant dit, je pense qu’ils étaient modérément optimistes au lancement de la campagne, la semaine dernière. Ils sont surpris de leur succès. « S’ils avaient su », je crois qu’ils seraient partis sur des prix un peu inférieurs.
N.B. 1 Les frais de port sont en effet assez élevés; ceci dit, il faut voir le poids du bouquin (et de l’atlas avec), dont les dimensions sont plus importantes qu’un livre standard.
N.B. 2 Personnellement, je me moque éperdument du manque de renouvellement des effectifs gloranthiens. C’est peut-être et sans doute une préoccupation d’éditeur, mais en tant que joueur ça ne m’empêche vraiment pas de dormir.