Scénario pour Planescape.
Ce scénario med-fan’ interplanaire, destiné à des personnages de niveau moyen à élevé, exploite le principe des différents plans d’existence d’AD&D, tels qu’ils sont décrits dans le Manual of the Planes et développés dans la gamme Planescape.
Les références GAP renvoient aux pages correspondantes du supplément A Guide to the Astral Plane, MP à celles du Manual of the Planes, PC au Book of Chaos dans la boîte Planes of Chaos.
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin…
Les personnages sont sur le plan matériel primaire. Ils ont atteint une certaine puissance, mais ne doivent pas avoir de moyen de circuler entre les plans.
Ils se trouvent actuellement au sein d’une petite communauté qui présente une certaine importance pour eux et vis-à-vis de la sécurité de laquelle ils peuvent se sentir un peu responsables : un petit village dans lequel ils viennent souvent se reposer et se ressourcer entre deux aventures, par exemple. Le scénario part du principe que les aventuriers n’abandonneront pas cette communauté plongée dans une situation dangereuse. Évidemment, la décision finale dans ce genre de choses restant toujours du ressort des joueurs eux-mêmes, il n’est pas impossible qu’ils choisissent d’agir autrement et imposent au MJ de revoir de fond en comble ses plans…
Autant en emporte le vent astral
La journée promettait d’être belle, quand soudain le vent se met à souffler, mais pas d’une façon habituelle : les personnages ont l’impression de se trouver à l’intérieur d’un tourbillon. Non, ce n’est pas ça : c’est comme si le vent soufflait tout en restant immobile ! Une sensation particulière et difficile à expliquer… Les oiseaux dans les arbres se sont tus et/ou envolés au loin, les poules caquettent avec agitation et des chiens se mettent à hurler à la mort. Le vent s’intensifie, des mottes de terre et des touffes d’herbe sont décollées du sol et s’envolent vers le haut, avec de petits objets non fixés. Un cheval pousse un hennissement terrorisé, puis dans un grand bruit de succion rappelant en énormément amplifié celui que fait une botte qu’on arrache à la vase, la zone dans laquelle se trouvent les aventuriers est à son tour arrachée d’un bloc, se met à tournoyer en prenant rapidement de l’altitude tout en se fragmentant en plusieurs morceaux, et, dans un bruit assourdissant d’évier qui se vide, l’air devient gris et cotonneux, le tourbillon s’apaise rapidement, une pluie de terre boueuse et de graviers retombe, et tout se calme : les personnages, bien qu’ils l’ignorent, viennent d’assister à la formation d’une conduite astrale (astral conduit) mettant en communication le plan matériel primaire et l’un des plans extérieurs. Mais, conséquence du phénomène, l’endroit où ils se trouvaient a été aspiré dans le plan astral…
Tout s’est déroulé trop soudainement pour que les personnages puissent échapper au phénomène en s’enfuyant, même grâce à des moyens magiques (au besoin, coupez dans votre description pour accélérer les choses).
Comme le sol de la zone ainsi transportée a été arraché d’une pièce (même s’il s’est cassé en plusieurs gros morceaux pendant le phénomène), tout a été emporté : bâtiments, arbres, cours et jardins, animaux et personnes ; et la masse de l’ensemble permet à une gravité (plus faible que la normale) de se maintenir. Ceci mis à part, les conditions qui règnent ici sont celles que l’on trouve dans tout le plan astral.
Alors que les personnages (et les PNJ autour d’eux) cherchent à comprendre ce qui vient de se passer et commencent à découvrir les particularités physiques de leur nouvel environnement, un premier problème se pose et doit être résolu rapidement : la zone aspirée dans l’astral s’étant cassée en plusieurs morceaux lors du phénomène, ses différentes parties commencent à s’écarter les unes des autres en dérivant doucement. Pour l’instant, il est encore possible de passer facilement des unes aux autres, mais elles s’éloignent à vue d’œil (et plus la distance croît, plus le phénomène s’accélère). Si l’on veut éviter que la petite communauté se retrouve irrémédiablement divisée, il faut, soit faire passer tout le monde sur le même morceau (qui en deviendra surpeuplé !), soit amarrer les morceaux les uns aux autres avec les moyens du bord (cordes, chaînes, étayements rapidement réalisés, etc…). Le MJ pourra s’inspirer de ce qui avait été réalisé par les habitants de la Ville avalée (The Swallowed City, GAP pp 92/93), tout en gardant à l’esprit qu’ici, ce ne sont pas des bâtiments séparés, mais des étendues (« îles ») portant chacune plusieurs bâtiments.
Dans le Vide Argenté
Une fois tout le monde solidement arrimé, les personnages et leurs compagnons peuvent faire le point sur leur situation. Ils devraient assez vite comprendre, sinon ce qui s’est passé, du moins où ils se trouvent désormais : ils sont sur une île dans le plan astral, et sans moyen de retourner sur le plan matériel primaire.
Dans cette phase du scénario, les naufragés vont pouvoir expérimenter les particularités du plan astral, entre autres en explorant les environs de leur île afin de s’assurer qu’ils ne renferment pas un danger particulier (tout le monde ou presque a entendu parler des terribles githyanki qui ravagent ce plan, ainsi que de nombreux autres risques, dont certains ne sont que des contes pour faire peur aux enfants et aux aventuriers crédules), tandis qu’un sentiment grandissant de désespoir envahit la communauté. Ces lamentations n’étant pas productives, les personnages devraient prendre les choses en main et organiser le village dans un objectif de survie sur le long terme.
Fort heureusement, sur le plan astral nourriture et boisson ne posent pas de problème, du fait de la lenteur de l’écoulement du temps subjectif. Mais il faut occuper les gens pour qu’ils ne se mettent pas à gamberger, et mettre sur pied la défense de l’île. Pour cela, les personnages, habitués à réfléchir en fonction des conditions qui règnent sur le plan matériel primaire, vont devoir s’adapter à un environnement où le danger peut aussi surgir d’en haut ou d’en bas…
Trois couleurs
En explorant les environs de l’île, les aventuriers vont découvrir trois mares colorées (color pools) situées à proximité immédiate les unes des autres et vraiment proches de leur village (elles n’en sont pas visibles car leur face colorée est tournée à l’opposé). Malheureusement, il ne parait guère envisageable de les utiliser pour quitter le plan astral, puisqu’en regardant dans chacune d’elles, on constate qu’elles débouchent dans des endroits encore pires (toutes les trois sont à sens unique) :
– l’une donne sur un lieu où des malheureux se tordent de douleur en rôtissant dans des brasiers infernaux, se transformant peu à peu en larves (larva, Monster Manual p 59 (p 67 de la V.F.), Monstrous Compendium 8 Outer Planes Appendix, Monstrous Compendium Planescape Appendix pp 62/63) ou en lémures (lemure, Monster Manual p 23 (p 26 de la V.F.), Monstrous Compendium 8 Outer Planes Appendix, Monstrous Compendium Planescape Appendix p 25) (l’endroit se trouve sur Phlegethos, le quatrième niveau des Enfers) ;
– la seconde montre un paysage dévasté, couvert de boue, un champ de bataille sur lequel s’affrontent entre deux courts répits des armées démoniaques (il s’agit d’un des Abysses ; les troupes appartiennent respectivement à Orcus et à Demogorgon, et les combats durent ici depuis des millénaires, véritable carnage sans fin qui ne sera sans doute pas sans rappeler aux joueurs les tranchées de la Grande Guerre et le no man’s land jonché de cadavres qui les séparait) ;
– la dernière s’ouvre sur un… on ne peut pas vraiment parler de paysage : tout est en perpétuel changement, les quatre éléments s’entremêlant, se transformant les uns en les autres (il s’agit du premier niveau des Limbes).
Dans les trois cas, les personnages n’ont bien entendu aucun moyen de déterminer précisément la destination de la mare ; mais ils devraient assez facilement reconnaître que les deux premiers sont un Abysse et un Enfer (un Baator à Planescape). Identifier les Limbes sera probablement plus délicat.
Quand on n’a pas la télévision, il faut trouver d’autres distractions
En comparaison avec la grisaille omniprésente du plan astral, les trois mares colorées représentent un contraste marqué, une amélioration notable, une distraction bienvenue pour les naufragés que la pauvreté sensorielle de leur environnement, ajoutée au désespoir de leur situation, commençait à déprimer de plus en plus. Aussi, les gens qui sont au courant de leur existence viennent de plus en plus souvent passer de longs moments à observer ce qu’on peut voir à travers ces ouvertures sur d’autres plans, malgré le fait que ces spectacles soient pour deux d’entre eux particulièrement peu ragoûtants. Et de bouche à oreille, la communauté entière est vite au courant de l’existence de ces trois fenêtres sur d’autres mondes.
La seule autre distraction dans la morne existence que mènent les naufragés (qui ne peuvent même pas se plonger dans le sommeil pour y trouver l’oubli et le rêve, car du fait de la lenteur de l’écoulement du temps subjectif, ils n’ont absolument aucune envie de dormir) est le passage occasionnel d’autres habitants du plan astral (voir MP pp 64/66). Certains sont des créatures dangereuses qui mettent la communauté en alerte, mais dont les personnages devraient réussir à disposer ; d’autres sont des voyageurs naufragés ou volontaires, incapables (ou non désireux) de les aider à retourner chez eux, mais qui peuvent leur fournir des conseils, des informations, et troquer avec eux divers objets.
L’un de ces voyageurs ou colporteurs de passage leur apprend que les gens perdus sur le plan astral recherchent souvent les mares colorées comme source de distraction (à la base, on les recherche en espérant y trouver un moyen de retourner chez soi ; mais avec le temps, on se met à passer de plus en plus de temps dans la contemplation de leur spectacle, même lorsqu’il ne peut constituer une porte de sortie physique). Cela pourrait donner aux personnages l’idée de s’en servir comme monnaie d’échanges (idée qui pourrait leur être soufflée par un voyageur leur déclarant qu’ils devraient faire payer les « touristes » pour profiter du spectacle, et leur fournir des sièges et des boissons pour les inciter à rester). D’autant que, le bouche à oreille fonctionnant même sur le plan astral, des étrangers variés mais de plus en plus nombreux viennent profiter de la vue (jusqu’à un petit groupe de slaadi qui, si les aventuriers s’abstiennent de toute action hostile à leur égard, se campent devant l’une des mares et y restent figés dans une observation attentive, fascinée, pendant plusieurs jours, avant de continuer leur route sans prêter attention à l’île ni à ses habitants).
L’auberge
Par ailleurs, la fascination des naufragés pour les trois mares colorées situées aux portes de leur île augmente, et un garçon d’une dizaine d’années, Boizal, finit par passer accidentellement par l’une d’elles à force de se pencher pour mieux regarder, et connait une fin atroce, déchiré par des démons. Il faudrait trouver un moyen de restreindre l’accès aux mares, par exemple en construisant un bâtiment tout autour. Les personnages pourraient penser à les enfermer dans une construction dépourvue d’ouverture, bâtir un simple abri avec une porte fermée, ou prendre le voyageur au mot et édifier une taverne.
Dans les deux premiers cas, des voyageurs arriveront de temps en temps et demanderont à accéder au spectacle des mares, spectacle pour assister auquel ils sont même prêts à payer. S’il y a une taverne ou une auberge, elle aura un (relatif) succès, avec quasiment toujours au moins quelques clients qui resteront parfois sur place pendant des journées entières. Et si l’initiative n’en est pas prise par les personnages eux-mêmes, l’idée d’une auberge amarrée au reste de l’île finira par être imposée par le reste des naufragés, une fois le choc causé par la disparition tragique du jeune Boizal.
Cela apportera à l’existence des villageois un renouveau qui leur fera enfin accepter leur sort de « colons » du plan astral : la vie de l’île s’organise désormais autour de l’accueil des voyageurs de passage à l’auberge (certains, mais ils sont rares, conservent l’espoir que la réputation du lieu finisse par leur amener des personnes capables de les aider à retourner chez eux ; mais pour la plupart, « chez eux » c’est désormais ici).
Les naufragés se sont donc finalement faits à leur nouvelle existence et vivent dans une relative insouciance (ou ignorance) des risques que présente leur environnement. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que l’île ne soit victime d’un raid mené par une troupe de githyanki (quarante guerriers gith (githwarriors) encadrés par autant de chevaliers (knights) qu’il y a de personnages). Étant données la portée réduite des sens sur le plan astral (environ 200 yards, donc disons environ 200 mètres ; l’île est trop petite pour leur permettre une vision à longue distance (GAP p 9)) et la vitesse à laquelle les assaillants arrivent (mouvement = 96), le raid prend les naufragés quasiment par surprise.
Véritable meute de loups rôdant sur le plan astral, les pillards githyanki sont des combattants redoutables et bien entraînés. Les villageois ne font pas le poids face à eux, et les personnages ne sont pas assez nombreux pour les repousser. Fuir dans l’astral n’est pas une solution, en raison de la vitesse à laquelle les githyanki s’y déplacent. Les personnages devraient donc tenter de se replier vers la seule issue qui leur reste : les mares colorées (peut-être en tentant d’emmener avec eux les naufragés survivants, s’il y en a près d’eux).
Entre la peste et le choléra
Mais les issues de secours que représentent les trois mares colorées mènent vers des destinations pires encore que la mort sous les épées githyanki.
Se jeter dans un Abysse entre deux armées démoniaques revient à se suicider d’une façon potentiellement très douloureuse, des démons sadiques et surarmés se battant pour pouvoir torturer et tuer les malheureux littéralement tombés entre leurs griffes, et il est donc peu probable que les personnages fassent ce choix (et encore moins probable qu’ils y survivent s’ils le font).
On dit que les Enfers sont encore pires que les Abysses et que c’est LE plan sur lequel il ne faut surtout pas se rendre, et les aventuriers s’ils ont un peu de jugeote ne chercheront certainement pas à vérifier si c’est exact (s’ils se rendaient quand même sur Phlegethos, ils auraient toutefois peut-être un TRÈS mince espoir de s’en tirer, à condition que la mare les amène à proximité du domaine d’Hécate ou de celui d’Inanna, qu’ils réussissent à y trouver refuge (ce qui dépendrait non seulement de leur faculté à échapper aux diables, mais aussi de la bonne volonté des autorités desdits domaines à leur égard ; à moins que l’un des personnages ne soit un pieux fidèle d’une de ces deux déesses, il n’y a pas de raison particulière pour qu’on leur accorde l’asile), et qu’ils accèdent de là à un portail vers Sigil. On pourrait aussi envisager l’existence d’une forteresse de paladins construite dans les Enfers dans le cadre de leur lutte éternelle contre le Mal et opportunément située à proximité du point d’arrivée des aventuriers, mais une telle solution sentirait vraiment le MJ réduit à inventer n’importe quel deus ex machina pour sauver les persos de ses joueurs… Dans tous les cas, ils seraient EXTRÊMEMENT mal, et leur sort dépasse le cadre du présent scénario).
Bref, la seule issue qui ne débouche pas vers une mort certaine dans d’atroces souffrances, se diront probablement les aventuriers alors que les githyanki sont en train de manœuvrer pour les acculer à la mare donnant sur Phlegethos, et qu’ils ont presque l’impression de sentir à travers elle la fournaise des flammes infernales qui vont dévorer leurs chairs et leurs âmes, c’est la troisième mare. Mare vers laquelle un léger flottement dans les rangs ennemis leur donnera une ultime occasion de se ruer.
Si les personnages ne se laissent pas acculer aux mares colorées et choisissent de rester sur le plan astral avec les éventuels naufragés survivants, on voit mal comment ils pourraient ne pas être massacrés par les githyanki.
Perdus dans les Limbes
L’arrivée sur un plan autre que l’astral (quel qu’il soit) se traduira entre autres pour les aventuriers (et leurs éventuels compagnons) par un vieillissement instantané de leurs organismes, d’une durée correspondant à celle de leur séjour sur le plan astral, et probablement par une faim de loup, à moins qu’ils ne se soient astreints à s’alimenter régulièrement (GAP p 9).
S’ils arrivent dans les Limbes, ils vont devoir immédiatement s’adapter aux conditions ambiantes, et au moyen de les contrôler par la volonté et la force de concentration (ce dont ils ont peut-être déjà entendu parler par des voyageurs interplanaires clients de l’auberge, et qui ne devrait pas être trop difficile à réussir pour des gens qui viennent de faire un long séjour dans l’astral, même s’ils seront peut-être un peu surpris au tout début avec quelques conséquences défavorables (MP p 97, PC pp 61/62).
Malheureusement pour les personnages (et sans doute encore plus pour les éventuels naufragés qui les accompagnent), s’il est possible de stabiliser l’environnement dans les Limbes en se concentrant, cela ne permet pas de créer de la nourriture… Et il faudra impérativement que quelqu’un reste éveillé et concentré pendant que les autres dorment.
Si les joueurs ont besoin d’en découdre, les aventuriers rencontreront une petite troupe de slaadi rouges ou bleus partis en chasse, qui les choisiront comme gibier. Mais le combat risque de leur coûter cher…
Les gens du voyage
Après une errance plus ou moins longue dans les Limbes, les égarés survivants découvriront une petite ville githzerai. Bien sûr, on s’y méfiera d’eux, comme de tous les étrangers, qui sont systématiquement soupçonnés d’être des agents à la solde des githyanki, les ennemis jurés des githzerai (PC p 73). À moins que les personnages ou leurs compagnons n’aient quelque chose d’intéressant à vendre ou à échanger, ils ne seront pas autorisés à pénétrer dans l’enceinte de la ville, mais devront rester à l’extérieur, où une petite zone couverte de tentes constitue le quartier des étrangers.
La population des tentes (une quarantaine de personnes, y compris les enfants) se compose principalement d’humains, avec des elfes, des nains, quelques tieflings, et même quelques orcs qui coexistent pacifiquement avec les autres habitants. Il s’agit de marchands ou d’artisans et de leurs familles, gens du voyage qui subsistent en circulant de ville en ville à travers les Limbes, échangeant leurs marchandises ou vendant leur savoir-faire. Eux aussi considéreront dans un premier temps les nouveaux arrivants avec une certaine méfiance, mais sauf si ces derniers se comportent de façon incorrecte ou agressive, ils devraient parvenir à briser au moins un peu la glace (cela sera plus facile si les personnages sont accompagnés de naufragés enfants : en jouant avec les enfants des gens du voyage, ils permettront d’établir tout naturellement un contact entre les deux groupes.
Il y a là deux caravanes différentes, dont l’une, dirigée par un marchand tiefling du nom de Wolbar Goshn, se prépare à repartir.
À moins d’avoir été agressifs, les nouveaux arrivants pourront troquer de quoi manger (s’ils n’ont rien qu’ils soient disposés à échanger, une femme prendra les enfants (et uniquement les enfants) en pitié et les nourrira).
Si les personnages ont réussi à nouer le contact et expliqué aux gens du voyage qu’ils cherchent à quitter les Limbes, Goshn acceptera qu’ils se joignent à sa caravane à destination de la ville de Corderûn, où ils trouveront peut-être quelqu’un susceptible de les aider en les conduisant à un portail.
Bien entendu, l’offre de Goshn n’est pas désintéressée : les personnages ont probablement l’allure d’aventuriers aguerris, même s’ils ne sont pas dans les Limbes depuis longtemps, et les adjoindre à sa caravane en renforcera les défenses face à un raid slaadi, menace omniprésente dans ce niveau du plan.
Goshn utilise pour se repérer dans les Limbes des boussoles spéciales (guidon compass, PC p 64), chacune lui indiquant la direction du signal (guidon) érigé dans la ville correspondante.
Le voyage sera sans doute beaucoup moins pénible que le précédent trajet accompli dans les Limbes par les personnages : la caravane comporte dans ses rangs des voyageurs habitués à ce genre de déplacement et qui savent bien maîtriser les éléments. À moins que le MJ ne souhaite mettre en scène une escarmouche avec une bande de slaadi, il se passera à peu près sans encombre.
Corderûn est une ville cosmopolite de quelques milliers d’habitants, au sein de laquelle on peut rencontrer des représentants d’à peu près toutes les espèces d’humanoïdes courantes (et leurs croisements), de l’humain à l’ogre et de l’homme-lézard à l’exilé githyanki (plus quelques bariaurs pour faire bonne mesure), et dont une importante proportion appartient à la faction des xaositectes, très présente dans les Limbes. Tout ce petit monde s’entend raisonnablement bien, uni par la crainte des raids des slaadi. Les personnages (et leurs éventuels compagnons naufragés) pourront trouver à se loger dans des auberges s’ils ont de quoi payer. Sinon, ils devront se trouver un coin dans les rues étroites pour dormir à la belle étoile… S’ils sont toujours accompagnés de survivants de leur village, certains de ces PNJ pourront probablement trouver du travail comme artisans ou accomplir de petits boulots, gagnant ainsi un peu d’argent. Si la communauté est restée soudée malgré toutes les péripéties qu’elle a traversées, ils constitueront une cagnotte afin de subvenir aux besoins de l’ensemble ; sinon, peut-être que certains d’entre-eux, lassés de ces errances et ayant perdu leurs dernières attaches depuis le raid githyanki sur le plan astral, songeront à s’établir durablement à Corderûn.
Le sorcier
Si les personnages se renseignent sur l’existence de portails pouvant les conduire vers des endroits plus hospitaliers que les Limbes, ils finiront par entrer en contact avec Vôr Darsus, un puissant sorcier humain qui occupe seul une maison biscornue près des remparts.
Des bruits variés courent sur le compte de Vôr Darsus. Sa vie sociale se réduit au strict minimum, c’est-à-dire principalement aux interactions avec les commerçants et artisans auprès desquels il se fournit. Il n’a pas de domestique autre que son familier quasit, et personne n’est rentré dans sa maison au delà du vestibule dans lequel il reçoit ses rares visiteurs. Il déclare se livrer à des recherches scientifiques en thaumaturgie, et les rumeurs vont bon train sur la nature précise de ses travaux. Certains prétendent qu’il pratique des rites inavouables. Mais comme à chaque fois que la ville a été attaquée par des slaadi ces dernières années, sa participation à la défense des remparts de son quartier a été décisive grâce aux moyens magiques qu’il a mis en œuvre, il est plus que toléré et on se borne généralement à le considérer comme un simple excentrique.
En fait, Vôr Darsus n’est rien de plus que ce qu’il affirme : un puissant magicien, chercheur en thaumaturgie, dont les travaux sont la seule chose qui l’intéresse. Le fait que certaines de ses expériences, si elles échappaient à son contrôle, puissent faire courir de grands risques à son voisinage, ne lui semble pas nécessiter d’être signalé. Il s’est établi à Corderûn il y a quelques années car il cherchait un endroit à peu près stable dans les Limbes pour ses travaux, mais compte bien être installé sur un autre plan d’ici moins de dix ans. En termes d’AD&D, il est d’alignement chaotique neutre.
Vôr Darsus ayant appris par son épicier que des aventuriers étrangers à la ville et visiblement aguerris étaient à la recherche d’un portail pour quitter les lieux, a pensé qu’il tenait là la main d’œuvre idéale pour lui procurer deux ingrédients dont il a besoin pour de futures expériences. Il se fait donc connaître des personnages et les reçoit dans son vestibule (une pièce lambrissée au tapis élimé, mais pourvue de fauteuils confortables). Il leur déclare être en mesure de leur permettre d’accéder à un portail qui les mènera directement à Sigil, mais il ne le fera qu’à condition qu’ils accomplissent d’abord deux petites tâches pour son compte.
Si les aventuriers acceptent ce principe, il leur dévoile la nature des deux tâches en question : il veut qu’ils lui ramènent deux types de matériaux dont il a besoin pour ses recherches :
– d’une part, des gonades de slaad rouge (c’est-à-dire les glandes situées à la base des griffes qui produisent les pelotes oophores (egg-pellets) ; il en demandera autant qu’il aura de personnes à amener au fameux portail (il comptera chaque enfant comme une personne à part entière) ;
– d’autre part, le symbole intact d’une tête de slaad vert, à lui ramener le plus rapidement possible (il insistera lourdement sur ce point).
À noter que la description qui est faite des slaadi verts dans le Monstrous Compendium Planescape Appendix est moins complète que celles parues auparavant dans le Fiend Folio puis dans le Monstrous Compendium 8 Outer Planes Appendix, et n’explique pas l’importance de ces symboles, dont voici ce que dit le MC8 :
If a green slaad has its material form destroyed, but its symbol remains intact, it will reform into a blue slaad in 24 hours. It will remain a blue slaad for one year and one day at which time it will regain its green slaad status.
Soit, librement traduit de l’américain :
Si la forme matérielle d’un slaad vert est détruite, mais son symbole reste intact, il reconstituera un slaad bleu en vingt-quatre heures. Ce slaad restera bleu pendant un an et un jour, période à l’issue de laquelle il retrouvera son statut de slaad vert.
Vôr Darsus ne mentionnera pas cette limite de vingt-quatre heures (et ne la connait d’ailleurs pas), mais si les personnages traînent au retour, ils risquent d’avoir une mauvaise surprise lorsque le slaad bleu se reformera. Le magicien souhaite étudier de près le phénomène, et surtout la créature, et dispose dans sa cave d’une cage de contention appropriée. C’est la seule méthode fiable qu’il ait pour l’instant trouvée pour introduire un slaad dans Corderûn sans affoler les habitants.
Si les personnages acceptent de lui procurer ce qu’il demande, Vôr Darsus leur prêtera une boussole indiquant la direction du signal de Corderûn (et leur expliquera si nécessaire comment s’en servir).
Pour trouver des slaadi dans ce niveau des Limbes, il suffit en principe de s’y promener suffisamment longtemps : on finit toujours par en croiser. Mais on n’en choisit pas la couleur, et on risque d’avoir affaire à un groupe un peu trop nombreux (voire beaucoup trop nombreux !).
Néanmoins, se procurer les éléments demandés par Vôr Darsus devrait être à la portée des personnages. Ils risquent toutefois d’avoir un problème imprévu s’ils s’éloignent trop de Corderûn pour pouvoir rapporter le symbole du slaad vert avant sa reconstitution en slaad bleu ; mais quand ils auront fait cette malheureuse expérience, ils s’y prendront certainement mieux la fois suivante…
Quand ils le lui auront remis, Vôr Darsus s’en emparera vivement et se ruera vers sa cave et la cage de contention, en ordonnant aux aventuriers restés dans son vestibule « Attendez moi ici ! », ce qui pourrait les interloquer, voire les rendre méfiants. S’ils tentent d’en profiter pour essayer de visiter le reste de la maison, ils se heurteront aux défenses magiques posées par le maître des lieux, qui (à part la bouche magique dissimulée sous la tapisserie de l’unique porte intérieure de la pièce, qui intime l’ordre aux fouineurs de ne pas franchir son seuil) sont destinés à tuer les cambrioleurs.
Si les personnages ont profité de l’absence du magicien pour pénétrer plus avant dans sa demeure (la porte s’est automatiquement verrouillée derrière lui, mais sa serrure peut être crochetée), celui-ci en sera fortement courroucé lorsqu’il remontera de sa cave une vingtaine de minutes plus tard. Il refusera d’honorer sa part du marché et leur ordonnera de vider les lieux immédiatement. S’ils se sont contentés de crocheter la serrure et d’ouvrir la porte sans en franchir le seuil, Vôr Darsus aura un accès de mauvaise humeur envers eux, mais à moins que le ton ne monte et que ce ne soit l’escalade verbale, il acceptera de les amener comme convenu à un portail. Enfin, s’ils ont attendu bien tranquillement dans le vestibule le retour du sorcier, celui-ci sera satisfait de leur travail, le leur dira sans ambages, et remplira sans difficulté sa part du contrat. Dans tous les cas, il exigera qu’on lui rende sa boussole.
Le portail
S’il accepte de conduire les personnages (et leurs éventuels compagnons survivants) à un portail menant vers Sigil, Vôr Darsus leur donnera rendez-vous au pied du signal de Corderûn. Là, il leur demandera de se serrer les uns contre les autres tout en se tenant par la main, puis lancera un sort de Passwall (Passe-murailles) sur la base du signal. Empoignant par le bras l’aventurier le plus proche, il l’entraînera à sa suite à l’intérieur de la base en pierre massive. Le portail se trouve là, associé à une ancienne arche gothique, murée et cachée derrière près de trois mètres de pierres depuis des décennies, depuis que le signal a été érigé sur les ruines du bâtiment dont elle faisait partie. Les personnages et leurs éventuels compagnons n’ont plus qu’à le franchir…
Si les personnages n’ont pas fait affaire avec Vôr Darsus, ou si le contrat a été rompu, il va leur falloir trouver un autre moyen d’accéder à un portail. Cela pourrait les amener à tenter de pénétrer dans une ville githzerai sur la simple foi d’une rumeur prétendant qu’il s’y en trouve un. À moins qu’ils ne finissent par en découvrir un au hasard de leurs déplacements dans les Limbes : dans ce cas, ce portail les conduira, soit vers Gladsheim, soit vers le Pandemonium, soit vers le Plan de l’Opposition Harmonieuse (Concordant Opposition) où se trouve entre autres Sigil (MP p 98).
Épilogue
Si les personnages, éventuellement accompagnés des survivants du village de départ, parviennent à Sigil, ils ne sont sans doute pas au bout de leurs aventures entre les plans. Mais ceci est une autre histoire…
Quant à l’auberge qu’ils avaient bâtie sur le plan astral, désormais détachée du reste de l’île suite aux dégâts subis lors du raid githyanki, elle sera découverte à la dérive et reprise par deux associés, un ko-dragon et un tiefling nommé Thir U-nasha, qui la répareront et la rebaptiseront « Le grain de poussière dans le Vide » (The Speck in the Void ; GAP pp 33, 34 et 77), nom sous lequel elle connaitra une notoriété plus grande que celle qu’elle avait quand c’étaient les personnages qui s’en occupaient…