Petit extrait d’une récente lecture :
D’abord, il y avait un monde découpé en trois zones : les pays industrialisés, riches, les pays en voie de développement, pauvres, et le tiers-monde, indigent. Les uns avaient salopé la planète pour conquérir l’opulence, les autres avaient tenté de les imiter, les derniers cherchaient seulement à bouffer.
Un jour, les riches ont pris conscience des dégâts produits et de l’irréversibilité du phénomène, mais leur technologie avait évolué et ils pouvaient continuer à nager dans le luxe. Alors ils ont demandé aux pauvres de rester propres, de ne pas aggraver la pollution avec des énergies polluantes, de limiter leur croissance. Ils ont même fabriqué des guerres pour bien montrer qui était le plus fort, qu’ils ont gagnées évidemment, mais c’est celui qui casse qui casque, et là, ça ne les amusait plus du tout. Ils ont donc fermé les yeux. Les hommes au pouvoir ont fermé les yeux en aveuglant un peu les masses, et les pauvres se sont enrichis, un tout petit peu, insuffisamment pour s’en sortir, suffisamment pour achever les destructions écologiques que les riches avaient entamées un siècle avant.
L’effet de serre ! Deux degrés en trente ans, une paille, un peu moins de neige sur les pistes, beaux étés, hivers cléments, il faisait bon vivre dans les zones tempérées. Et puis la Méditerranée a commencé à grignoter les plages et l’eau s’est refroidie à Miami, parce qu’elle venait du Pôle. Les écolos se sont mis à emporter les élections, des écolos très rationnels, des politicards, qui ont réorchestré la valse des budgets pour rhabiller ce précepte aussi vieux que l’humanité : charité bien ordonnée… En Europe, la mer gagnait sur le sacro-saint territoire. En Afrique, le désert gagnait sur tout. Les transferts d’investissements nationaux ont oublié l’Afrique, il a suffi de distraire les médias et de déplacer l’intérêt des humanitaires irréductibles vers le sauvetage des acquis, par l’espace.
L’espace coûte cher, mais ce n’est rien à côté de ce qu’il a coûté. Les nations industrialisées y ont englouti des quintillions de dollars. Les nations en voie de développement ont réglé une bonne part de la note, en argent, en sueur, en sang, en dictatures, en exploitation, en tortures, et le tiers-monde s’est fendu de millions de vies, sans jamais y participer. L’Afrique a économisé sur les soins, médicaux et pharmaceutiques, qu’on ne lui donnait plus ; elle a vu réduit à néant l’investissement industriel dont on ne l’exploitait plus ; elle a dû renoncer d’un commun accord unilatéral à reboiser, à adoucir l’eau de mer, à cultiver les terres arides, à construire, à apprendre, à se soigner, à rêver de décence. L’Afrique a même cessé d’exploiter ses mines taries tant les ressources spatiales étaient plus rentables et s’est fait silence pour ne pas déranger. C’est ce qu’on appelle le don de soi.
Vous croyez que ça sort d’un bouquin de SF tout récent ? Perdu ! Ça date de 1992 (il y a vingt-sept ans, donc) et c’est tiré de Demain, une oasis, du regretté Ayerdhal.
Depuis le temps qu’on dit, qu’on crie, qu’on hurle que l’humanité fonce droit dans le mur, et que pourtant rien ne change…
J’avais reconnu le style d’Ayerdhal. vraiment un auteur disparu trop tôt.
Dans le meme esprit, ce moment du film « Les Monstres de l’Espace » de Roy Ward Baker.
https://imgur.com/a/uO1WmWX
Je ne connais pas ce film (dont internet m’indique qu’il date de 1967), mais dans le dialogue que tu pointes, rien n’indique que le changement climatique évoqué soit d’origine anthropique (rien n’indique qu’il ne l’est pas, certes). Tu confirmes ce point ?
Je confirmes.
Le film est un classique de la SF britannique de l’époque, écrit par un de leurs meilleurs scénaristes d’alors, Nigel Kneale.