Station Eleven
Emily St. John Mandel
Rivages Poche n° 896
© Éditions Payot & Rivages 2016 (2018 pour l’édition de poche)
V.O. : Station Eleven, © Emily St. John Mandel 2013
476 pages
Roman post-cataclysmique situé vingt ans après une pandémie ayant tué 99 % de la population dans un futur très proche
Enfin, quand je dis vingt ans après, c’est un peu plus complexe que ça, pasque le bouquin ne suit pas une structure linéaire : s’y entremêlent le présent (en l’an vingt après la pandémie, donc), le déroulement de l’effondrement de la civilisation, et même des évènements encore plus anciens, vécus par cinq personnages principaux qui sont tous liés sans forcément le savoir : Arthur, un acteur célèbre qui tout au début du livre meurt d’une crise cardiaque en jouant le Roi Lear de Shakespeare sur une scène de théâtre à Toronto, alors que la pandémie commence ses ravages en Amérique du Nord sans que personne n’en ait encore pris la mesure ; Miranda, la première de ses ex-femmes, coincée en Malaisie au moment du pic épidémique ; Jeevan, un spectateur de la pièce qui a tenté de ranimer Arthur, et qui suit des études d’infirmier après avoir été paparazzi et journaliste pipôle ; Clark, un consultant en manadjmént, qui était le meilleur ami d’Arthur lorsqu’ils étaient étudiants ; et Kirsten, une gamine de huit ans au moment de la pandémie, qui jouait un petit rôle dans la pièce, était sur scène lors de la mort d’Arthur, mais qu’on suit principalement en l’an vingt où elle fait partie d’une troupe de comédiens et musiciens itinérants nommée la Symphonie itinérante.
Les premiers chapitres, qui se passent alors que la pandémie déferle sur Toronto, auraient probablement été particulièrement oppressants à lire il y a quelques semaines, alors qu’on faisait le gros dos en attendant que la première vague de covid passe chez nous.
Ensuite, le roman fait des allers-retours entre l’histoire des personnages principaux avant la pandémie (surtout celle d’Arthur et dans une moindre mesure peut-être celle de Miranda), les évènements lors de l’effondrement de la civilisation ou peu après (surtout tels que les ont vécus Jeevan et Clark, chacun de leur côté), et l’an vingt (surtout vu par Kirsten). Il n’y a vraiment d' »action » qu’en l’an vingt, mais les passages antépandémiques en particulier sont indispensables pour démêler l’écheveau des liens entre les personnages et reconstituer les parties communes de leur histoire.
Donc l’histoire, c’est que la Symphonie itinérante arrive dans un village où elle avait laissé lors de son précédent passage un couple de ses membres. Mais ces gens ne sont plus là, la ville est sous la coupe d’un prophète et de ses sectateurs, personne ne veut leur expliquer où sont passés leurs amis, et ils décident de déguerpir rapidement et d’aller vers le sud, une direction dans laquelle ils ne sont jamais allés jusqu’à présent (en tous cas, pas en tant que compagnie de baladins) mais où ils espèrent retrouver les disparus. Sauf que la prochaine épouse du prophète, une gamine de douze ans, se cache à bord d’un de leurs chariots pour lui échapper, ce qui fait que la secte se lance à leur poursuite…
Ça se lit bien, ça se lit vite, j’ai bien aimé et je vous le recommande donc chaudement. Et le parallèle avec la situation que nous vivons actuellement (heureusement bien moins mortelle) est vraiment frappant.