Hier aprème se tenait donc au siège une réunion qui avait un peu l’allure d’une assemblée générale.
Nous ne comprenions pas trop pourquoi la direction nous avait « convoqués » (ou plutôt, conviés à venir aussi nombreux que possible) : vu l’ordre du jour, un simple courriel me paraissait suffisant, et je craignais qu’on en profite pour nous annoncer une mauvaise nouvelle de plus.
Car le sujet, c’était qu’on allait devoir se serrer la ceinture côté effectifs : je vous ai déjà expliqué que mes suppléants avaient été éjectés à la hussarde (et même si le sujet n’a pas été abordé, ce qui nous a été présenté hier me laisse fortement à croire que ce ne sera pas seulement pour la fin de cette année, mais définitif, vu que les prévisions en budget personnels pour l’année prochaine sont encore pires). On n’aura pas non plus de « jobs d’été » pour permettre un roulement tranquille des équipes pendant la période des vacances. On ne sait même pas si notre benjamine, qui remplace un congé maternité qui ne réintègrera pas l’équipe avant septembre (au mieux !), sera encore là le mois prochain (ce qui est une façon lamentable de gérer le personnel ; mais je ne vais pas trop me plaindre, pasqu’en théorie ça fait plusieurs mois qu’elle aurait dû elle aussi être remerciée : si on a réussi à la garder jusqu’à présent, c’est pasque la responsable du service administratif a pris de son propre chef l’initiative de mettre la trésorerie devant le fait accompli).
En fait, la réunion, qui fut dans sa grande majorité stérile, peut se résumer ainsi : la directrice et le directeur adjoint avaient convoqué le personnel pour leur annoncer qu’on n’aurait donc pas de remplaçants exceptionnels cet été, contrairement aux usages habituels, et que de ce fait, les agents techniques du siège devraient aller boucher les trous dans les équipes des différentes usines, au détriment de leurs missions habituelles, considérées comme « non prioritaires ». Et en gros, le personnel se trouvait placé devant le choix suivant (qui n’a pas exactement été annoncé ainsi, mais qui était très clairement sous-entendu) : soit des volontaires se proposaient, soit la directrice en désignait d’office. Tout ceci, le 10 juin, trois semaines avant le début juillet, histoire de bien leur mettre le couteau sous la gorge, car la situation était prévisible depuis bien longtemps, en tous cas du côté de la direction.
Ce que nos dirigeants n’avaient sans doute pas prévu, c’est qu’une fois qu’ils nous ont eu exposé les chiffres et la situation, le délégué du personnel leur demande de quitter la salle de réunion afin que nous puissions discuter librement sans eux.
Discussion qui n’a pas permis de faire beaucoup avancer les choses, puisque envoyer une délégation au niveau supérieur pour expliquer notre problème et demander le déblocage de crédits supplémentaires est clairement un combat d’arrière-garde quasiment perdu d’avance (mais nous n’avons pas le sentiment que notre direction a vraiment tenté de sauver les meubles quand il était encore temps). Mais ça aura au moins eu le mérite de montrer à nos directeurs que ce qu’ils croyaient nous faire accepter facilement en l’absence de tout autre choix ne passera pas comme ils le croyaient.
Le bras de fer ne fait que commencer ; mais à moyen terme, ça n’augure rien de bon pour l’avenir d’un certain nombre de missions importantes qui étaient jusqu’à présent assurées par les personnels techniques du siège. Ni pour la qualité de notre propre travail en cas de vacances ou d’absence forcée de l’un ou l’autre membre de l’équipe.
J’en dirais bien plus, histoire de vous alarmer… mais je ne le ferai pas publiquement sur internet.
Déjà, quand ton job de tous les jours est annoncé comme moins prioritaire qu’un remplacement à prester en l’absence d’un autre gars, ça motive au possible.
Moi c’est le genre de trucs qui me ferait mettre mon CV à jour.
Le truc, c’est qu’on a au moins cinq niveaux (m’souviens plus de la hiérarchisation précise) de priorité décroissante, de la situation de crise aux trucs moins urgents ; et que la plupart du boulot qui est fait par les gens du siège, hors crise justement, c’est de la priorité 4 ou 5, alors que nous on est principalement sur de la priorité 2. Donc en cas de problème d’effectif, c’est nous qui siphonnerons le siège.
Sauf que concrètement, ce que font les autres est important, même si ce n’est pas considéré comme prioritaire. Et que si ce n’est plus fait, on (= la population dans son ensemble) se prépare des lendemains difficiles.
Mais je crains fort que seuls les naïfs puissent espérer y changer quelque chose et faire faire marche arrière à la machine. Les autres qui comme moi ont une certaine culture cyberpunk sont fatalistes et savent qu’on fonce collectivement dans le mur à moyen terme. :-(
« J’en dirais bien plus, histoire de vous alarmer… mais je ne le ferai pas publiquement sur internet. »
–> En privé, ça m’intéresse que tu développes…