Je viens de passer une semaine quasiment sans toucher terre, qui explique en grande partie pourquoi le blog est resté inactif ces derniers jours…
Déjà (mais ça, c’était prévu de longue date), qui dit période de vacances dit sous-effectif (et c’est tout spécialement vrai des vacances de Noël, une période relativement courte sur laquelle, c’est humain, toutes les mères de famille cherchent à passer une semaine tranquillement chez elles en compagnie de leur progéniture). Je me retrouvais donc tout seul pour tenir l’équivalent de deux postes. C’est-à-dire en gros que j’ai fait du boulot purement technique et géré l’urgence, la tête dans le guidon, laissant de côté le rôle de manager qu’on a vraiment trop tendance à considérer comme étant ma priorité en tant que chef (mais comme je le dis et répète, à ce compte-là, il n’y a aucun intérêt à placer à mon poste quelqu’un doté de compétences techniques : un bête administratif formé à la gestion moderne du personnel, celle dans laquelle on n’encadre plus des personnes, mais des pions, des numéros sur un tableau d’effectifs, serait bien plus efficace, car j’ai bien l’impression qu’on n’a finalement vraiment besoin de ma compétence technique que pour la signature de papiers ; ce qu’un administratif pourrait faire aussi, en se reposant sur la compétence technique de ses subordonnés ; je suis surpris qu’on ne soit pas encore passés à ce mode d’encadrement (qui aura à terme des conséquences catastrophiques, mais il faut être un technique pour s’en rendre compte)).
Oui mais sauf que, évidemment, tout ne s’est pas tout à fait passé comme ça : pasque quand t’es sur la corde raide côté effectifs, le moindre imprévu prend des proportions dramatiques.
Une gastrochiasse, par exemple, forcément imprévue, et qui te prive d’une personne pendant trois jours. Une journée de prod’ de dingue (im)prévue pour le vendredi, l’équivalent d’une fois un tiers à une fois et demie une journée normale, quand cette période de l’année est traditionnellement creuse (avant l’explosion qui commence au 2 janvier). Et les deux cumulés, ça fait très mal.
Évidemment, y a des solutions : tu peux par exemple faire revenir des gens censés être en congés. Mais pour ça, faut leur donner des compensations en échange : on n’en est pas encore revenus au temps de Zola et Dickens (même si on en prend bien le chemin), et les travailleurs ne sont plus à la disposition permanente de leur patron, taillables et corvéables à merci. Sauf que ce genre de décisions doit être validé par la direction, puisque notre temps de travail sera désormais géré informatiquement depuis le siège à partir de lundi : plus moyen de faire notre sauce dans notre coin. Et que ma proposition d’accorder un jour de compensation aux volontaires qui auraient ainsi taillé dans leurs vacances (et des volontaires, je savais que j’en aurais (pardon : que j’en AVAIS : c’était déjà tout cadré), et en quantité suffisante, moyennant cette compensation) a été refusée en haut lieu, au motif que ça risquait de créer « un précédent » (un précédent de quoi ? ils croyaient peut-être qu’on ferait à l’avenir nos plannings de congés de façon à être contraints de rappeler des absents, et de leur obtenir ainsi encore plus de congés ?).
On m’a quand même trouvé sur un autre site une personne pour dépanner… là où j’en aurais hélas eu besoin de deux.
Mais j’ai assez peu apprécié de recevoir de la directrice (qui n’est pas une technique, ne connait rien à notre métier, et pense naïvement (mais à tort) qu’il suffit de déplacer des gens comme des pions (alors que notre boulot demande un savoir-faire technique et des connaissances qui ne s’acquièrent que sur le terrain, et que chaque site a ses spécificités qui font que le dépannage au pied levé par quelqu’un venant d’un autre site n’est pas si simple que ça) et d’abandonner la réalisation de certaines tâches pour résoudre tous les problèmes (sauf qu’il ne nous est pas possible… c’est comme si sur une chaîne de montage de voitures qui serait en sous-effectif, on décidait de ne monter des roues que sur une bagnole sur deux ou trois)) un courriel sous-entendant fortement que mes problèmes venaient d’une mauvaise gestion du planning des congés (pasque je suis ptêt un technique, mais je considère que mon équipe, elle est gérée, et correctement gérée ; je doute qu’on puisse en dire autant du siège). Je crois qu’elle a bien compris à ma réponse, légèrement à chaud contrairement à mes habitudes (mais je craignais de ne pas avoir ensuite de si tôt le temps de quitter mon poste pour retourner au bureau me poser devant ma bécane), qu’il ne fallait pas me prendre pour un con et que ce n’était pas le moment de me gratter : elle ne m’a pas répondu, mais j’ai eu des échos par l’adjointe de mon chef. Peut-être que la direction va ici aussi commencer à prendre conscience du fait que je suis un râleur véhément, mais effectivement, c’était pas le moment de me gonfler, surtout à la fin d’une année au long de laquelle toute mon équipe n’a pas ménagé ses efforts pour faire tourner le service sans devoir appeler le siège au secours (forcément, on voit ce que ça donne quand on appelle le siège au secours : rien ; ou alors ils sont prêts à nous dénicher du personnel en renfort, mais pour APRÈS la crise, quand on n’en a plus aucun besoin). M’enfin bon, si ça a permis qu’elle me craigne un peu, c’est toujours ça de gagné : d’expérience, un cadre de direction qui me craint est un cadre de direction qui me prend moins pour un con quand je fait remonter un problème (même si ça ne veut pas pour autant dire qu’il me cherche plus de solutions, sans même parler d’en trouver).
Et donc du coup, voilà pas que l’idée lumineuse de la directrice a été de nous envoyer aujourd’hui l’adjointe de mon chef pour apporter l’aide qu’elle pourra nous apporter et faire le point sur nos problèmes.
Bon, ça partait sans doute d’un bon sentiment (ou plutôt d’une volonté d’apaisement).
Le premier hic, c’est que nos problèmes, ça fait un moment que je les ai exposés en long en large et en travers : ça donne un peu l’impression de pisser dans un violon. À chaque fois il faut répéter les mêmes explications, et trois mois plus tard c’est rebelote.
Le second hic, c’est que si elle a à peu près conscience des particularités de notre boulot et de nos conditions de travail, l’adjointe en question n’a pratiquement aucune compétence technique au-delà de lointaines bases théoriques. Donc la seule chose à laquelle j’ai pu l’affecter, c’est à me servir de scribe. Et contrairement à ce que je m’imaginais, avoir quelqu’un d’inexpérimenté pour noter ce que je dictais, ça ne m’a pas fait gagner du temps, au contraire. C’était un peu comme d’avoir une stagiaire dans les pattes, sauf qu’en général les stagiaires je les ai en dehors des périodes d’effectif insuffisant et d’activité frénétique. Bref, qui dit perte de temps dit moins de temps pour souffler, et j’avais l’impression d’être plus fatigué quand elle est enfin partie que si j’avais bossé tout seul, tout en en ayant moins fait.
Et pourtant, ce matin où on commençait une heure plus tôt que d’habitude, j’étais arrivé physiquement affûté à bloc : forcément, je m’étais bien échauffé en venant à pied, le Tonnerre mécanique ayant peiné à sortir du garage et n’ayant pas voulu repartir ensuite. A donc fallu que j’aille à l’usine à pied, de nuit et sous une pluie battante, en marchant d’un bon pas car je ne pouvais pas me permettre d’arriver en retard, n’ayant personne pour démarrer le boulot à ma place en cas de problème.
Arrivant presque à l’heure (mais une dizaine de minutes plus tard que si j’étais venu en voiture…), je n’ai pu que constater que dans ma précipitation, j’avais laissé sur mon tableau de bord badge pour ouvrir les portes de l’usine et clés du bureau et de mon casier.
Pour entrer dans l’enceinte, ça n’a pas été un problème, je me suis fait ouvrir le portail par l’accueil. Mais pour accéder à l’intérieur du bâtiment, je comptais passer par l’escalier de service… qui à cette heure était fermé à clé. Heureusement, j’ai rapidement trouvé quelqu’un pour m’ouvrir la porte, et depuis que mes clés étaient tombées de ma poche quelque part dans l’usine et que j’avais dû ouvrir mon casier au coupe-boulons, je garde un double de celle de mon cadenas planqué dans mon bureau. Bureau dont je ne pouvais pas ouvrir la porte, bien entendu verrouillée ; et en raison des problèmes d’effectif évoqués plus haut, personne ne s’y trouvait à mon arrivée : je n’avais plus qu’à attendre une demi-heure que quelqu’un arrive.
Heureusement, il y a un double de la clé à la maintenance, que j’ai pu récupérer rapidement.
Mais tomber en panne de bagnole dans un bourg de campagne à cette époque, ce n’est vraiment pas la bonne période : la plupart des garages sont en fermeture annuelle… À commencer par le concessionnaire qui s’occupe habituellement du Tonnerre mécanique ; mais pas seulement lui, puisque la plupart des garages du bourg (en tous cas, ceux considérés comme sérieux) ont choisi ce moment pour fermer boutique.
Pas d’affolement, je me suis dit, en fin de journée je me ferai déposer par une collègue à un autre garage qu’un collègue apprenant ma situation venait de me recommander, en espérant qu’ils pourront me dépanner.
Sauf que pour ça, il aurait fallu que ce garage là ne soit pas lui aussi fermé…
Du coup, elle m’a simplement ramené à la maison, toujours sous la pluie, et dans la nuit qui tombait. Pas des conditions propices à gratter moi-même dans le moteur, ce que je compte faire quand même demain, puisque bien que je soupçonne un problème électronique, ça m’évoque aussi un problème de capteur que j’avais déjà eu (en beaucoup moins grave) il y a un an et demi. J’espère que ça n’est « que » ça et que je vais savoir retrouver le capteur en question et le bricoler correctement, sinon je suis piéton pour un moment, en espérant que le garage rouvre lundi (et j’imagine que même si ça n’est que ça, il sera plus prudent de changer le capteur pour éviter les rechutes).
Bref, je suis crevé de ma semaine de boulot, bloqué ici faute de véhicule, absolument pas certain que je pourrai redémarrer le Tonnerre mécanique demain, ni de quand je pourrai le faire réparer ensuite, et on nous annonce quinze jours de grosse production (autant qu’aujourd’hui) à l’usine…
Vivement les vacances ! Malheureusement… pour moi, c’était la semaine dernière.