Comme promis, voici un premier retour d’expérience, pas tout à fait à chaud, sur mon défi du quarantenaire, que j’ai bouclé (à part la publication, qui reste à venir pour la plupart des scénars) il y a quelques jours.
Tout ça a commencé quand j’ai pris connaissance du défi à la c…, sur la Cour d’Obéron, qui visait à commémorer les quarante ans de la première publication d’OD&D en produisant collectivement au moins quarante scénarios pour des JdR différents, dont les années de publication couvrent toute la période entre 1974 et 2014. Je me suis dit que produire quarante scénars à plusieurs ne présentait pas de réelle difficulté, donc qu’il n’y avait pas là de réel défi. Et c’est là que le 6 mars, j’ai eu cette idée saugrenue d’en produire quarante à moi tout seul.
Alors évidemment, il n’était pas question pour moi de couvrir l’éventail des quarante années écoulées : non seulement je n’étais pas certain d’avoir dans ma ludothèque au moins un JdR pour chacune d’elles, mais même si c’était le cas (et il me semble avoir vérifié que finalement, ça l’était bien), entre avoir un JdR en stock et être capable d’écrire quelque chose pour lui, il y a un fossé. En plus, écrire pour un JEU précis sous-entend être capable de fournir des caractéristiques techniques si nécessaire, et j’ai pour ma part tendance à lire les règles d’un peu loin, estimant que ça n’est pas l’important dans un JdR, qu’on peut gérer un paquet de contextes différents avec un seul et unique système de règles (le système étant, dans ma conception des choses, adapté à la façon de jouer et non au contexte), et que le regretté M.A.R. Barker n’avait pas franchement tort quand il affirmait « I don’t need rules ».
Pour assurer un minimum de variété, j’ai donc décidé de couvrir quarante contextes différents (et pour un peu plus de difficulté, il me fallait coller « quarante » dans le texte de chacune de mes productions).
J’ai donc commencé par établir une liste des contextes de JdR pour lesquels je me sentais d’écrire un scénar sans avoir besoin de me replonger profondément dans les sources officielles. Au départ, ça a été laborieux : il me semble que je n’en avais même pas vingt. Mais en tirant un peu à gauche à droite, en acceptant de devoir potasser quelques bouquins pour utiliser certains contextes, et en envisageant de traiter des époques historiques, et tout en rejetant quand même systématiquement les contextes dont l’exploitation aurait demandé un temps bibliographique trop important pour que je me les réapproprie correctement (je pense en particulier, mais pas seulement, à Transhuman Space (qui était pourtant, non seulement une idée (fugitive) de ma part, mais une demande de Vaken) ; mais aussi à certains contextes que j’ai finalement utilisés quand même, comme Jorune) j’ai finalement produit une liste qui dépassait largement les quarante.
Du moment que cette liste était établie et m’offrait une marge de sécurité conséquente, j’ai commencé à évoquer mon projet ici-même, le 10 mars.
Évidemment, il était hors de question de me lancer comme ça la plume au vent dans une telle entreprise, en comptant sur ma seule inspiration. D’autant que par principe, je me refusais à inclure dans mes quarante scénarios à écrire des choses que j’aurais eues en stock mais qui seraient restées inédites (et j’en ai pourtant quelques-unes), tout comme je me refusais à exploiter des idées de scénars que j’avais en instance de développement (plus ou moins avancé) avant le début du défi (et j’en ai pourtant beaucoup). Non, tout devait être VRAIMENT inédit, aussi bien pour mes éventuels lecteurs que pour moi : tout devait être créé spécialement pour relever le défi.
Donc comme ça représentait un boulot relativement conséquent, j’ai décidé, ce qui ne surprendra personne, de m’appuyer sur ce formidable outil qu’est le giannirateur de scénarios. J’ai donc, du 10 au 22 mars, fait 39 tirages sur le giannirateur (et un quarantième sur le générateur bondien, car j’avais prévu un scénar pour James Bond). À chaque tirage, je réfléchissais à ce que je pouvais en faire, je l’affectais à l’un des contextes de ma liste (ou éventuellement à un contexte qui n’y figurait pas encore), et je faisais un lissage du résultat : ce qui fait qu’au 22 mars, j’avais quarante ébauches de scénarios (plus ou moins détaillées), comparables à celles que j’avais produites en décembre 2012 lors du NaSceWriMo.
Il me restait alors quarante semaines (et quelques jours) avant la fin de l’année. En tournant à la cadence d’un scénario développé par semaine, c’était donc farpaitement jouable, et le fait d’avoir déjà fait les tirages sur le giannirateur et lissé les résultats devait à mon avis me permettre de gagner deux jours par scénar (donc dans mon esprit, ça donnait quelque chose comme : par semaine, cinq jours pour écrire un scénar, et deux jours pour souffler ; sachant que je comptais produire plus d’un scénar par semaine pendant mes périodes de vacances).
Je me suis donc lancé dans le développement successif des quarante tirages (je crois avoir commencé le 22 mars à écrire le premier des quarante scénarios).
Pour éviter une certaine monotonie (ou en tous cas, une certaine prévisibilité), j’avais choisi de ne pas les développer dans l’ordre dans lequel je les avais obtenus (mais en fait, je crois qu’au bout de quelques mois, les tirages auraient été suffisamment lointains pour que suivre leur ordre originel ne me donne plus une impression de déjà-vu). Cependant, ne voulant pas perdre du temps à décider à chaque fois quel serait le prochain tirage à développer, j’ai fixé l’ordre dans lequel j’allais traiter chacun d’eux, et m’y suis globalement tenu (il y a eu quelques changements, mais c’était pour respecter le principe selon lequel j’avais ordonné les scénars, donc ça ne compte pas vraiment comme des entorses à l’ordre initialement établi).
Contrairement à l’un des conseils de base que je donne (enfin, que je donnerais si on me demandait mon avis) aux scénaristes souhaitant utiliser le giannirateur, je me suis systématiquement astreint à respecter scrupuleusement les éléments obtenus lors des différents tirages (alors qu’en réalité, le giannirateur n’est pas une fin, mais un moyen d’obtenir un scénario, et qu’on peut donc pour ce faire tordre, modifier, transformer le résultat à sa guise, en ignorer des parties, refaire des tirages, etc…). Sauf erreur de ma part, sur l’ensemble des quarante tirages, il n’y a que deux éléments qui ne se retrouvent pas tout à fait dans les scénarios correspondants (je ne compte pas dans ce total les résultats du tirage sur la motivation des personnages, que j’ai plus d’une fois interprétés d’une façon tirée par les cheveux).
Les deux premiers scénars ont dû si ma mémoire est bonne me prendre deux ou trois jours à eux deux : je suis donc parti avec l’impression (hélas trompeuse) que tout ça serait vite réglé. Malheureusement, ça n’a pas été aussi simple ensuite, pour tout un tas de raisons : d’abord pasqu’en semaine, pas moyen de dépoter autant que le ouéquande ; ensuite pasque j’avais probablement été plus inspiré que pour la moyenne pour ces deux là ; pasqu’ils ne m’avaient pas demandé beaucoup de temps en consultation de sources pour me rafraîchir les idées sur leurs contextes respectifs ; et enfin, pasque même à seulement deux jours le scénar et en produisant sans interruption, quarante scénars ça m’aurait quand même occupé pendant près de trois mois, donc le sentiment de rapidité, l’impression que ça va aller vite et que je vais pouvoir passer à autre chose, tout ça aurait assez vite rétrocédé.
Et en l’occurrence, tout ça a effectivement vite rétrocédé, pasque j’ai vite été confronté à la réalité des choses (même si dans le fond et avec le recul, j’ai quand même maintenu une sacrée cadence). Et si au départ le moral était au zénith (j’avais simplement passé un ouéquande à écrire deux scénars, pas une perturbation majeure de mon rythme de vie, ça n’était pas la première fois que je passais un ouéquande sur un projet JdR), assez vite il a baissé (bon, tout est relatif, je n’ai jamais ne serait ce qu’approché le découragement ; mais ma lassitude au fil des semaines a cru de façon substantielle), pasque je n’avais pas la possibilité, en sortant de deux jours intensifs, de buller en m’adonnant à diverses activités récréatives : la quasi-totalité de mon temps de loisirs entre fin mars et mi-octobre a été accaparée par le défi (comme le montre bien la dégringolade flagrante de mes lectures, rôludiques ou non ; en JdR, je n’ai quasiment dû lire que des trucs en rapport avec le scénario que j’étais en train de préparer ; et hors-JdR, je n’ai quasiment rien lu). Et donc forcément, quand on ne peut plus s’évader de son quotidien, tout de suite on s’amuse beaucoup moins.
J’aurais ptêt dû gérer mon temps différemment, d’ailleurs : m’imposer de produire un scénario par semaine, par exemple, puisque j’avais quarante semaines devant moi : pas moins d’un scénario par semaine, mais aussi pas plus. Ça m’aurait permis de souffler un peu entre deux scénars, mais je craignais tellement d’avoir un contretemps qui m’empêche de tenir le rythme (et d’ailleurs, il y a eu (sauf erreur de ma part) quatre semaines « blanches »), et puis plus j’avançais et plus j’avais hâte que tout ça soit bouclé, donc j’ai forcé la cadence. Mais du coup, et comme j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de m’en plaindre, ici en particulier, l’inspiration a eu beaucoup plus de mal à se renouveler, d’une part (pasque plus on sollicite son imagination, plus elle se fatigue et moins elle est originale ; chose que je n’avais jamais eu l’occasion de remarquer avant, en tous cas pas à ce point (mais je l’avais vu à plus petite échelle, quand il faut inventer une liste de noms propres fictifs à la suite par exemple)) ; et d’autre part, ça m’a laissé moins de temps pour développer mes productions, alors que certaines auraient mérité que j’y passe un peu plus de temps (mais là encore, la lassitude a joué).
Quelques éléments supplémentaires en vrac :
– la liste des contextes retenus en mars et la liste des contextes finalement exploités sont légèrement différentes : quelques contextes ont joué aux chaises musicales, et d’autres sont carrément passés à la trappe ;
– contrairement à ce que j’espérais, j’ai dû passer un temps non négligeable à me documenter (ou à me rafraîchir la mémoire), même sur des contextes que je connais en principe bien. Je crois qu’il n’y a que deux scénars pour lesquels je ne suis pas passé par la case biblio (et encore, même là j’ai dû aller lire quelques lignes histoire de vérifier un ou deux détails) ;
– j’ai essayé sur une bonne partie des quarante scénars (à part le premier tiers, en gros) de choisir la musique que j’écoutais pendant mes cogitations en fonction du contexte retenu. Ç’aurait certainement été intéressant (ou au moins amusant) de relever la « bande son » de chaque scénar, mais malheureusement je n’y ai pas pensé au début (et ne l’ai pas fait ensuite). Si j’y pense et si je m’en souviens, j’essaierai de l’indiquer dans mes commentaires sur les scénarios en question.
Voilà en gros pour un premier retour d’expérience « à tiède ». D’ici quelques jours (ou quelques semaines), je commencerai à poster ici les quarante scénars, au rythme d’un par jour, en présentant à chaque fois le tirage, le scénar développé, et des commentaires. Et quand j’aurai ainsi repris mes quarante productions, je ferai un nouveau retex, à froid cette fois, avec les nouvelles remarques qui me seront revenues en mémoire en faisant ce panorama.
Bravo.
Cette analyse est passionnante. Je ne veux pas passer pour un groupie mais je suis impressionné par tout le travail que tu as fourni. J’ai hâte de lire les scénarios que tu as pondu (et tout le travail qui a eu autour, giannirateur, tirage, développement, contexte,…)
Chapeau bas !!!
Oui, chapeau bas, et nous attendons la suite avec impatience (voire gourmandise).
Même chose que Monsieur Asmodeus.
Double chapeau bas.
Mais mais mais… que vois-je? Le quarantième scénario est dans Glorantha…! Ne jamais dire jamais. ;-)
Je l’avais annoncé à l’époque… Et tu perds la boule, car je t’avais sollicité (infructueusement certes) au sujet du sort du Pharaon.
Je n’ai pas compris la blague du titre.
Quarantième scénario bouclé le 13 octobre, bilan publié le 16 octobre : on n’est plus vraiment à chaud, là. J’avais d’ailleurs annoncé le 13 que ce premier bilan global serait à tiède. D’où le titre.