Scénario pour Black Ops.
Ce scénario peut très facilement être utilisé avec d’autres jeux fantastiques-contemporains « à organisation », comme Conspiracy X (sous réserve d’admettre l’existence d’une espèce supplémentaire d’extra-terrestres) ou Delta Green (bien qu’il n’ait rien de cthulhien).
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin…
Drôles de Dames (Charlie’s Angels)
Le Checkerboard (Damier), région du nord-ouest du Nouveau-Mexique où se mélangent et s’imbriquent, en une mosaïque complexe qui lui donne son nom, terres indiennes appartenant à la réserve navajo et terres occupées par d’autres habitants, est depuis quelques temps le théâtre d’évènements inhabituels : plusieurs habitations de la petite ville de San Joaquin, dans le comté de McKinley, ont été incendiées en pleine nuit, faisant à chaque fois des victimes (dont le maire et plusieurs notables). La police n’a trouvé aucun indice sur les lieux, et l’émoi et la tension sont d’autant plus importants qu’il y a également depuis quelques jours un nombre anormalement élevé de décès soudains, attribués à des AVC (accidents vasculaires cérébraux). L’information est remontée jusqu’à la Compagnie, où certains analystes soupçonnent une intervention surnaturelle, et les personnages sont envoyés sur place pour faire cesser les incendies, en découvrir la cause (les analystes pensent qu’il s’agit d’un Charlie, un cas classique de pouvoirs psioniques qui se seraient manifestés brutalement et de façon incontrôlée, soit chez un ou deux (selon qu’incendies et morts subites ont ou non été causés par la même personne) nouveaux arrivants, soit chez un ou deux adolescents devenus pubères), et l’éliminer (ou le capturer pour l’étudier, pour ceux des personnages qui appartiennent au département scientifique de la Compagnie).
Ce qui se passe réellement
Une soucoupe volante s’est écrasée de nuit près de San Joaquin, en lisière de la réserve navajo. Ses occupants sont des extra-terrestres reptiloïdes de petite taille, ressemblant à des salamandres bipèdes (oui, je sais pertinemment que les salamandres ne sont pas des reptiles) : les joueurs leur donneront probablement un nom de leur cru, mais pour faciliter la lecture du scénario, nous les appellerons mandroïdes. Ils sont capables de contrôler les humains par télépathie (un seul humain par mandroïde à la fois), mais cela se traduit par une hausse de la température cérébrale de leur hôte ; si le contact télépathique est suffisamment court, l’hôte s’en sert généralement sans séquelles graves (bien qu’il y laisse des neurones en nombre plus ou moins grand), mais dans la plupart des cas, cette hausse de température se traduit par sa mort au bout d’un certain temps, et en cas d’utilisation intensive de ce contrôle télépathique, cela peut aller jusqu’à la combustion spontanée : c’est ce qui a provoqué les incendies.
Les mandroïdes cherchent un moyen de réparer leur soucoupe volante. Ils ont réussi à camoufler l’épave, et cherchent dans la population humaine avoisinante quelqu’un qui aurait les compétences scientifiques et techniques nécessaires pour procéder aux réparations : ce sont ces explorations télépathiques intenses qui ont causé la mort de plusieurs habitants de San Joaquin.
Les mandroïdes eux-mêmes n’ont pas les connaissances nécessaires pour réparer leur appareil mais, induits en erreur par un épisode d’une série télévisée de SF captée par leurs instruments de bord avant l’accident, ils sont persuadés (à tort…) que certains humains en seraient capables.
Les mandroïdes se déplacent à bord d’une soucoupe antigrav d’environ deux mètres de diamètre, avec un garde-corps haut d’une dizaine de centimètres sur toute la circonférence, et capable de s’élever jusqu’à dix mètres du sol et de voler jusqu’à 80 km/h. Ils ne l’utilisent que de nuit, pour ne pas être repérés (ce qui explique qu’incendies et décès surviennent toujours en pleine nuit). De jour, leur appareil est dissimulé à proximité de l’épave de leur vaisseau spatial, où ils se réfugient. Leurs capacités télépathiques ont une portée d’une dizaine de mètres (en général, une fois l’hôte contrôlé, ils s’en approchent et se perchent sur son épaule ou se dissimulent si nécessaire sous ses cheveux (s’ils sont assez longs) ou dans ses vêtements, un sac, etc…).
Tels la salamandre des légendes, les mandroïdes ne craignent pas le feu : ils sont donc capables de sortir indemnes de l’incendie d’une maison provoqué par la combustion du cerveau de leur hôte (ou d’une attaque au lance-flammes par les personnages).
À feu et à sang
Les black ops débarquent à l’aéroport de Gallup, la capitale du comté, où les dépose un avion de transport de la Compagnie. Comme véhicules, ils disposent d’un van noir aux vitres teintées, et de plusieurs motos tous terrains, acheminés en même temps qu’eux. Enfin, étant donné qu’on suspecte l’implication de psioniques, on leur a fourni des boucliers psioniques (Psionic Shield, GURPS Psionics p 73).
San Joaquin s’est quasiment vidée de ses habitants, effrayés par la série d’incendies et de décès inexpliqués. Les personnages vont donc avoir du mal à enquêter auprès de la population.
Les enquêtes initiales ont été menées par des policiers venus de Gallup. Les départs de feu venaient tous de l’intérieur des maisons, et l’un au moins des occupants a systématiquement été retrouvé à proximité immédiate de chacun d’eux, la tête complètement carbonisée. S’ils approfondissent le sujet, les personnages peuvent remarquer que la plupart des départs de feu se situaient près d’un ordinateur (les mandroïdes ont contraint leurs hôtes à utiliser internet pour y faire des recherches afin de compléter leurs connaissances, insuffisantes pour procéder aux réparations de l’appareil extra-terrestre).
Les corps des victimes ont été déposés à la morgue de Gallup. Des autopsies ont été pratiquées, mais les cerveaux n’ont pas été ouverts : si les personnages procèdent à cette opération, ils découvrent que l’intérieur de l’encéphale des morts est comme brûlé. Là aussi, la plupart des cadavres ont été découverts près d’un ordinateur (ou dans une bibliothèque).
Incendies et décès suspects n’ont pas cessé avec le dépeuplement presque complet de San Joaquin : de nouveaux cas sont signalés chaque nuit dans l’un ou l’autre des villages des environs. La police locale est complètement dépassée, n’ayant découvert aucune piste, et les personnages eux-mêmes devraient piétiner. Chez les habitants par contre (et en particulier chez les Navajos), la réaction varie entre panique, psychose, et colère contre les autorités qui ne parviennent ni à mettre la main sur le pyromane, ni à faire cesser l’épidémie. Beaucoup de gens quittent les environs, les Indiens partant vers le cœur de la réserve, les autres partant vers l’est où se trouvent Albuquerque et Santa Fe.
Par le grand Manabozho
Lorsque les personnages auront bien pataugé, rassemblé des indices qu’ils ne sauront pas expliquer, et imaginé des fausses pistes ne les ayant menés à rien, et une fois qu’ils se seront fait remarquer par les quelques personnes restées sur place, à poser des questions sur les phénomènes et à circuler dans la région en moto, ils seront contactés par un Navajo de quarante ans. L’homme est grand, maigre, avec une patte d’oie marquée au coin de chaque œil, une moustache (ce qui est rare chez les Indiens) et l’air moqueur (d’ailleurs, il a tendance à rire pour un oui pour un non). Il déclare aux personnages qu’il peut leur fournir des informations cruciales sur ce qui se passe vraiment, mais qu’il veut être payé en échange : le prix qu’il demande est l’une de leurs motos tous terrains.
Cet Indien, nommé Jim Benolly, est un lycanthrope : un coyote-garou (ce qui le rend en particulier insensible aux attaques télépathiques des mandroïdes) ; mais les personnages ne le savent bien évidemment pas. Même sous sa forme crinos (manabozho), un coyote-garou est moins puissant qu’un loup-garou, mais il compense par une subtilité plus grande. Le MJ pourra éventuellement piocher quelques idées dans Nuwisha (le supplément Werewolf : the Apocalypse sur les coyotes-garous), bien qu’une grande partie de ce supplément ne soit sans doute pas réutilisable ici.
Errant dans les environs semi-désertiques sous sa forme canine, Benolly a vu les mandroïdes sortir leur engin antigrav de sa cachette et partir en direction de San Joaquin (puis, car la curiosité l’a poussé à revenir chaque soir, vers d’autres lieux où se sont produits incendies et morts inexpliquées). Il les a suivis (de loin, car l’appareil l’a rapidement distancé) et a vite compris qu’ils étaient à l’origine de ces mystérieux évènements. Il peut donc mener les personnages jusqu’à la cachette, ou leur en indiquer l’emplacement sur une carte.
Une fois en possession de la moto, Benolly indique aux personnages qu’ils trouveront des explications à l’emplacement de la cachette. Il restera évasif sur la nature des explications en question, mais pourra si on le lui demande confirmer qu’il s’agit de « choses pas naturelles ». Une fois ses indications fournies, il sera pressé de partir à travers le désert au guidon de sa moto, hilare et sans casque.
Le vaisseau du désert
La soucoupe antigrav est dissimulée sous un surplomb rocheux, recouverte d’un amas de broussailles (que les mandroïdes mettent à chaque fois près d’une heure à remettre en place, en raison de leur petite taille). L’épave de la soucoupe volante est quant à elle cachée à une vingtaine de mètres de là, sous un amas de petites pierres et de broussailles (l’appareil mesure sept mètres de diamètre environ : en conditions normales, la soucoupe antigrav en est la partie inférieure, fixée par de solides systèmes de verrouillage, mais détachable ; mais pour des raisons pratiques, les mandroïdes la gardent détachée).
Il est probable que les personnages ne prêtent dans un premier temps pas d’attention particulière aux mandroïdes s’ils les remarquent : à moins qu’ils n’aient de bonnes connaissances herpétologiques sur la faune du Nouveau-Mexique, ils les prendront sans doute pour de simples lézards ou salamandres. Le sas d’accès à l’intérieur du vaisseau spatial, lorsqu’il est fermé et verrouillé (ce qui est toujours le cas, sauf lorsque ses occupants y entrent ou en sortent), est indiscernable du reste de la coque, et la soucoupe antigrav est dépourvue de commandes visibles car les mandroïdes pilotent leurs appareils par leurs seules facultés mentales.
L’invasion des touristes
Si les personnages décident de planquer à proximité des appareils extra-terrestres, ils assisteront à l’arrivée sur place d’un camping-car de touristes. Il s’agit d’une famille de quatre personnes (les parents et leurs deux enfants de dix à douze ans, un garçon et une fille, comme de bien entendu turbulents et fouineurs). Ils ont trouvé le paysage joli et ont décidé de s’arrêter pour camper là. Évidemment, les enfants vont découvrir les engins extra-terrestres, et peut-être aussi les personnages en planque… Ils pourraient même leur faire rater le départ de la soucoupe antigrav. À moins qu’ils ne soient les prochaines victimes des mandroïdes…
Invasion de la vie privée
Si les personnages s’intéressent manifestement beaucoup aux appareils mandroïdes et les examinent de près, les extra-terrestres, s’ils les ont remarqués (car ils passent quand même une bonne partie de la journée à dormir à l’intérieur de leur vaisseau spatial), en déduiront qu’ils sont probablement capables de procéder aux réparations nécessaires, et tenteront de les contrôler télépathiquement. Ceci fait courir un réel risque aux personnages qui seraient victimes des mandroïdes, mais ils peuvent résister normalement à la tentative de contrôle télépathique, et les boucliers psioniques leur accorderont une protection bienvenue. Si un personnage est victime du contrôle télépathique d’un des extra-terrestres, il suffira à ses compagnons de l’emmener (de force) suffisamment loin de son agresseur pour briser le contact psionique et lui permettre ainsi de reprendre ses esprits.
Allô Papa Tango Charlie
Une fois que les personnages auront réalisé ce que sont les mandroïdes (par exemple, en se rendant compte que la soucoupe antigrav vient de s’envoler avec seulement à son bord ces drôles de lézards qui sont maintenant en train de pousser par dessus bord les broussailles qui la recouvraient, avant de partir à grande vitesse ; en suivant la direction prise par l’engin en pleine nuit, à travers le paysage rocailleux ; et en arrivant trop tard près de maisons en flammes dont ils verront sortir les extra-terrestres), ils pourront tenter de les capturer ou de les éliminer (selon les directives de leurs départements respectifs). De même, les soucoupes seront ou non détruites selon que le département technologie a son mot à dire dans l’histoire…
Évidemment, capturer ou éliminer une créature agile aussi petite qu’un mandroïde ne sera pas forcément facile ; surtout si elle est armée d’un fusilaser à sa taille (car dès lors que les personnages se seront montrés hostiles et dangereux, et insensibles à la télépathie du fait de leurs boucliers psioniques, les extra-terrestres n’hésiteront pas à employer contre eux le contenu de l’armurerie de leur vaisseau). Cela permettra au MJ de mettre en scène plusieurs situations plus ou moins cocasses, telles qu’une poursuite à la recherche d’un mandroïde dans la rocaille et les buissons, ou une fusillade entre des humains et des bestioles hautes de moins de vingt centimètres…
L’un au moins des black ops devrait se retrouver en fâcheuse posture, quand un grand coyote surgira soudain pour se jeter sur le mandroïde qui le menace de son arme et le broyer dans sa gueule. Il s’agit bien évidemment de Jim Benolly, revenu par curiosité voir ce qui se passait près des soucoupes (ou dans le village en flammes où se trouvent les personnages). Le coyote s’enfuira aussitôt, mais les témoins de son intervention le verront, à la seule lueur de la pleine lune, reprendre forme humaine à quelque distance et enfourcher une moto d’un modèle familier aux black ops…
Black Ops et Vil Coyote
Les mandroïdes sont capturés ou éliminés, mais certains personnages pourraient maintenant vouloir s’occuper du coyote-garou. L’équipe pourrait se trouver face à un cas de conscience : certes, Benolly les a aidés, mais les black ops du département combat voudront certainement l’éliminer quand même par principe, et ceux du département scientifique le capturer pour qu’il puisse faire l’objet d’études. Dans ce cas, le coyote-garou devrait au moins leur donner du fil à retordre : il connait la région comme sa poche, peut se transformer, et s’il est poursuivi, il amènera les personnages près de véritables coyotes, espérant créer ainsi une confusion lui permettant de filer discrètement sous sa forme animale.
Que se passe t-il si les personnages échouent ?
Les mandroïdes continuent leur quête d’un humain capable de réparer leur soucoupe volante, semant mort et incendie de plus en plus loin de leur épave. En quelques jours ils arrivent à Gallup. La Compagnie décide alors d’envoyer une autre équipe, qui sera plus efficace. Et les personnages auront la réputation peu enviable d’être ceux qui n’ont pas réussi à empêcher une poignée de lézards de mettre le Nouveau-Mexique à feu et à sang…
Pourquoi Benolly n’a t-il pas réglé le problème tout seul, puisqu’il n’est pas affecté par les attaques télépathiques des mandroïdes ?
D’une part, il ignore ce fait (il ignore d’ailleurs comment les mandroïdes agissent).
Ensuite, s’il a bien identifié les mandroïdes, il a aussi remarqué qu’ils disposaient d’armes laser (il les a vus tuer des rapaces qui s’apprêtaient à fondre sur l’un d’entre-eux), face auxquelles il n’a aucune protection.
Nutrisco et extinguo
Les mandroïdes seraient ils des visiteurs réguliers de la Terre, et seraient ils à l’origine de la légende de la salamandre insensible au feu ? La Compagnie pourrait se pencher sur cette question. Mais ceci est une autre histoire…