Scénario pour Spelljammer.
Les références CAS renvoient au livret Concordance of Arcane Space de la boîte Spelljammer, LS à Lost Ships, LV au livret Lorebook of the Void de la boîte Spelljammer, et RB à Rock of Bral.
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin…
On the Rock
Les personnages contrôlent un petit navire spatial. Ils se trouvent actuellement au Roc de Bral (Rock of Bral), dans une taverne (par exemple Le beholder rieur (The Laughing Beholder, RB p 78)), en quête d’une piste pour leur prochaine aventure.
L’un des clients, un vieillard chenu dénommé Narmath, ancien bourlingueur de l’espace désormais trop âgé (et trop usé) pour continuer à naviguer, en vient à leur raconter une histoire intéressante (du moins si elle est vraie), un souvenir vieux de près de soixante ans que leur discussion lui a brusquement remis en mémoire. À noter que Narmath ne prend aucune précaution pour que personne d’autre n’entende son récit : si les aventuriers jugent qu’il contient des informations dont ils devraient avoir l’exclusivité, c’est à eux de faire en sorte que la discussion devienne confidentielle (sauf cas très particulier, Luigi verra d’un mauvais œil (!) l’utilisation de magie au beau milieu de sa grande salle).
À l’époque, Narmath, dont c’était le premier voyage dans l’espace, était mousse à bord d’un poisson (tradesman, CAS p 33, LV pp 25/27), le Tahamalar, dont le capitaine avait découvert une carte spatiale qui indiquait l’endroit où se trouvait une couronne des étoiles (crown of the stars, CAS pp 37/38).
La couronne des étoiles est l’objet magique le plus précieux à Spelljammer, reliques exceptées, et pas seulement parce qu’elle est au moins en partie faite d’argent : le récit de Narmath devrait donc intéresser prodigieusement les personnages, qui voudront sans doute se mettre en quête de cette couronne…
Malheureusement, le Tahamalar n’est jamais arrivé à destination : ayant découvert un cimetière de navires spatiaux, il s’en est approché pour voir s’il n’y avait personne à sauver (et surtout rien à récupérer sur les épaves), et s’est à son tour retrouvé pris au piège (il s’agit d’une zone de Sargassos, LS pp 37/38 ; en bon français, les sargasses sont de grandes algues flottantes, et leur nom ne constitue donc pas une traduction satisfaisante). Plus petit du fait de son jeune âge, et ayant de ce fait des besoins en air moindres, Narmath a été secouru par des elfes qui se sont approchés de l’épave à dos de sarphardin (LS pp 93/94). Il avait perdu conscience, mais tous ses compagnons étaient morts. Pendant les nombreuses années qu’il a ensuite passées à rouler sa bosse à travers l’espace, il n’est jamais retourné à proximité du cimetière de navires, mais il présume que la fameuse carte doit toujours se trouver à bord, dans le coffre-fort de la cabine du capitaine.
Si les personnages sont intéressés, Narmath peut leur expliquer où se trouve le cimetière de navires. Il peut également leur fournir quelques explications sur comment échapper au phénomène, mais ses explications seront incomplètes et en partie erronées.
Si les aventuriers n’ont pas réussi à amener Narmath à faire preuve d’un minimum de discrétion, il est probable qu’une ou deux expéditions concurrentes se montent en direction du même objectif. Dans ce cas, il faudra faire preuve de rapidité, pour parvenir au Tahamalar avant les autres…
Rencontre avec un Dandy
La zone où se trouve l’épave du Tahamalar est située dans une région éloignée et assez peu fréquentée de la sphère de cristal où sont les personnages.
Du fait de la dérive due aux courants spatiaux, elle ne se trouve plus à l’endroit indiqué par Narmath. Les aventuriers croiront peut-être à de fausses indications, mais s’ils étudient les mouvements de l’espace (par exemple en mettant en panne et en examinant la dérive de leur navire), ils peuvent se rendre compte de l’existence d’un courant et en déterminer la direction et la vitesse. En partant du principe que ce courant se dirige en ligne droite tant qu’aucun corps céleste n’est sur sa route pour le perturber (principe qui n’est pas forcément exact), ainsi que de celui que la vitesse du courant est uniforme et entraîne un amas d’épaves à la même allure qu’un vaisseau isolé (autre principe pas forcément exact non plus), les personnages peuvent estimer l’endroit où le cimetière se trouve désormais, soixante ans plus tard.
L’existence de cette dérive dans le scénario n’a pas pour but de les empêcher d’atteindre le cimetière de navires, et découvrir son emplacement actuel, même en procédant par tâtonnements, ne sera pas une tâche insurmontable.
Peu avant d’atteindre la zone, le navire des aventuriers sera approché par un galion de quarante tonneaux (CAS p 29, LV p 32/33), le Dandy du phlogiston. Il a un équipage de vingt personnes, qui gagne sa vie de façon peu reluisante : un peu de commerce plus ou moins légal, la piraterie, le pillage d’épaves ou de navires en perdition, etc… La commandante du Dandy, Gloréane de Tacoban (dont certains prétendent que la particule n’est pas un authentique titre de noblesse), connait l’existence du cimetière de navires, ainsi que ses propriétés particulières qui font qu’il est si dangereux de s’y aventurer. Voyant que les personnages se dirigent vers lui, elle en déduit qu’il s’agit de leur destination, qu’ils vont y chercher quelque chose dont la valeur compensera largement les risques encourus, et qu’ils savent comment s’en sortir.
Le Dandy va dans un premier temps tenter de suivre discrètement le navire des aventuriers. Comme il n’y a pas grand chose dans l’espace pour se dissimuler, il sera probablement repéré assez rapidement. Quand cela sera manifeste, il s’approchera alors franchement des personnages, et se fera passer pour un navire corsaire assurant la sécurité dans cette zone pour le compte d’une des puissances spatiales de cette sphère de cristal (si possible une puissance jouissant d’une réputation honorable). Gloréane de Tacoban et son équipage ont une certaine habitude de ce rôle de composition (jusqu’à de pseudo-uniformes que les marins endossent pour une telle occasion). La commandante profitera de cette tentative de bluff pour essayer de se renseigner sur les raisons qui amènent les aventuriers dans ces parages, et les mettra en garde contre les pirates que l’on peut selon elle y croiser occasionnellement. S’ils abordent sur le sujet, Gloréane peut expliquer aux personnages comment éviter de se faire piéger par le cimetière de navires (les explications qu’elle leur fournira seront la bonne méthode, qui différera peut-être de ce qu’on leur aura expliqué au Roc de Bral avant leur départ).
Évidemment, les personnages ne se laisseront peut-être pas approcher par le navire mystérieux sans déclencher eux-mêmes les hostilités, même si ledit navire arbore le pavillon d’une nation honorablement connue…
Si le navire des aventuriers est suffisamment puissant ou trop rapide pour qu’un galion ne représente pas un adversaire à sa hauteur, remplacez celui-ci par un vaisseau plus gros, et augmentez son équipage en conséquence.
Après la rencontre avec le Dandy du phlogiston (qui continuera sa route à peu près à angle droit avec la direction prise par les personnages si l’épisode s’est déroulé pacifiquement ; mais c’est pour ne pas s’éloigner trop loin de la zone, car ils comptent bien revenir une fois que les aventuriers repartiront avec leur supposé butin), le reste du trajet jusqu’au cimetière de navires se déroulera sans incident.
Le cimetière marin
Le cimetière se compose d’un amas en trois dimensions de plusieurs dizaines d’épaves entremêlées par leurs gréements, leurs rames, et d’une manière générale, par tout ce qui dépasse. Certaines semblent encore en état de naviguer (à condition qu’on les sorte de là), d’autres ne sont plus que des carcasses de navires démembrées et disloquées.
Les plus anciens de ces navires se sont échoués accidentellement dans cette zone sans magie. Les autres se sont fait piéger en tentant de secourir ou de piller leurs prédécesseurs. Enfin, certains sont arrivés là comme des épaves dérivantes poussées par les courants spatiaux (qui au fil des siècles ont fait dériver l’ensemble de plus en plus loin des zones fréquentées).
Il y a plusieurs poissons parmi les navires accumulés ici, et aucun signe distinctif ne permet de distinguer le Tahamalar des autres. De toutes façons, les personnages vont devoir s’aventurer eux-mêmes dans l’amas d’épaves, en prenant bien soin de maintenir leur vaisseau hors de portée du phénomène qui l’a créé.
Il n’y a pas d’atmosphère dans le cimetière, et comme la magie n’y fonctionne pas, les aventuriers devront dans un premier temps résoudre le problème de l’air respirable, ou se contenter de brèves incursions sur les épaves (ce qui ne leur permettra pas de réaliser grand chose, à moins qu’ils ne fassent en sorte de libérer les navires l’un après l’autre et ne parviennent à les faire sortir de la zone pour les explorer à loisir). Une solution pourrait être d’envoyer un vaisseau inhabité avec une atmosphère non viciée s’écraser dans le cimetière, ce qui réglerait le problème pour un bon moment ; mais les personnages n’en ont sans doute pas un sous la main…
Suivant la puissance des personnages, le cimetière peut être complètement désert, ou abriter divers habitants, par exemple des scavvers (LV pp 85/86), des morts-vivants (autrefois membres de l’équipage de certaines des épaves), voire un krajen (LV pp 81/82) qui pourrait leur donner bien du fil à retordre, surtout s’il est suffisamment gros pour attraper leur navire et l’atirer dans la zone.
Pilleurs d’épaves
À moins que les aventuriers n’aient obtenu de Narmath des informations qui leur faciliteraient la découverte du Tahamalar dans le fouillis du cimetière (genre « Il était bord à bord avec un nautiloïde »), ils n’ont aucun moyen d’orienter leurs recherches, et vont donc devoir explorer les épaves des poissons une par une. Cette phase peut durer aussi longtemps que vous le désirez, jusqu’à ce qu’ils découvrent dans l’un des navires un livre de bord tombant en morceaux portant le nom du vaisseau qu’ils recherchent. Dans la cabine du capitaine de ce qui reste du navire, ils trouveront effectivement un coffre-fort. Celui-ci est bien entendu fermer, mais ne devrait pas résister aux efforts que les personnages ne manqueront pas de fournir pour l’ouvrir.
Le coffre-fort contient quelques gemmes et une coquette somme en pièces d’or, ainsi que divers documents, en particulier les titres de propriété du Tahamalar, une lettre de course (émise par l’État dont Gloréane de Tacoban prétendait elle aussi être corsaire), et des cartes spatiales. Tous ces documents, conservés à l’abri du coffre, ont été beaucoup mieux préservés du passage des décennies que le livre de bord.
Les cartes spatiales correspondent pour la plupart à la sphère de cristal où se trouvent les personnages. Certaines sont particulièrement détaillées, avec moult précisions et enluminures ; d’autres sont de simples schémas, grossièrement griffonnés par un navigateur. Parmi celles-ci se trouve celle que les aventuriers étaient venus chercher : elle porte une croix ansée noire tracée à peu de distance du soleil de la sphère. À côté de la croix ansée est dessinée une main entourée de bandelettes : le symbole du dieu Ptah.
Les personnages pourraient avoir l’idée de piller les épaves du cimetière pour en ramener les fauteuils de navigation (spelljamming helms), qui valent extrêmement cher. Mais bien entendu, il y a longtemps que des pillards ingénieux s’en sont chargés, et aucun des navires présents n’a conservé le sien. L’exploration des divers navires peut permettre de ramener quelques trésors en pièces de monnaie, pierres précieuses et bijoux, voire éventuellement quelques objets magiques, mais il faudra chercher minutieusement, car de nombreux pillards sont passés par ici avant les aventuriers…
Le retour du Dandy
Lorsque les personnages auront réussi à quitter le cimetière et à rejoindre leur navire, ils croiront pouvoir étudier tranquillement la fameuse carte au trésor.
Malheureusement pour eux, ils seront rapidement dérangés par le Dandy du phlogiston. Les ayant vu s’éloigner de la zone, Gloréane de Tacoban en a déduit qu’ils y avaient récupéré ce qu’ils étaient venus y chercher, et qui ne peut être que précieux, vus les risques encourus pour mettre la main dessus. Après s’être approchés aussi près que possible en continuant à se faire passer pour un patrouilleur, les pirates attaqueront le navire des aventuriers et tenteront de l’aborder, espérant bénéficier de l’effet de surprise.
Si le Dandy est sérieusement endommagé, Gloréane de Tacoban tentera peut-être de rompre le combat et de fuir, auquel cas elle suivra ensuite les personnages discrètement et les attaquera à nouveau si une occasion propice se présente.
À noter que l’abordage pourrait avoir lieu dans des conditions différentes, si les personnages se retrouvent bloqués dans le cimetière et font des signaux au Dandy du phlogiston, qui se sera alors rapproché et sera visible, pour qu’il vienne les tirer de ce mauvais pas : les pirates pourraient choisir ce moment où le navire des aventuriers est sans magie, incapable de manœuvrer et particulièrement vulnérable.
La carte au trésor
Une fois le problème des pirates réglé (ou repoussé à plus tard), les personnages pourront enfin se pencher sur la fameuse carte.
Malheureusement, il sera très délicat de l’interpréter correctement : les astres étant en mouvement les uns par rapport aux autres, ce qui se trouvait il y a soixante ans à l’emplacement indiqué par la croix s’est très certainement déplacé. Aucune méthode ne permet d’en calculer la position actuelle avec le peu de données fournies par la carte et les annotations qui y sont portées. Cependant, la distance entre le point correspondant à la croix et le soleil est mesurée avec une précision relativement bonne : faute de mieux, les aventuriers peuvent partir du principe qu’il s’agit d’un objet en orbite stable autour du soleil, se placer sur la même orbite dans le plan de l’écliptique et parcourir une révolution dans le sens inverse du sens de rotation habituel des astres dans cette sphère de cristal : s’il y a quelque chose d’autre sur cette orbite, ils devraient finir par le rencontrer.
Évidemment, nous parlons ici de dimensions astronomiques, et le moindre petit écart représente une distance tellement importante qu’elle est difficile à appréhender. Mais dans un monde où les engins spatiaux voyagent grâce à la magie, il n’est pas inconcevable que l’on puisse atteindre une précision comparable à celle des ingénieurs des agences spatiales de notre propre monde.
Sur une orbite située si près du soleil de cette sphère de cristal, la température est particulièrement élevée et difficile à supporter. Les objets métalliques en particulier (à commencer par les armes et les armures) sont presque brûlants.
Complètement barge !
Les personnages se diront probablement qu’ils sont sur la bonne orbite et qu’ils touchent au but lorsqu’ils rencontreront une barge de Ptah (LS pp 40/42). Malheureusement, ses occupants ne sont pas amicaux : il s’agit d’une barge de mort (death barge, LS p 42) : son équipage est devenu mort-vivant. Peut-être que l’aspect de la barge, avec des espars cassés, des voiles trouées, et d’autres avaries mineures, mettra la puce à l’oreille des aventuriers. Quoi qu’il en soit, le navire se dirige vers le leur et les attaque. Il ne fera pas de quartier et devra être détruit.
Les morts-vivants ont pour mission d’assurer la défense de l’objectif des personnages : un temple de Ptah, creusé dans un petit astéroïde retaillé en forme de pyramide gigantesque, situé un peu plus loin sur cette orbite, et que les aventuriers apercevront au loin une fois le combat terminé. Il s’agit d’une version de plus grande taille de la pyramide volante (LS pp 49/51), et après avoir laborieusement affronté les morts-vivants sur leur barge, ils pourraient craindre d’avoir affaire à trop forte partie, et renoncer (pour éventuellement revenir plus tard avec des moyens plus puissants).
Cette décision, qui pourrait paraître sage (une pyramide volante de taille normale peut être occupée par plusieurs centaines de morts-vivants, souvent avec une puissante momie ou liche à leur tête, et les aventuriers ont peut-être déjà entendu parler du Pharaon Noir (voire joué le scénario Pharaoh the Stars than Thee, LS pp 21/23)). Mais cela ne changerait rien à l’affaire : car s’ils abordent la pyramide, ils se rendront compte assez rapidement que d’autres pilleurs d’épaves les ont précédés : les morts-vivants sont définitivement morts (éventuellement, il pourrait en rester quelques-uns, bloqués dans une salle fermée ou derrière un éboulement), et les précédents visiteurs ont fait main basse sur les trésors, y compris sur la couronne qui ceignait probablement le front de la liche qui gît désormais décapitée et bien morte (mais on voit nettement la marque laissée par quelque chose qui lui serrait la tête).
Eh oui : en soixante ans, il n’est pas vraiment étonnant que d’autres soient passés avant les personnages…
Épilogue
Si vous voulez les remettre sur la piste, les aventuriers qui sont passés avant eux auront laissé un graffiti permettant de les identifier (du genre « Nordrup était ici »). Nordrup est un capitaine célèbre, mais lui et ses compagnons se font vieux désormais, et les personnages pourraient envisager de leur dérober la fameuse couronne. Mais ceci est une autre histoire…