Scénario de voyage dans le temps.
Si vous êtes censés participer à ce scénario en tant que joueurs, ne lisez pas plus loin…
Les personnages appartiennent à une organisation qui maintient l’intégrité et la bonne continuité de la trame temporelle en luttant contre ceux qui tentent de la modifier (ou risquent de le faire involontairement), telles que la Patrouille du temps de Poul Anderson, le Time Corps de Timemaster ou celui de GURPS Time Travel / Infinite Worlds : elle sera ci-après désignée sous le terme Patrouille du Temps. Les voyages dans le temps se font au moyen d’appareils légers à peu près de la taille d’une moto, capables d’emporter une ou deux personnes, et que, pour pouvoir les désigner commodément, nous appellerons ci-après chronoscooters.
Le présent scénario tourne autour du chirurgien et flibustier Alexandre-Olivier Exquemelin, l’auteur de l’Histoire des avanturiers qui se sont signalez dans les Indes, ouvrage sur lequel se base en grande partie notre conception des pirates des Caraïbes. On connait très mal la vie d’Exquemelin (malgré la thèse que lui a consacrée Henri Pignet en 1939, thèse qui s’est avérée hautement fantaisiste), et le peu que l’on en sait est parfois contradictoire. N’étant pas un spécialiste mais devant faire des choix, j’ai adopté la version que l’on trouve dans l’article Une note critique à propos d’Exquemelin : Exquemelin est originaire de Honfleur, s’est embarqué le 2 mai 1666 au Havre pour l’Île de la Tortue (où il est arrivé le 7 juillet), y a été « engagé » (un statut similaire à l’esclavage, mais pour une durée déterminée) auprès d’un planteur, puis a été flibustier de 1668 à 1672 avant de retourner une première fois en Europe. Je suis également parti du principe qu’il avait bien participé à l’expédition d’Henry Morgan contre Panama en décembre 1670 et janvier 1671, et juste avant cela à la prise du bourg de La Rancheria sur la rivière de la Hache, fin 1670.
Disposer d’une des versions du livre d’Exquemelin contenant le récit de cet épisode sera très utile au MJ.
Vol de scooter sur le campus
La Patrouille du Temps charge les personnages d’enquêter sur la disparition d’un des chronoscooters de la faculté d’histoire. L’absence de l’appareil a été constatée en début de matinée et le vol a probablement eu lieu durant la nuit précédente. Tous les scooters de la faculté sont équipés d’un mouchard indiquant à quelle époque (mais pas à quel endroit) ils se trouvent « actuellement » : celui-ci est en 1666 (la date précise importe peu ; d’ailleurs, elle est susceptible de changer plusieurs fois).
Une enquête menée au sein des locaux universitaires permettra assez facilement d’identifier le coupable (par exemple, au moyen du film d’une caméra de vidéosurveillance) : il s’agit d’un étudiant en thèse qui a la particularité d’être lié à l’un au moins des personnages (neveu, cousin, etc…) : ce personnage devrait vouloir résoudre l’affaire et récupérer le scooter et son voleur, tout en s’efforçant de faire en sorte que ce dernier pâtisse le moins possible des conséquences de son geste. Par souci de simplicité, cet étudiant sera ci-après désigné sous le nom de Renaud Hoarand.
En général, les thésards ayant besoin de se rendre dans le passé pour étudier leur sujet de plus près le font en louant auprès de l’université un chronoscooter et les services d’un pilote, voyageur temporel expérimenté. Renaud bénéficiait d’ailleurs d’une bourse d’études qui aurait dû couvrir ces frais : mais, avec l’insouciance de la jeunesse, il a dilapidé cet argent en loisirs variés, et n’a plus d’autre solution pour faire avancer sa thèse que de partir seul en « empruntant » un scooter.
Avant de partir à sa poursuite en 1666, les personnages devraient s’intéresser un peu à lui, pour savoir quels endroits il est susceptible d’être parti visiter (et se préparer une couverture adéquate). Ils découvriront facilement que Renaud prépare une thèse consacrée à Alexandre-Olivier Exquemelin, le chirurgien des Frères de la Côte. 1666 étant l’année où celui-ci est arrivé à l’Île de la Tortue, Basse-Terre, port situé sur la côte sud de cette île, constitue un point de départ très plausible. Les patrouilleurs penseront peut-être à se munir d’une des versions de l’ouvrage d’Exquemelin, qui leur fournira d’intéressantes indications biographiques, ou d’une copie des notes prises par Renaud pour sa future thèse.
L’Île de la Tortue
Peu après l’arrivée des personnages à La Tortue, ils constateront que le signal du mouchard indique que le chronoscooter dérobé par Renaud Hoarand a quitté cette époque pour quelques temps plus tard. Séjourner quelques temps en 1666 leur permettrait cependant de s’imprégner de l’atmosphère du lieu, d’avoir des contacts avec des flibustiers, et surtout de rencontrer Exquemelin et peut-être de nouer certains liens avec lui : cela pourrait éventuellement leur servir plus tard, bien qu’ils l’ignorent. À l’époque, Exquemelin est travailleur engagé auprès d’un maître particulièrement dur : il ne devrait pas être difficile de gagner ses bonnes grâces en lui donnant un coup de main pour une tâche pénible, par exemple, ou en prenant soin d’un problème de santé qu’il n’aurait pas été en mesure de soigner.
Si les personnages se lancent à la poursuite temporelle de Renaud, ils vont le suivre à plusieurs reprises entre 1666 et 1670, mais sans jamais le rattraper : soit qu’il reparte d’une époque alors que les patrouilleurs viennent à peine d’y arriver, soit que ces derniers ne parviennent pas à le retrouver. Des personnages rusés chercheront certainement à rester à proximité d’Exquemelin (qui à partir de 1668 va naviguer dans les Caraïbes, ce qui compliquera leur tâche), mais cela ne leur permettra pas de mettre la main sur l’étudiant. Peut-être pourront ils cependant se rendre compte que ce dernier, lorsqu’il prend contact avec les gens de l’époque, se fait passer pour un flibustier irlandais nommé Sean O’hara. Vous pouvez multiplier les sauts de quelques semaines ou mois tant que les joueurs ne se lassent pas de cette quête sans fin. Il sera alors temps de passer au dernier saut temporel, vers la fin 1670.
Raid sur La Rancheria
Selon les notes de Renaud ou l’ouvrage d’Exquemelin, la date à laquelle se trouve désormais le scooter volé, en novembre 1670, se situe quelques temps avant le départ de la flotte d’Henry Morgan pour l’expédition de Panama. Dans son livre, Exquemelin raconte le raid mené sur la ville de La Rancheria, à l’embouchure de la rivière de la Hache (actuels ville de Riohacha et rio Rancheria). Comme il fournit à ce sujet un certain nombre de détails, il est possible qu’il y ait lui-même pris part, et Renaud a probablement voulu s’en assurer.
Le raid sur La Rancheria, bourgade agricole produisant du maïs, pour la ville de Carthagène entre autres, avait pour principal but de rassembler des provisions pour l’expédition vers Panama. Il fut mené par quatre cents flibustiers à bord de quatre navires, sous le commandement du capitaine Bradelet. Une fois la ville prise, les pillards (parmi lesquels Exquemelin) restèrent sur place pendant un mois.
Renaud Hoarand a dans un premier temps observé les évènements en les survolant de haut à bord de son chronoscooter. Puis il s’est posé à l’écart de la ville, dans l’intention de s’en approcher et de se mêler aux flibustiers : il est accoutré comme l’un d’eux et a pu en rencontrer quelques-uns précédemment à La Tortue : il espère donc pouvoir se fondre une fois encore dans la masse et les étudier de très près dans l’exercice de leurs activités.
Malheureusement pour lui, son déguisement est si bien réussi qu’il a également trompé un détachement de lanciers espagnols, venu de Santa Marta (à une grosse centaine de kilomètres à l’ouest) pour tenter de secourir La Rancheria. Les Espagnols ont essuyé une cuisante défaite face aux flibustiers, mais en se repliant, ils sont tombés sur Renaud, qui voulait assister à la bataille aux premières loges et s’est retrouvé coupé de son scooter suite aux mouvements des forces en présence, et l’ont capturé, le prenant pour l’un de leurs ennemis.
Le chronoscooter de Renaud est dans un bois, plus ou moins bien caché dans des broussailles. Les personnages pourraient tomber dessus par accident, mais leurs chances de faire une telle découverte sont extrêmement faibles. Il est beaucoup plus probable que ce soient des flibustiers qui, en fourrageant ou en chassant, trouvent la machine. Ils ne manqueront pas de s’en vanter auprès de leurs camarades, rapportant des éléments faciles à arracher (parties du tableau de bord, petites pièces chromées) comme preuves. Il va sans dire qu’après un tel traitement, le chronoscooter ne sera plus en mesure de fonctionner correctement (mais les patrouilleurs ne doivent pas laisser derrière eux un tel appareil, même hors d’usage, ni ses pièces détachées : il faudra rassembler tous les morceaux et répartir la charge sur plusieurs scooters pour la ramener, les dégradations commises par les flibustiers n’étant pas réparables avec les moyens limités dont ils disposent sur place (le calibrage correct du régulateur temporel nécessite une grande précision et doit se faire en laboratoire)).
Si les personnages ne se sont pas mêlés aux flibustiers et se contentent de les observer en restant cachés, ils pourront repérer quelques individus qui arborent des pièces de scooter en guise de bijoux ou de colifichets (bien entendu, rien ne permet de dire qu’elles proviennent de la machine empruntée par Renaud Hoarand, et les patrouilleurs auront peut-être une envie subite d’aller vérifier le bon état de leurs propres appareils).
Aucun flibustier ne pourra renseigner les personnages au sujet de Renaud (ou de « Sean O’hara »), s’ils parviennent à le décrire suffisamment précisément pour poser des questions à son sujet : personne ne l’a vu parmi l’expédition de La Rancheria (même si certains se souviennent de l’avoir croisé autrefois à La Tortue). Si les patrouilleurs interrogent les habitants par contre, certains paysans savent que des lanciers venus pour tenter de les secourir ont fait un prisonnier qu’ils ont ramené à Santa Marta ; mais comme les relations entre les colons espagnols et leurs actuels occupants sont pour le moins tendues, il faudra déployer des trésors de persuasion (ou de provocation) pour obtenir cette information, car à leurs yeux les personnages ne sont probablement que des pillards parmi d’autres.
Santa Marta
Renaud a effectivement été ramené à Santa Marta pour y être interrogé (avant d’être exécuté, les Espagnols n’étant pas tendres envers les flibustiers). L’interrogatoire (qui repose en grande partie sur la torture du prisonnier, même si celui-ci s’avère complètement disposé à parler) est supervisé par le commandant de la garnison de la ville, Don Manuel Robles, surnommé El Puerco (mais dans son dos uniquement). Humilié par la déroute de ses lanciers face aux flibustiers, Don Manuel entend obtenir de son prisonnier un maximum d’informations sur les forces ennemies et leurs intentions.
Bien qu’il soit suffisamment sportif pour pouvoir se faire passer pour un flibustier, l’étudiant n’est pas fait pour supporter les rudesses d’une telle vie, et encore moins celles des cachots et tortionnaires espagnols : il a donc rapidement révélé à El Puerco énormément d’informations, non seulement sur les pillards présents à La Rancheria, mais également sur les raisons de cette attaque, qui sont de collecter des vivres pour la grande expédition que prépare Henry Morgan, et même sur l’objectif de cette dernière (qui n’a pourtant pas encore été annoncé, ni même décidé) : la prise de la ville de Panama (le prisonnier ou déserteur irlandais ayant informé le gouverneur de Carthagène des projets de Morgan, que mentionnent Exquemelin et d’autres auteurs, serait donc Renaud Hoarand, sous son nom d’emprunt de Sean O’hara).
Bien qu’ils l’ignorent, les personnages vont devoir faire vite s’ils veulent sauver Renaud du gibet. S’ils se rendent à Santa Marta et s’y font passer pour espagnols, ils pourront apprendre qu’un flibustier capturé à La Rancheria est actuellement emprisonné dans les cachots de la forteresse de l’alcalde. Reste à trouver le moyen de s’introduire dans le palais, d’accéder aux cachots, et d’en repartir avec un Renaud bien mal en point, en raison des multiples sévices que le bourreau lui a infligés. Les patrouilleurs préféreront peut-être attendre la pendaison publique et sauver l’étudiant de la pendaison au dernier moment, mais ils seront alors confrontés à la foule venue en masse assister à l’exécution, et s’en sortir sans recourir aux chronoscooters sera mission quasiment impossible.
Si le sauvetage de Renaud échoue, la mission des personnages ne sera pas forcément un échec complet : leur but étant d’empêcher les perturbations de la trame temporelle, l’essentiel est de ramener le chronoscooter : que l’étudiant soit mort ou qu’ils lui aient mis la main dessus, le résultat est le même, et il peut être préférable de le laisser mourir dans le passé plutôt que de risquer des perturbations par un sauvetage rocambolesque. Évidemment, celui des patrouilleurs qui lui est apparenté ne verra sans doute pas les choses d’un œil aussi pragmatique…
Si les personnages s’enfuient avec Renaud, ils seront rapidement poursuivis par un groupe de lanciers.
L’île au trésor
Une fois Renaud et son scooter (y compris les pièces arrachées par les flibustiers) récupérés, et d’éventuels témoins d’évènements gênants éliminés avant qu’ils ne puissent raconter ce qu’ils ont vu, les patrouilleurs pourront repartir avec eux pour leur époque. Mais s’il est conscient, l’étudiant ne l’entend pas de cette oreille : il explique avoir laissé du matériel important caché sur une cay (îlot) déserte à quarante encablures (environ huit kilomètres) au sud-ouest de l’extrémité du cap de Tiburon (l’extrémité ouest de l’île d’Hispaniola), matériel qu’il veut absolument récupérer. Si les personnages se montrent réticents, il ajoutera qu’il s’agit d’objets modernes qui ne peuvent être laissés à une époque aussi reculée.
Contrairement à ce que Renaud laisse croire, il ne s’agit pas de matériel qu’il a apporté pour ses recherches, mais d’un trésor enfoui là par un flibustier mort depuis. Les personnages pourraient se douter de quelque chose en réalisant que l’étudiant ne sait pas exactement où creuser (il sait simplement que le coffre contenant le butin est enterré à six pieds de profondeur sous un rocher plat à proximité de l’unique source d’eau potable de la cay, mais ne sait même pas précisément où se trouve ce trou d’eau). Renaud compte repartir avec le trésor (qui n’a jamais été découvert par la suite) et s’en servir pour financer la fin de ses études. Il est disposé à en céder une partie aux personnages si ceux-ci l’aident à mettre la main dessus (affaibli par les tortures subies à Santa Marta, il n’est pas en état de creuser lui-même) ; mais les patrouilleurs auront peut-être quelques problèmes d’éthique, car s’enrichir au moyen de trésors ramenés du passé est illégal.