Pour diverses raisons (en particulier mais pas seulement suite à une discussion à son sujet avec un vieux copain), j’ai relu ce ouéquande Dune, le premier volume du cycle de Frank Herbert, dont ma précédente (et jusqu’à présent unique) lecture remontait à… 1985, je crois (à un an près).
À l’époque, je n’avais rien remarqué ; mais cette fois-ci, j’ai tiqué à plusieurs reprises en soupçonnant des erreurs de traduction (en particulier des faux-amis).
J’ai regardé le nom du traducteur. Mon exemplaire est une réédition du début du siècle, mais la traduction est celle de feu l’auteur de SF Michel Demuth, donc la même que dans la version Presses-Pocket que j’avais lue auparavant ; une traduction datant des années ’70 et dont on pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle soit correcte et soignée.
Mais plus ça va, plus je me dis que ma conviction selon laquelle le manque de qualité des traductions de textes de SF est relativement récent (disons, dans les années ’90) est erronée, et vient en réalité du fait qu’avant cette époque, je n’avais pas une maîtrise suffisante de l’anglais pour repérer les erreurs de traduction dans le texte français (et je n’étais sans doute pas suffisamment méfiant non plus).
Et pour ce qui est de Dune, j’en ai des preuves flagrantes qui m’ont été fournies par la consultation en parallèle de mon exemplaire de The Dune Encyclopedia. Consultation qui m’a permis d’en déceler d’autres, indétectables sans comparer avec la V.O..
J’avais déjà tiqué sur la traduction du terme fremen shadout : « qui creuse les puits ». La V.O. parlait de well-dipper, quand celui qui creuse les puits serait plutôt un well-digger. Le shadout serait donc en fait quelque chose comme celui qui puise, ce qui n’a pas du tout le même sens.
Mais ce qui m’a le plus choqué, c’est la traduction faite par Demuth des unités employées par les Fremen pour mesurer l’eau : « Jamis portait trente-trois litres, sept drachmes et trois secondes trente de l’eau de la tribu », nous dit le texte français.
Je trouvais bizarre d’employer des secondes pour mesurer un volume d’eau, mais après tout, pourquoi pas : ça pouvait être expliqué par le temps de passage de l’eau dans le débitmètre (flowmeter ; un simple compteur en V.F.) du bassin dans lequel elle est versée plus loin (sauf que les Fremen n’ont pratiquement pas d’horloges, mais passons). Mais non : la réalité est bien plus prosaïque : ça s’appelle une traduction faite sans comprendre le sens du texte originel.
Car il ne s’agit en aucun cas de secondes : l’unité originelle est le trente-deuxième de drachme. « One thirty-second of a drachm » : il y a bien là tous les éléments qu’on retrouve dans le désordre dans la fausse traduction de Demuth ; mais le sens n’est absolument pas le même.