Quelques cogitations sur la préparation nécessaire pour mettre correctement en scène des scénarios dans un cadre historique, plutôt que de les utiliser dans un contexte de fiction, m’ont amené à percevoir une classification des contextes de JdR selon leur niveau de canon (canon étant ici à prendre au sens rôludique anglophone du terme ; on pourrait aussi parler d’orthodoxie, mais alors faudrait que je trouve un nouveau titre à mon billet).
Je distinguerai ainsi des contextes à canon lourd, pour lesquels on a tendance à s’efforcer de respecter au maximum la description officielle, au point de parfois se bloquer et se censurer plutôt que d’oser prendre des libertés avec des éléments non encore décrits ou dont on ne connait pas la version officielle ; et des contextes à canon léger, pour lesquels on hésite moins à se lancer dans des développements personnels, sans se formaliser particulièrement d’avoir enfreint la version officielle.
En ce qui me concerne (mais j’ai l’impression que pas mal de MJ sont dans mon cas , au moins pour ce qui est de la première catégorie), je citerai comme exemples de canon lourd Glorantha, Tékumel, Jorune, Hârn, l’Official Traveller Universe, le contexte de Blue Planet, celui de Transhuman Space, ou encore le monde de Reah ; et comme exemples de canon léger Talislanta, Tigres Volants (j’ose espérer qu’Alias ne m’en voudra pas !), et la plupart des contextes issus de la littérature, pour lesquels les sources véritablement officielles sont en nombre limité et quiconque les maîtrise a tout autant de légitimité à développer leurs à-côtés que les auteurs d’une éventuelle gamme de JdR sous licence officielle, tels que les Jeunes Royaumes, le monde Hyborien de Conan, ou encore le Monde magique et la planète Tschaï.
Comme exemples intermédiaires, ni tout à fait lourds, ni tout à fait légers, pour lesquels je m’efforce généralement d’adopter la version orthodoxe sans me formaliser outre mesure (mais quand même…) lorsqu’il m’arrive de l’enfreindre ou d’être contredit par des publications ultérieures, je citerai Laelith, Le Vieux Monde de Warhammer, Dark Sun ou Tanæphis.
Évidemment, sur la durée, on finit généralement par diverger nettement même de contextes à canon lourd ; ou tout au moins, le canon finit par diverger de la conception personnelle qu’on en avait sur la base des premières descriptions. Dans ce cas, plutôt que de passer le contexte en question dans la catégorie des canons légers, on en vient parfois (souvent ?) à s’en détourner carrément.
Quant aux contextes historiques, que j’évoquais en introduction de ce billet, ils ont tendance à être des contextes à canon lourd et donc, comme je l’ai déjà dit, à entraîner des blocages chez leurs utilisateurs potentiels.
À mon avis, si la distinction entre « canon lourd » et « canon léger » existe de façon intrinsèque dans certains jeux (personnellement, je mettrais plutôt les jeux tirés d’une œuvre existante, comme Star Wars ou Elfquest, dans les « canon lourd »), ça dépend également beaucoup de la façon dont on entend jouer.
Si on aime les histoires à grandes ramifications qui font changer les choses, alors oui, un canon lourd sont un problème. Si on décide de plus jouer la « petite histoire » en collant plus près de la vie quotidienne, c’est moins gênant.
On peut également jouer sur le thème de l’histoire secrète et avoir une campagne qui se base sur des événements historiques dont personne n’a parlé, aux frontières de la légende.
Je n’ai pas dit que les jeux se plaçaient intrinsèquement dans l’une ou l’autre catégorie : ça dépend effectivement de la sensibilité et des attentes de chaque utilisateur. Il y a des jeux qui auraient plutôt tendance à orienter l’utilisateur vers l’une ou l’autre, mais au final, c’est le MJ qui choisit ce qu’il en fera. Glorantha, l’OTU ou le World of Darkness (par exemple) ont des volumes de « données officielles disponibles » conséquents, mais ça n’a jamais empêché d’accommoder tout ça à leur sauce et de faire hurler les puristes.
Star Ouarz, je pense que c’est un cas TRÈS particulier : ça peut être du canon lourd pour ceux qui ont vu tous les films, lu les romans, collectionné le JdR, etc… ; mais pour les puristes qui au contraire ne retiennent que la trilogie originelle, ça sera sans doute plutôt du canon léger ; le volume de canon disponible joue aussi, en plus bien sûr des goûts et des couleurs de l’utilisateur.
Après, je suis d’accord, un canon lourd est un handicap quand on veut « tout casser » (je schématise) ; à moins que l’évolution officielle du contexte ne prévoit un grand chamboulement et que les actions des persos puissent s’y insérer sans difficulté.
Enfin, pour le coup de l’Histoire secrète, ça peut très bien coller avec un canon lourd, en s’appuyant sur de tout petits détails anodins en apparence mais derrière lesquels on peut mettre une signification particulière, qu’on peut relier entre eux, etc…
Ben Star Wars, à l’inverse de Glorantha, est un univers potentiellement infini , puisque à l’échelle de la Galaxie. Si tu veux y placer une province de l’Empire, ou même une planète, où tout est à l’envers de l’univers SW, tu le peux. Les aventures de SW se placent sur un nombre de planète limité, on ne sait pas grand-chose du reste, et tu peux rajouter « les systèmes férocement isolationniste de… où les règles sont différentes » .
Sur la surface réduite des continents de Glorantha, il est difficile de placer une civilisation qui n’ait pas eu de contacts avec les autres, et dont les joueurs n’ont jamais entendu parler.
Donc Star Wars pour moi: canon(laser) léger :)
Ah, mais la classification lourd / léger n’est pas particulièrement liée à l’étroitesse ou l’étendue du contexte, mais à la présence ou non chez un utilisateur particulier d’une réticence, voire d’un blocage, à l’idée d’aller à l’encontre du canon.
L’OTU est vaste et Talislanta finie, n’empêche que c’est le premier qui chez moi est du canon lourd et le second du canon léger…
(quant à Star Ouarz, si je n’étais pas allergique à cet univers de jeu, ce serait sans doute pour moi, soit du canon léger, soit du canon un poil plus lourd mais se limitant aux trois films d’origine (et dans leur version d’origine, évidemment)
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