Plus ça va, et plus nous sommes gérés au boulot, non pas comme des individus accomplissant des tâches techniques dans des conditions particulières, mais comme de vulgaires pions qu’on déplace au gré des besoins, sans tenir compte des aspects techniques, des contraintes géographiques, des particularités personnelles, et même des problèmes d’horaires.
Désormais, nous ne sommes mêmes plus des pions, mais des pourcentages d’activité : étant à temps plein, je « vaux » 100 %, alors que la plupart de mes confrères sont à temps partiel (car sur des postes à temps partiel) et valent des pourcentages variés.
La dernière grande idée du siège a été de proposer à certains des temps partiels de monter à temps plein, et d’en profiter pour « éliminer » les petits temps partiels, soit par non remplacement en cas de départ en retraite, soit en les mettant dehors purement et simplement.
Ce à quoi ces brillants gestionnaires de ressources humaines n’ont pas pensé, c’est que si au final, ils ont peut-être la même somme de pourcentages (et donc la même masse salariale), sur le terrain, quand il faut N personnes présentes simultanément sur des postes différents, en avoir seulement N’ < N ne permet pas d’accomplir le travail (sans parler des personnes qui dans leur système technocratique devraient non seulement faire au même moment le boulot de plusieurs, mais sur des sites distants de plusieurs dizaines de minutes de route).
Jusqu’à présent, je n’étais pas tellement impacté, puisqu’étant déjà à 100 % dans leur système de calcul, et ayant en outre des heures excédentaires se comptant en semaines, voire en mois, et toujours sans la possibilité de les rattraper, ils m’avaient laissé tranquille. Mais ce matin, en rentrant de vacances, j’ai eu la « surprise » (qui n’en était pas vraiment une, puisque mon suppléant m’avait appelé pour me prévenir que ça allait arriver) d’apprendre que mon suppléant (10 %), qui dans leur nouvelle organisation du travail devenait le suppléant du collègue du site le plus proche, ce dernier passant de 50 % à 100 % et devenant entre autres nouvelles fonctions mon nouveau suppléant (vous me suivez ?), était licencié comme un malpropre (et pas pour la première fois, d’ailleurs, mais c’est un autre débat), et qu’on me demandait donc d’assurer la suppléance du collègue bossant à une demi-heure de route d’ici. Ceci, en plus de mes activités normales, évidemment. Sans augmentation, sans compensation, et même sans remerciements.
Je me suis fendu en retour d’un petit courriel pour expliquer de façon argumentée mais très édulcorée à nos têtes pensantes (qui elles faisaient bien tranquillement le pont pendant qu’on marnait sur le terrain) ce que je pensais de leur proposition, pourquoi elle était inapplicable, et ce qu’ils pouvaient en faire.
Mais bien entendu, ça n’est pas ça qui va les arrêter. On se dirige donc vers un bras de fer dans lequel je suis sûr de perdre à terme (et par conséquent, la qualité du travail accompli sur les deux sites, car ne croyez pas que je vais rester motivé et consciencieux dans de telles conditions), à moins qu’ils ne préfèrent abandonner les premiers (ce que j’espère sans trop y croire).
Je sens que le début de l’année 2013 va être « amusant ».
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C’est le moment pour préparer une petite réunion avec les délégués du personnel.
Il faut tout d’abord vérifier les termes de ton contrat de travail : si un (ou plusieurs) sites sont expréssément spécifiés comme lieux de travail, toute activité non occasionnelle (i.e. récurrente) sur un autre site ne peut être légale sans signature d’un avenant.
Par ailleurs, légal ou non, il convient au moins de poser la question du défraiement des coûts de déplacement entre sites, lors de la prochaine réunion direction-DP.
En dernier ressort, il reste la technique de l’inertie. Une réunion à 14h ? Pas de problème, j’y arrive à 14h30, car mon heure de déjeuner est programmée entre 13h30 et 14h30. Un besoin ponctuel urgent ? Pas de problème, on verra la semaine prochaine, j’en suis déjà à 12h d’heures supplémentaires non payées cette semaine. Avec des gens pas trop idiots, ça fait mouche assez rapidement. Si tu es tombé sur des deux-de-tension ou zéro-en-initiative, forcément, le bras-de-fer va être plus compliqué.
Pour le contrat de travail, j’y ai pensé. Je n’ai pas encore vérifié, mais je ne serais pas surpris qu’il contienne une mention du genre « ainsi que toutes missions rendues nécessaires par les nécessités du service ».
Pour les FDD, ils ont paré à mon objection qui n’était pas encore émise, en annonçant qu’ils mettraient un véhicule de service à disposition sur le site. Ce qui signifie avoir en plus toute la responsabilité de l’entretien dudit véhicule, donc du boulot en plus. Véhicule qui sera stationné en bordure de route sur un parking non clos, argument que je ferai une nouvelle fois valoir (ils voulaient déjà nous coller une bagnole et quand j’avais refusé, cet argument avait fait mouche).
Pour le coup d’arriver en retard aux réunions, ça se retournerait contre moi, pasque ce sont des no-life-en-dehors-du-boulot qui s’en foutent de sauter des repas et de finir à des heures indues, alors que moi je serai sur le pont depuis bien avant eux et j’aurai encore la route à faire pour rentrer à la maison.
Traîner les pieds, ça, oui, je vais faire.
Et je ne suis plus syndiqué depuis trois ans (depuis que j’ai réalisé, comme je l’ai d’ailleurs expliqué sur cet écran, qu’ils étaient beaucoup plus efficaces et rapides pour me réclamer ma cotisation que pour répondre à une question assez simple mais cruciale pour ma carrière (d’ailleurs, j’attends toujours la réponse)), ça n’aide pas à avoir des appuis.
Donc oui, le bras de fer va être difficile.